Vendredi dernier, la montagne sacr�e a ouvert son c�ur aux milliers d�hommes et de femmes pour le traditionnel Assensi, le rituel annuel organis� par le village des A�t Adella, sur le pic d�Azru n�Thor, 1883 m�tres d�altitude. Azru n�Thor est la montagne embl�matique. Un itin�raire montagnard pas trop rocailleux, accessible et ouvert � tous les amoureux de la nature, de l��vasion, des vertiges, de la randonn�e et bien �videmment en emportant avec soi le cachet socioculturel. Chaque deuxi�me vendredi du mois d'ao�t, toute la communaut� villageoise des A�t Adella, un bourg blotti au pied de la montagne, se mobilise pour r�ussir l'�v�nement. Cette ann�e, il y avait plus de monde que d'habitude. Les �migr�s rentrent, ceux de l'int�rieur aussi, sans compter tous les autres p�lerins qui sont venus de plusieurs contr�es de la Kabylie. D�s les premi�res heures de cette belle matin�e de vendredi, le col de Tirourda, passage oblig�, ne d�semplit pas. La procession de voitures et surtout les nuages de poussi�res envoy�es en l�air sur la piste menant tout droit au pic, renseignent sur le flux des personnes attendues. Sur les lieux, il y a toute une organisation et une logistique mises en place. Pas la moindre d�faillance. La vigilance est au maximum. Le village s'est mobilis� depuis la veille. On accueille, on oriente les automobiliste. On veille au grain avec son cachet hospitalier, 50 familles �taient d�sign�es par le comit� pour l�organisation, le service et la s�curit� des p�lerins. Plus de 4 quintaux de couscous pr�par�s et 33 moutons ont �t� sacrifi�s la veille. Sur la place o� est install� �l�agraw�, les sages du village accueillent avec des mots de paix, de bonheur, sans connotation religieuse, les offrandes, des sommes d'argent, des visiteurs. Ici on implore le rocher pour soigner sa maladie, vaincre la mal�diction, surmonter les chagrins... Avec des mots simples, pleins d�espoir, ils font ce que la science biologique n�arrive pas � assurer, � garantir � l��tre humain souvent faible devant sa maladie, son �chec et ses chagrins. En face, le couscous est bien garni accompagn� d'une eau fra�che rapport�e directement de la source, Tala Ouselgou (source d�eau douce et soignante) en rasemontagne. �Tout le monde veille � ce que tous les visiteurs aient d�j� pris leur part et goutt� au mets pr�par�, insiste Daa Boussa�d, la soixantaine. Sur les sentiers, sous les arbres de c�dres, des familles s'�vadent. Certains ont d�j� install� leur tente depuis la veille. Azru n'Thor, c'est aussi un rendez-vous de farniente. �Ce rituel rev�t un cachet strictement culturel qui nous vient de la pens�e kabyle. C�est une f�te qui nous vient de tr�s loin, ant�rieure � l�islam, au christianisme, aussi loin dans la nuit des temps. C�est un lieu o� se produit l�harmonie. Nous sommes ici pour perp�tuer les traditions des montagnes de Kabylie. Chaque ann�e, les populations viennent accomplir cette �Ascension�, nous raconte Abdenour Abdeslam rencontr� sur place. Pour les populations des A�t Adella et celles des autres localit�s nich�es au pied de l�immense Djurdjura, qui n�ont �jamais rat� ce rendez- vous annuel�, Azru n�Thor est �un haut lieu socioculturel de la spiritualit�. Un lieu privil�gi�, plus pr�t des dieux. Tout en face, Azru n�Thor domine, surplombe des ombres impressionnantes en sillonnant d�autres pics riants et contrast�s. Toute la Kabylie s�offre � l��il. Le c�t� touristique prend place. On immortalise la nature. ��a me fait rappeler les Alpes�, me lance une �migr�e de Lyon, qui vient �ici pour faire de la randonn�e�. La montagne r�v�le ses paysages splendides. Lorsqu�on acc�de � son point culminant, essouffl�, le panorama qu�on y embrasse est �bouriffant. Mais le pic d�Azru n�Thor, c�est surtout des kilom�tres carr�s de contrastes, un site o� l�on trouve � la fois des bergers, des courbes qui s�offrent une randonn�e, des individus qui valorisent des traditions multis�culaires. Sans compter que les hauteurs sont aussi spirituelles : seul face � l�immensit� de la nature brute, avec pour tout horizon du jeune qui se fond dans les cieux, sans aucun �tre humain � la ronde, on est saisi de vertige. Dominer les villages des Illilten, admirer les vall�es depuis une place forte m�di�vale, tutoyer les sommets puisque tout nous y invite. Fin de journ�e, Azru n�Thor se ferme. La piste rocailleuse, qui jette les cailloux au moindre coup de volant est remplie de processions de voitures, bicyclettes et autres randonneurs. Les sentiers se tortillent en lacets. Autour se dressent les autres montagnes, au contre-bas les vall�es. On laisse derri�re des vaches et des moutons par dizaines qui s�accrochent � la pente. Un petit paradis auquel on s�adonne avec d�lice pour une journ�e.