Depuis quelques ann�es, l�Alg�rie manifeste � travers le discours de ses gouvernants sa volont� d�inscrire la lutte contre la corruption parmi ses priorit�s. Et pour cause, l�Alg�rie durant trois ann�es successives, de 2003 � 2005, a obtenu un tr�s mauvais score � de 2,6 � 2,8 sur 10 �, dans l�Indice de perceptions de la corruption (IPC) de Transparency International. La ratification de la Convention des Nations unies contre la corruption (Uncac) par l�Alg�rie d�s 2004 pouvait laisser croire que cette volont� des pouvoirs publics allait se traduire par la mise en place d�une strat�gie et d�un programme d�action de lutte contre la corruption. Ce n�est pas encore le cas : la ratification plus tardive par l�Alg�rie de la Convention de l�Union africaine de pr�vention et de lutte contre la corruption (CUA), seulement en janvier 2006, et la promulgation d�une loi nationale de pr�vention et de lutte contre la corruption, en f�vrier 2006, tr�s en retrait par rapport � l�esprit et � la lettre de ces deux conventions, illustrent on ne peut mieux l�id�e qu�il ne suffit pas de ratifier des conventions pour faire croire qu�un gouvernement est sur la bonne voie dans la lutte contre la corruption. La volont� politique est primordiale, volont� qui doit �tre prolong�e par un dispositif l�gislatif et r�glementaire conforme aux conventions, et qui doit se traduire sur le terrain par l�effectivit� d�une strat�gie et d�un programme d�action de lutte contre la corruption. A la lumi�re des r�alit�s alg�riennes, il faut s�interroger comment la lutte contre la corruption peut contribuer � faire avancer le processus d�mocratique et rendre plus effectifs la s�paration des pouvoirs (consacr�e par la Constitution), les pluralismes politiques, syndicaux et associatifs, faire progresser les libert�s et faire reculer la pauvret� ; et inversement, comment les luttes pour ces valeurs universelles peuvent contribuer � catalyser la lutte contre la corruption. Trois mois apr�s la 30e ratification, L�Uncac est entr�e en vigueur le 14 d�cembre 2005. Au 31 mars 2006, sur 50 pays qui l�ont ratifi�e, 21 sont africains, dont l�Alg�rie, le dernier en date �tant les Seychelles. Pour rappel, 25 pays africains �taient � la Conf�rence des Nations unies pour le lancement des signatures de l�Uncac, � M�rida au Mexique, du 9 au 11 d�cembre 2003. Au 31 mars 2006, 20 autres pays africains avaient seulement sign� l�Uncac, et 13 ne l�avaient ni sign� ni ratifi�e (l�Union africaine compte 53 pays adh�rents, plus le Maroc). Au 31 mars 2006, 11 pays africains avaient ratifi� la CUA : il manque encore 4 ratifications pour qu�elle entre en vigueur, un mois apr�s la 15e ratification. L�Alg�rie l�a ratifi�e le 11 janvier 2006, mais � la date du 31 mars 2006, n�avait toujours pas d�pos� les instruments de cette ratification. L�Alg�rie est membre de la Ligue arabe. A la date du 31 mars 2006, seuls 5 pays arabes avaient ratifi� l�Uncac : l�Alg�rie, Djibouti, l�Egypte, la Jordanie et la Libye. Depuis le d�but de l�ann�e 2006, l�Alg�rie a fait voter par le Parlement une loi de pr�vention et de lutte contre la corruption, qui a �t� promulgu�e le 20 f�vrier 2006. Le gouvernement alg�rien a annonc� d�autres mesures l�gislatives dont des projets d�amendements des codes p�nal et de proc�dure p�nale. Mais il est plus facile de ratifier des conventions qui ne sont pas du tout contraignantes. Qu�en est-il de celle des Nations unies ? Les recommandations tr�s g�n�rales des Nations unies Apr�s des travaux pr�paratoires en 2001 et pr�s de deux ann�es de n�gociations formelles � Vienne, �chelonn�es sur sept sessions, la c�r�monie de signature de la Convention des Nations unies contre la corruption a eu lieu � M�rida, au Mexique, du 9 au 11 d�cembre 2003. Cette convention est en en vigueur le 15 d�cembre 2005, trois mois apr�s le d�p�t de la 30e ratification. La lecture de cette convention peut �tre source d'espoir comme de d�ception. Du c�t� de l�espoir, peuvent �tre mises en avant l��tendue et la diversit� des sujets trait�s. Tout ce qui touche de pr�s ou de loin � la corruption semble avoir �t� abord� tant au niveau des mesures pr�ventives que des incriminations, des