Le 4e Forum mondial de l'eau qui s'est ouvert ce jeudi � Mexico ach�vera ses travaux demain. La manifestation rassemble politiques, techniciens, experts, entreprises et organisations non gouvernementales, afin de faire "avancer la cause de l'eau" dans le monde. L'�v�nement aurait pu passer inaper�u s'il ne se rapportait pas � une ressource vitale, de plus en plus rare et de moins en moins bien r�partie. En effet, les r�serves annuelles d'eau douce par habitant ne cessent de diminuer en raison de la croissance d�mographique, des besoins de l'agriculture et de l'�levage et des pollutions li�es aux activit�s industrielles et urbaines. Quelques indices de mesure de la catastrophe qui s'annonce. Plus d'un milliard de personnes, soit une sur cinq, vivant naturellement dans les pays en d�veloppement, n'ont toujours pas acc�s � une eau potable. R�alis� par 24 agences de l'ONU, le deuxi�me rapport mondial sur la question, publi� par les Nations unies � la veille du Forum, �tablit que les ressources en eau douce sont aujourd'hui une priorit� absolue : la consommation en eau a �t� multipli�e par six au cours du XXe si�cle, quand la population n'a que tripl�. Les chiffres sont alarmants. La m�me quantit� d'eau est r�partie entre 2,5 milliards d'habitants en 1950 et 6,5 milliards en 2005. Dans vingt ans, ils seront 8 milliards d'humains, soit trois fois plus, � se battre � c'est le mot � pour acc�der au pr�cieux liquide. La preuve : 34 000 personnes par jour meurent faute d'acc�s � une eau saine, alors que, parall�lement, un Am�ricain utilise en moyenne 600 litres d'eau par jour et un Europ�en 150 litres. Ici comme ailleurs, les in�galit�s sont frappantes et sont sources de drames, les hommes n'�tant �gaux que devant la mort. Globalement parlant, l'Am�rique du Sud est la partie du monde la mieux lotie : elle d�tient le quart des r�serves mondiales pour 6 % de la population. L'Asie est le parent pauvre avec seulement un tiers des r�serves pour 60 % des habitants de la plan�te. Si, pour l'instant, 30 % de la population vit dans des pays dont les ressources sont "faibles" (moins de 2 000 m3 par an et par habitant), selon le programme hydrologique de l'Unesco, en 2025 la "tr�s grande majorit� de la population" devra s'accommoder de r�serves "basses", et m�me "catastrophiques". L'Alg�rie fait justement partie du lot. Comme dix-sept autres Etats africains affect�s par le stress hydrique, elle est loin d'atteindre les 1000 m3 par habitant et par an, seuil de p�nurie pour le PNUD et de raret� pour la Banque mondiale. Elle fait aussi partie d'une r�gion qui a la double particularit� d'�tre d�ficitaire et de s'attendre � conna�tre une s�cheresse plus prononc�e � l'avenir. Second point de rep�re d'importance : 40 % des 6,5 milliards d'�tres humains que compte la plan�te ne b�n�ficient pas de syst�me d'assainissement de base. Ordures domestiques, eaux us�es, pesticides agricoles et d�chets industriels polluent cours d'eau et nappes souterraines. Comme la mauvaise eau chasse la bonne dans des proportions incroyables, un seul m�tre cube d'eau douce pollu�e rend inutilisables 8 � 10 m�tres cubes, ce qui suppose des traitements co�teux que seuls peuvent se payer les nantis. La raret� de la ressource l'a fait surnommer �l'or bleu� pour ceux qui en tirent profit ou encore �le probl�me du XXIe si�cle� pour ceux qui sont charg�s de sa collecte et sa r�partition. Comme pour toute question relative � des int�r�ts �conomiques lourds, la r�alit� n'arr�te pas de faire mentir la politique. Lorsqu'en septembre 2000, les dirigeants du monde, r�unis sous l'�gide des Nations unies, adoptaient le pacte du �mill�naire pour le d�veloppement� avec les objectifs d'un mill�naire plac�s sous le signe du d�veloppement humain, l'eau �tait l'objet d'un engagement g�n�reusement quantifi� : r�duire de moiti�, d'ici � 2015, la population qui n'a acc�s