Le long de la route fra�chement tapiss�e reliant Ifigha � Mokn�a, s��talent � perte de vue des champs de figuiers et au plus loin appara�t une cr�te, 912 m�tres d�altitude, haut-lieu d�armes durant la R�volution, dominant un p�t� de maisons, de nouvelles constructions. A l�entr�e du village, on a tendance d�embl�e � sentir le parfum de l�hospitalit� l�gendaire des hommes libres. Ici, tout est bien palpable, r�el. Ici, c�est Mokn�a, 2000 habitants, le village autonome, r�volutionnaire qui a d�cid� de sortir de l�anonymat, � l�occasion de la comm�moration du 49e anniversaire du congr�s de la Soummam. Ce lundi 22 ao�t, le village convoque l�histoire et convie des milliers de personnes pour la c�r�monie d�inauguration de la st�le �rig�e � la m�moire de ses 57 meilleurs fils tomb�s en champ d�honneur. Une st�le r�alis�e et financ�e gr�ce � la solidarit� villageoise, pour un capital de 200 millions de centimes. L��v�nement, en lui-m�me, pouvait passer inaper�u. La communaut� villageoise soud�e comme un rocher, a eu cette opportunit� de pr�senter ses meilleures facettes, loin des clich�s officiels et de pouvoir donner enfin une le�on de solidarit�. Notre visite prend son d�part � l��cole primaire construite et financ�e enti�rement par les villageois en 1963 d�j�. C�est dire que le message d�entraide et de solidarit� se transmet de g�n�ration en g�n�ration. Dans la cour de l��cole, on y fl�ne de salles d�expositions en grappes d�anciens du village install�s, avec un d�tour par les r�cits d�histoire. On a donn� la chance aux anciens combattants et les sages de se rassembler pour la premi�re fois, de leur r�habiliter la m�moire. Un signe d�honneur. Cet �v�nement a �t� certainement trop attendu. Les pr�paratifs ont commenc� en 1982 date de la pose de la premi�re pierre, par le commandant Si Hemimi, aujourd�hui d�c�d�. C�est lui qui a dirig� la bataille de 1958 dans le village. Un devoir de m�moire aussi � ce village qui ne d�passait m�me pas les 267 �mes durant la guerre. Pas de secret d�alc�ves. On raconte que le village est d�abord un site pr�historique. La d�couverte par pur hasard, par un paysan d�une pierre grav�e en caract�re lybique, la pr�sence de vestiges dans plusieurs endroits du village expliqueraient cette qualification. Au village, on nous explique aussi que �durant le r�gne de la dynastie des Ath El Qadi, connue sous le nom des rois de Koukou, les populations locales ont jou� un grand r�le dans le d�veloppement et la consolidation du royaume�. Village martyr Mokn�a, � l�origine est un hameau compos� de vieilles b�tisses, aujourd�hui abandonn�es. Le vieux village est enti�rement d�laiss�, mais rest� � l��tat pur et original. Les pierres et les tuiles n�ont � ce jour pas �t� r�cup�r�es. La colline odorante a �t� le seul t�moin des batailles et des faits d�armes. De par sa situation strat�gique, le vieux Mokn�a s�est transform� en centre de transit pour les fellaga venant ou se rendant vers les postes de commandement de la wilaya III, dans les maquis de l�Akfadou. Mokn�a, a subi les assauts des soldats du 27e Bataillon de chasseurs alpins (BCA) venus pour pacifier les villages kabyles. C��tait au milieu de la guerre. Vers 1958, cette phase succ�de � celle de la s�curisation durant laquelle ce bataillon a chass� les �l�ments ind�pendantistes des montagnes et pris en compte le v�u de ralliement des villageois. Les chasseurs alpins ouvrent des �coles, am�nagent des routes, construisent des postes de surveillance pour prot�ger les populations ou s�occupent de la maintenance de leurs v�hicules. Mais les populations et les montagnards n�ont pas tendu l�oreille �� cette nouvelle strat�gie�. Il faudra encore se �rebeller� davantage. Comme tout village situ� dans les contreforts de la cha�ne du Djurdjura, Mokn�a a eu sa propre bataille. Meziani Hachemi raconte celle de 1958, l� o� l�arm�e fran�aise a utilis� pour la premi�re fois le gazage au napalm. �En 1958, j��tais � Tunis, je ne suis rentr� qu�en 1959 en compagnie de Abderrahmane