questions relatives � la confiscation et � la saisie, � la coop�ration internationale, � la restitution des fonds d�tourn�s... Nettement plus d�cevantes sont les pr�cautions de vocabulaire qui semblent retirer toute force contraignante � cette convention : �d�une mani�re compatible avec les principes fondamentaux de son syst�me juridique�, �selon qu�il convient�, �peut adopter�, �dans toute la mesure possible dans le cadre de son syst�me juridique intern�... Si l�on ajoute � cela les dispositions qui apparaissent d�s l�article 4 sur la protection de la souverainet�, l�inqui�tude gagne. Cet article rappelle avec vigueur les principes de l��galit� souveraine, de l�int�grit� territoriale et de la non-intervention dans les affaires int�rieures d�autres Etats. Aussi serait-il facile de se laisser convaincre que cette convention n�est qu�un instrument illusoire. N�oublions pas toutefois que ce texte, sur lequel un grand nombre d�Etats se sont mis d�accord, est le signe que la corruption est enfin per�ue, au plus haut niveau international, comme un mal contre lequel il faut lutter. Plus encore, les n�gociations serr�es auxquelles cette convention a donn� lieu sont la preuve que les Etats consid�rent que la signature d�une telle convention pourrait un jour leur �tre oppos�e, tant par leur population que par d�autres Etats ou par des institutions internationales. On aurait aim� que soit pr�vu, � l�instar de la Convention de l�OCDE de 1997 p�nalisant la corruption d�agents publics �trangers dans les transactions commerciales internationales, un m�canisme effectif de suivi. Mais, eu �gard au nombre et � l�h�t�rog�n�it� des parties probables � cette convention, monter un tel m�canisme soulevait des probl�mes d�licats. La question du suivi a finalement �t� renvoy�e � la Conf�rence des Etats-parties, qui devra �tre convoqu�e dans un d�lai d�un an apr�s l�entr�e en vigueur de l�Uncac, avant d�cembre 2006. En tout �tat de cause, les Etats signataires ne pourront pas ignorer totalement leurs engagements. De ce fait, les questions de corruption ne pourront pas �tre pass�es sous silence comme elles l��taient il y a encore quelques ann�es. Cette convention doit donc �tre consid�r�e comme un pas en avant, mais il appartiendra tant aux gouvernements qu�aux institutions internationales, entreprises et ONG, de la faire vivre. Quelques traits saillants de ce texte m�ritent un examen plus d�taill�. Actualiser la liste des incriminations La convention rend obligatoire, pour les Etats qui l�auront ratifi�e, l�incrimination (si ce n�est pas d�j� le cas) d�un certain nombre d�agissements, et notamment de la corruption active et passive d�agents publics, nationaux ou �trangers. Devront �galement �tre incrimin�s les d�tournements par des agents publics, le blanchiment du produit d�un ��ventail le plus large d�infractions principales� (y compris bien entendu la corruption), l�entrave au bon fonctionnement de la justice. En revanche, l�incrimination d�un certain nombre d�agissements n�est qu�optionnelle. Il en va ainsi du trafic d�influence, notion � laquelle sont habitu�s certains pays europ�ens, mais qui demeure source d�inqui�tude pour les pays anglosaxons, et notamment pour les Etats- Unis, qui y voient une �ventuelle menace pour les activit�s de lobbying. Il est vrai que d�terminer avec pr�cision ce qui rel�ve ou non de l��abus� d�influence peut sembler parfois difficile. Est �galement optionnelle l�incrimination d�enrichissement illicite, qui vise le cas d�un agent public ne pouvant justifier d�un accroissement significatif de son patrimoine. L�est aussi l�incrimination des agissements de corruption dans le secteur priv�. Les Etats-Unis et la Chine �taient oppos�s � la rendre obligatoire. Poursuites En ce qui concerne les poursuites, trois dispositions pourraient avoir (et m�me devraient avoir) des cons�quences sur la l�gislation ou la pratique dans de nombreux pays dont l�Alg�rie : - une disposition pr�voit, en effet, que le d�lai de prescription pour engager des poursuites du chef des infractions pr�vues � la convention doit �tre un long d�lai. Bien �videmment, la d�termination de ce qu�est un �long d�lai� peut