ni � l'eau ni � l'assainissement. Les politiques auront encore une fois m�rit� leur r�putation : ils ont menti. Six ans plus tard, la situation est exactement au m�me stade. La collecte de l'eau soul�ve partout d'inextricables probl�mes, quelle qu'en soit la source. Primo : les eaux souterraines, partiellement renouvelables, sont expos�es � un s�rieux danger de contamination. Secundo : les barrages lanc�s en grande trombe au si�cle pass� continuent � pousser comme des champignons, de plus en plus gigantesques, avec des implications encore insoup�onnables sur l'environnement. Ainsi en est-il du pharaonique barrage d'Assouan que supplantera bient�t au livre des records celui des Trois Gorges en cours de construction en Chine pour stocker 39 milliards de m3 d'eau en 2009. Ces grands travaux suscitent cependant de nombreuses r�serves, du fait de leur impact sur leur environnement. Tertio : le dessalement de l'eau de mer, ultime recours r�serv� aux pays non enclav�s qui peuvent en payer le prix. 12 500 sites alimentent d�j� une part insignifiante de la population mondiale (1,5 %), essentiellement localis�e dans les pays du Golfe. La concentration de sa population le long d'une fine bande littorale longue de 1200 km et la disponibilit� de l'�nergie ont incit� notre pays � envisager un programme de dessalement de l'eau de mer d'une trentaine de stations dont certaines envoy�es � la ferraille avant leur mise en service � la faveur de la mise en faillite du groupe Khalifa. L'utilisation de l'eau est, elle aussi, probl�matique. L'agriculture absorbe 73 % de l'eau douce utilis�e dans le monde, suivie de l'industrie et de le l'�nergie (21 %), et des foyers des particuliers (6 %). Les terres irrigu�es qui repr�sentent 15 % des cultures mondiales et produisent 40 % des ressources alimentaires de l'humanit� se d�velopperont pour faire face aux besoins de l'homme. Leur irrigation s'accompagne d'une d�perdition de 20 % � 60 % de l'eau qui leur est destin�e. Il faut 1 500 m3 d'eau pour produire une tonne de c�r�ales. D'o� l'int�r�t pour le secteur � recourir au goutte-�- goutte au pied des plantes pour ne consommer que la quantit� strictement n�cessaire. L'�levage intensif g�n�re plus de d�perditions. 20 000 m3 d'eau sont n�cessaires pour produire une tonne de viande de b�uf. Toutefois, ce qui fait le plus d�faut ce n'est pas la disponibilit� de la ressource mais le manque d'infrastructures pour sa distribution et son traitement. Et encore une fois : le secteur priv�, sous sa forme monopolistique et multinationale, qui avait promis d'�tendre les infrastructures pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement des r�seaux dans les pays en d�veloppement, a failli partout dans le monde, notamment l� o� toutes les portes lui �taient ouvertes, en Am�rique latine et en Asie notamment. Ce qui n'excuse nullement les failles d'un secteur public pl�thorique et budg�tivore ; les ONG pr�conisant plut�t une gestion � l'�chelon local pour �radiquer la corruption et impliquer les populations concern�es. On se croirait � Alger : dans une enqu�te men�e en Inde, 41 % des personnes interrog�es d�clarent avoir pay� un pot-de-vin au cours des six mois pr�c�dents afin de falsifier leurs relev�s de consommation en eau. Une pratique qu'on retrouve �galement dans la consommation de l'�lectricit�. L'investissement pour la collecte de l'eau se caract�rise par son effet cumulatif d'entra�nement : pour 1 dollar d�pens�, la collectivit� gagne entre 3 et 34 dollars. Ce gain est g�n�r� par le nombre de personnes qui ne tombent plus malades � cause de maladies li�es � l'eau, notamment les maladies diarrh�iques (huit millions de personnes meurent chaque ann�e de maladies li�es � une eau souill�e), d'une part, des femmes ou des enfants qui peuvent travailler ou acc�der � l'�ducation au lieu de s'�puiser � chercher de l'eau, d'autre part.