Les fils de la M�dina (Aouled Haratina), roman de Naguib Mahfouz, �crit en 1959, toujours interdit de publication en Egypte, soul�ve de nouveau la pol�mique. �Ce roman n�a jamais �t� publi� en Egypte sous forme de livre, en raison de l�opposition des religieux�, explique l��crivain �gyptien Gamal Ghitany, dans Le Monde des livres du 28 avril. Auparavant, Al-Ahram-hebdo dans son �dition du 1er f�vrier 2006, indiquait que Naguib Mahfouz avait donn� son accord � �la publication de son roman qu'� la condition qu'il soit pr�fac� par le Dr Kamal Aboul- Magd, un islamiste mod�r�. Et selon Gamal Ghitany, cette figure de l�islamisme �gyptien a, depuis, r�dig� une pr�face publi�e par la presse d�fendant �l�id�e que le roman ne peut �tre soumis � la critique que sous un angle artistique. Cette m�me position, ajoute-t-il, a �t� adopt�e par le mufti de la R�publique, le cheikh Ali Gomaa, qui a martel� qu�il s�agit d�un travail de fiction et non d�une th�se religieuse�. Ce d�bat sur le rapport du religieux � la litt�rature o�, pour la premi�re fois, des hommes de religion s��l�vent contre la censure religieuse en Egypte, n�enl�ve rien au fait que l��tat de r�gression et d�arri�ration culturelles dans lequel est plong� le monde arabe n�est rien d�autre que le r�sultat de l�emprise du conservatisme religieux sur les soci�t�s arabes, emprise aggrav�e par le verrouillage de la libert� d�expression et de pens�e. Dans le m�me article, Gamal Ghitany �crit que l�interdiction du roman de Mahfouz est le fait de l�imam el-Ghazali, que les Alg�riens connaissent bien, qui avait adress� un rapport en ce sens au pr�sident Nasser. Ghitany ne dit pas cependant si el-Ghazali a lu Les fils de la Medina. Parions que non. Mieux, l��crivain �gyptien apporte des �claircissements sur la fonction d�Al Azhar. Il souligne que cette institution religieuse �ne fait pas partie du dispositif de censure instaur� par la l�gislation �gyptienne. Son r�le se borne � v�rifier le contenu des copies du Coran en circulation. S�agissant de litt�rature, ajoute-t-il, l�institution n�agit que si elle est saisie de la plainte d�un citoyen � l�encontre d�un ouvrage : elle se contente alors de donner un avis consultatif � l�autorit� administrative (�) Cependant, nous savons d�exp�rience que la pratique peut aller au-del� de ce que stipule la l�gislation�. Et c�est ainsi, indique-t-il, que cette pratique �permet aux courants fondamentalistes extr�mistes d�appliquer des lois non �crites sans devoir rendre de compte � personne� �. Il n�emp�che, Ghitany a pris sa plume r�cemment pour s�opposer �� ce que l�autorisation de publication de ce livre soit d�livr�e par Al-Azhar : cette institution culturelle �minente doit rester � l��cart de la cr�ation, car quiconque autorise peut aussi, le cas �ch�ant, interdire�. Mais au fait, pourquoi ce roman de Mahfouz est-il interdit depuis plus de 40 ans en Egypte alors qu�il a �t� publi� au Liban et distribu� en Syrie et en Irak dans les ann�es 60 et 70 ? En fait, il s�agit, � travers les aventures de quatre personnages du petit peuple du Caire, d�une parabole de l�histoire des trois religions monoth�istes et d�une critique � la fois des d�rives des hommes de religion mais aussi de celles du pouvoir politique. Jug� blasph�matoire par El Azhar, il est interdit par le r�gime de Nasser. Plus grave, apr�s l�attribution en 1988 du prix Nobel de litt�rature � Naguib Mahfouz, la pol�mique autour de ce livre ressurgissait et pr�c�dait sa tentative d�assassinat en octobre 1994. Le grand �crivain �gyptien est alors gravement bless� par un coup de poignard que lui avait port� un membre de la Jam�a islamiya, � peine �g� de 20 ans ! Aujourd�hui, Mahfouz est �g� de 95 ans. Sera-t-il encore en vie si jamais est lev�e l�interdiction de publication de son roman et qu�il soit enfin distribu� dans son pays natal ? Esp�rons que oui.