donner lieu � discussion, mais on ne peut nier que les d�lais de prescription trop courts pour les faits de corruption peuvent �tre une entrave pour une poursuite efficace de tels agissements ; - �galement int�ressantes sont les dispositions sur la n�cessit� de prot�ger les t�moins, experts et victimes. Parmi les mesures sugg�r�es figure la protection physique des personnes, pouvant aller jusqu�� la fourniture d�un nouveau domicile. Or, la pratique de protection des t�moins, experts et victimes est pour l�instant peu d�velopp�e dans de nombreux pays, voire inexistante � ce jour en Alg�rie ; - est �galement exig�e une sp�cialisation des entit�s ou des personnes devant poursuivre la corruption. Ces personnes ou entit�s devront disposer de l�ind�pendance n�cessaire pour exercer leurs fonctions. Se pose �ventuellement pour l�Alg�rie (mais pas seulement pour elle) la question de l�ind�pendance du parquet vis-�-vis de l�ex�cutif. Toujours en ce qui concerne les poursuites, on rel�ve une disposition sur le secret bancaire, qui ne doit pas �tre un obstacle � la poursuite des infractions vis�es � la convention, et tout un ensemble de r�gles (un chapitre entier) relatives � l�entraide judiciaire internationale et aux extraditions. Les mesures pr�ventives doivent s'inscrire dans une strat�gie nationale Par ailleurs, il faut reconna�tre que ces dispositions sont plut�t de l�ordre des recommandations, l�Uncac pr�voit toute une s�rie de mesures pr�ventives pour �viter la corruption. Dans cette perspective, les Etats sont tenus de cr�er un organisme de pr�vention de la corruption ayant pour objet de superviser et de coordonner les politiques de lutte contre la corruption et de diffusion d�informations en vue de pr�venir la corruption. Il est �galement demand� des Etats qu�ils assurent le recrutement et la promotion des fonctionnaires sur des crit�res objectifs et transparents, que leur r�mun�ration soit raisonnable et qu�ils re�oivent une formation, notamment lorsqu�ils sont dans une position expos�e � la corruption. Un article sp�cifique traite des march�s publics, demandant la diffusion d�informations sur les appels d�offres et sur l�attribution des march�s, l�application de crit�res de s�lection pr�d�termin�s, objectifs et transparents... Enfin, des r�gles de contr�le et de r�glementation des banques et institutions financi�res devront �tre mises en place dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Avait �t� pr�vu un article sp�cifique consacr� au financement des partis politiques, mais les Etats- Unis s�y sont oppos�s fermement, indiquant qu�ils refuseraient de signer un texte qui comporterait des dispositions trop strictes sur ce sujet. Finalement, ne subsiste qu�une vague disposition facultative visant � encourager la transparence dans le financement des partis et des �lections. Le tr�s difficile combat pour la restitution des fonds Particuli�rement int�ressant et novateur est le chapitre sur la restitution des fonds provenant d�actes de corruption. Les dispositions nombreuses de la convention � ce sujet r�sultent d�une forte demande des pays du Sud. Il est significatif que ces pays attachent � cette question une importance primordiale. Nul ne saurait contester le caract�re juste et utile du retour des fonds d�tourn�s aux Etats qui en ont �t� d�pouill�s. Pourtant, la mise au point d�un tel processus est complexe. Il appartient aux pays du Nord, qui sont souvent les r�cipiendaires de ces fonds par l�interm�diaire de leur syst�me bancaire, de tout mettre en �uvre pour qu�ils soient restitu�s dans les meilleures conditions. D�aucuns pourraient consid�rer que le retour des fonds en cause vers un gouvernement corrompu risque de ne pas b�n�ficier aux populations des pays concern�s. Des pr�cautions doivent �tre prises mais aucun obstacle ne devrait y �tre oppos� a priori. L�exp�rience montrera si ces dispositions sont suffisantes pour atteindre l�objectif qui leur a �t� assign� et si l�Alg�rie est d�cid�e � r�cup�rer les fonds et les avoirs plac�s � l��tranger, issus de la grande corruption, de la criminalit� organis�e, du blanchiment d�argent, de la fuite des capitaux et des r�seaux terroristes.