L'hommage rendu � Tahar Djaout organis� � l'initiative de l'association Tussna et le recueillement sur sa tombe � Oulkhou est un douloureux voyage dans la m�moire. Une m�moire tatou�e de milliers d'assassinats par les islamistes int�gristes d'hommes et de femmes anonymes ou connus, intellectuels journalistes auxquels l'association Tussna rend hommage � l'occasion de cette comm�moration. En cette journ�e de jeudi 26 mai, la colline o� repose pour toujours Tahar- Djaout baigne dans une triste solitude. De ces imperturbables solitudes de cimeti�res que silencieusement d�range le sifflement morne et lugubre des orgues de la M�diterran�e et, surtout l'oubli des hommes, rendent encore plus poignante et qui n'a pas manqu� d'envelopper de son halo de tristesse et d'interrogations la poign�e d'hommes et de femmes qui ont fait le voyage d'Oulkhou. Ce lieudit surgi de nulle part et pouss� par la folie assassine de l'int�grisme islamiste, un certain jour du mois de mai 1993, avec fracas et douleur dans l'Histoire. Mais Oulkhou comme, peut-�tre T. Djaout, l�-bas dans le ciel, veulent croire que l'oubli, les revirements, les reniements des hommes ne r�ussiront pas � les en sortir. M. Gasmi, inspecteur de fran�ais en retraite et de quelques jeunes de l'association du village qui portait auparavant le nom de Djaout, d�sormais d�nomm� Oulkhou "a caus� des susceptibilit�s claniques et villageoises", nous a confi� un membre de l'association rencontr� au si�ge de celle-ci, viennent souhaiter la bienvenue � la d�l�gation o� figurent S. Khelil et S. Boukhari, des figures connues de la politique et du mouvement culturel berb�re et � laquelle a tenu � se joindre P�re J. Gu�ni�re de la communaut� des P�res blancs de Tizi-Ouzou. Le retour � la r�alit� prosa�que impos�e par leur arriv�e suivie des salutations d'usage fut de courte dur�e. On est vite replong� dans l'ambiance �mue du recueillement. Sur le marbre fun�raire, deux dates et quelques mots, �ph�m�rides et t�moignage de l'horreur "ici repose le po�te, �crivain et journaliste T. Djaout, assassin� le 26/05/1993 � 8h30, victime d'un attentat int�griste. Il succombe � ses blessures le 12/06/1993 � 17h00" et puis cette pens�e d'un village de B�ja�a : "(...) les immortels sont ceux qui vivent aussi longtemps que notre m�moire collective o� ils sont � jamais enterr�s. Nous ne te pleurons pas, nous te suivrons". Ensuite, il y a cette remont�e dans le souvenir, ces instants vol�s � l'intimit� d'une rencontre � laquelle nous invite M. Gasmi qui nous guide � travers les chemins de randonn�es bucoliques et champ�tres et de la m�moire d'Oulkhou. M. Gasmi est intarissable de r�f�rences bucoliques, de petites et de grandes histoires et de l�gendes qui, d'apr�s lui, ont �t� � l'origine de l'inspiration de Tahar-Djaout "Tahar voulait savoir d'o� nous sommes. Son village, c'est le d�part de son œuvre, l'Expropri�, c'est le livre du terroir et de l'interrogation. Dans Les rets de l'oiseleur, il raconte des histoires succulentes inspir�es des champs et des vall�es qui entourent les collines d'Oulkhou". Pour notre guide d'un jour, l'�vocation de la vie et de l'œuvre de l'auteur de Les chercheurs d'os, est un pr�texte pour �grener les lieux de m�moire (historique, min�rale et v�g�tale) de cette contr�e maritime qui a �t� f�condante pour le travail litt�raire, po�tique et politique de Djaout hant� et habit� par la qu�te du temps perdu et la restitution des v�rit�s. Tahar Djaout, est l'homme des interrogations et des mots subversifs. Il en est peut-�tre mort ! Et �voquer sa m�moire, en ces temps pours beaucoup embauchent les trompettes de la concorde, l'amnistie, peut para�tre aussi subversive et politiquement suspecte. Nous quittons Oulkhou et le sourire de Djaout fig� sur le portrait n�gligemment pos� sur un mur de la biblioth�que de l'association qui ne porte plus son nom. Et il y a cette question qui vous poursuit comme un cas de conscience, un remords : qu'est-ce que la famille de Djaout, la famille qui avance devenue ?