Mira, pour s�enqu�rir de la situation dans mon village et pour voir ce qui s�est r�ellement pass�. Le vieux maquisard, en tremblote, donne son t�moignage. �Une compagnie encadr�e par Salah Mahli des Ath Ouartilane est arriv�e de Tunis pour trouver refuge dans ce village. Trois jours durant, les moudjahidine �taient clo�tr�s dans les maisons. L�arm�e fran�aise tenue au courant a tent� de leur faire des embuscades. Le convoi militaire s�est dirig� alors en direction du village, via le village d��-c�t�, Aourir. Avec ses jumelles, Salah a tout rep�r�. Les diff�rentes sections se sont vite pr�par�es et mises en garde. Vers 8 h, le village �tait cern� part les militaires. Ils n�ont pas tard� � traquer les moudjahidine. La bataille fait rage. Les chars, les batteries d�artillerie au nombre de 4 se sont mis de la partie, les secours arrivent tout pr�s de Yakouren et de Mehaga avec leurs avions en renfort. Le chef de compagnie surveillait plus de dix fois la cr�te. La bataille a dur� jusqu�� 21 h, avec son lot de victimes dans les deux camps. On a d�nombr� 12 chahids dans cette bataille et un nombre inconnu de soldats et de goumer�. �De cette bataille, il reste, � ce jour, un survivant, un ancien maquisard de la r�gion de Sidi Mansour, invit� � cette c�r�monie mais n�a pas fait le d�placement�, pr�cise pour sa part Hami Amar, actuellement responsable de la cellule ONM de Azazga. Mokn�a a eu sa premi�re victime de la r�volution en 1956. �Le premier maquisard est Aniche Lounes, tu� lors de la premi�re embuscade � Yakouren�. Aujourd�hui, Chabha Sedri ne fait qu�afficher amertume. Quand elle exhibe ses m�dailles et raconte ses ann�es de maquis et ses deux ans de prison, cette grande moudjahida qui a �c�toy� dans les maquis les Mohand Oulhadj et Amirouche� ne m�che pas ses mots pour vilipender �les partisans du 19 mars et les nouveaux moudjahidine�. Village autonome Mokn�a donne l�air de tourner le dos aux pouvoirs publics. Tout ce qui a �t� construit et r�alis� comme infrastructures est l��uvre des villageois. Les pouvoirs publics n�existent que dans les papiers. �Le village a sa propre organisation sociale. Le budget de fonctionnement vient des cotisations de ses habitants, locaux ou �migr�s, 200 DA pour un adulte tous les mois. Il est g�r� par le comit� des sages dans la transparence totale�, raconte Nacer Souci. L�exemple parfait d�une d�mocratie participative. Le citoyen participe directement � la gestion et l�organisation de son village. �Tous les projets r�alis�s jusqu�� pr�sent sont financ�s et �quip�s par la caisse du village. La maison de jeunes, les pistes agricoles, les chemins de desserte, le r�seau AEP�. Mokn�a est un havre de paix d�une grande beaut�. Le vieux village abandonn� par ses habitants sera transform� en mus�e. C�est le v�u de l�association culturelle qui demande de l�aide du minist�re de la Culture. Il ne pouvait �chapper � la collection des topo-guides, consacr� aux randonn�es et aux visites touristiques. Les pouvoirs publics devraient s�y int�resser. Belkacem Hadjadj, le r�alisateur du film Macahu a m�me eu l�id�e de tourner quelques s�quences dans ce village. Le ministre de la Solidarit�, Djamel Ould Abb�s, lors de son escale priv�e, dimanche dernier, a promis de transformer Mokn�a en village pilote en mati�re de d�veloppement rural. Tout un programme est port� � la connaissance des habitants. Il s�agit de l�extension du r�seau d�assainissement, ach�vement du r�seau AEP, �clairage externe, �quipement de la maison de jeunes, r�am�nagement du centre de sant�. Comme dans tous les villages des montagnes, la paup�risation est aux portes des maisons. Si l��migration profite � certains pour investir dans la construction et le b�timent, les jeunes qui sont rest�s engagent un combat permanent pour survivre. �Seul b�mol, l�exploitation de la carri�re qui a aid� beaucoup de jeunes pour s�occuper et gagner un peu d�argent� dira un jeune. �Le b�timent n�est plus prosp�re, ceux qui ont construit, ils l�ont fait durant les ann�es 1980�.