Ainsi donc, Ouyahia s�en va ! Ma parole, � force de jouer de ce satan� violon, on va finir par nous le faire regretter ! On va se tenir tous par la main, former une ronde et le pleurer de concert. Et puis, on se griffe le visage pour conjurer ce drame dans le drame ! On se tire les cheveux de d�sespoir, ou une balle dans le pied ! Lui, au moins, il est la�que, dit-on en boucle par-l�. Il a eu le courage de pr�coniser �l��radication� quand celle-ci �tait dans l�air du temps, pr�cise-t-on par ici. Plus que �a, il est rigoureux, rationnel, moderne. Il jongle avec les chiffres, et m�me avec les hommes. Une vraie t�te, pas une de ces grenouilles de zaou�a qui convoque le surnaturel pour un oui pour un non, pour un non pour un oui ! Mieux que �a encore, c�est un vrai commis de l�Etat, d�vou� � l�int�r�t commun, au service de son pays. Pas une once d�ambition personnelle ! Pas une goutte de soif du pouvoir ! Par-dessus le march�, voyez son bilan, c�est du solide : un indiscutable taux de croissance, la r�duction du ch�mage, le �r�glement� de la question kabyle et en kabyle s�il vous pla�t, un soutien mod�r�, du bout des l�vres, au �r�concilianisme� pr�sidentiel. Je suis confus. Comment pouvait-il pr�senter toutes ces qualit�s sans que j�en aie vu une seule ? Faut-il donc ajouter � ce CV copieux la discr�tion et l�humilit� ? Car, moi, je n�en ai rien per�u, pig�. J�ai juste compris qu�il �tait l� pour appliquer la politique du pr�sident et, qu�� ce titre, il n�avait rien � cirer des probl�mes sociaux des Alg�riens, que les syndicats autonomes ne sont pas sa tasse de th� et que, pour lui, Benchicou est bien l� o� il est. Mais bon, je veux bien supposer, pour entrer dans le ch�ur des �regretteurs�, que toutes ces qualit�s et toutes ces choses faites sont r�ellement � son cr�dit. Et alors ? Alors, il reste que la primature est un si�ge plus �jectable que les autres. Il savait, le chef, qu�avec un pr�sident comme celui qu�il a soutenu, la descente est plus rapide que la mont�e. Il a jou� ? C�est encore une fois l�Alg�rie qui perd. Ces jeux de pouvoir sont mortels. Pas pour les gladiateurs, ils s�en tirent toujours bien. Par contre, les spectateurs trinquent, eux, ah, oui ! Il y en a qui s�inqui�tent pour l�avenir d�Ouyahia. Noble inqui�tude ! Que va-t-il devenir ? Vous voulez que je vous dise ce que je pense de son avenir ?... Peut-�tre que Benflis, qu�il a l�ch�, ou Abrika, qu�il a promu, l�aideront � trouver du boulot. Lui qui a eu une carri�re de chat, qui a su rebondir chaque fois, cette fois-ci, il n�est pas acquis qu�il se rel�ve. Un malheur ne venant jamais seul, il risque de perdre le contr�le du machin-l�, le RND. Une offensive venant de l�ouest, o� le soleil se couche, s�abat sur le Kabyle qu�il est. Par cons�quent, il faut le soutenir. Tous les Kabyles et, plus largement, tous les habitants du Centre de l�Alg�rie doivent imp�rativement lui apporter leur soutien pour que l�Ouest ne passe pas � la t�te du RND. Je vous jure qu�il y a encore des commentateurs qui croient � ces trucs ! Une fois qu�on a dit que le destin du pays se joue dans les luttes de clan, tout est � l�avenant. Ouyahia a fait le janissaire, s�rement un bon janissaire. Il en conna�t la fin. Je suis curieux de savoir quels commentaires font de ce regrettable limogeage annonc� depuis belle lurette les �meutiers qui, en d�sespoir d��tre �cout�s, recourent � la forme de protestation la plus suicidaire et les travailleurs aux salaires �triqu�s sur qui p�se la menace du licenciement. Ainsi donc, Belkhadem arrive. Je suis atterr� de le voir nomm� Premier ministre. C�est un peu comme si, d�un coup d��ponge, on avait effac� tout le drame qui a ensanglant� l�Alg�rie. Si les �lections l�gislatives n�avaient pas �t� annul�es en 1991, nul doute que Belkhadem, qui faisait la jonction entre le FIS et le FLN, aurait �t� Premier ministre d�un gouvernement islamiste. �a n�a pas �t� le cas sur-le-champ mais, quinze ans plus tard, on y est. 250 000 morts, c�est le prix qu�aurait peut-�tre pay� l�Alg�rie si le FIS avait, une fois au pouvoir, proc�d� � l��puration id�ologique � l�instar des islamistes iraniens qui ont pendu, une fois la main sur le cimeterre du pouvoir, leurs alli�s. J�ai l�impression que, quinze ans plus tard, se tient le deuxi�me tour de l��lection de 1991. Belkhadem Premier ministre, Soltani choriste num�ro un, l�adhan � la t�l�, les terroristes lib�r�s et acc�dant � la respectabilit� enlev�e de force � leurs victimes, les libert�s d�expression et syndicale musel�es, le code de la famille inf�riorisant la femme toujours en vigueur, c�est le programme du FIS tout crach�. Pourquoi avoir fait tous ces d�tours pour revenir � ce deuxi�me tour ? C�est le myst�re capiteux de la politique chez nous ! �a s�appelle des arabesques ! Je m�effondre d�apprendre que la priorit� proclam�e du Premier ministre primo-arrivant est la r�vision de la Constitution. Toutes affaires sociales, �conomiques, politiques cessantes, il se doit de lifter la loi fondamentale de telle sorte � ce que soit lev� le verrou qui emp�che un troisi�me mandat. Ma foi, s�il pouvait instaurer la monarchie, il n�h�siterait pas une seconde. Le z�le, bi idni Allah ! Je suis atterr� et effondr�, mais pas du tout �tonn�. La politique de compromission strat�gique avec l�islamisme ne peut conduire qu�� ce cas de figure. Elle s�appuie sur l�acte de balayer d�un revers de la main quasi monarchique les forces d�mocratiques, les premi�res � avoir p�ti de la barbarie int�griste. Et encore, on n�est pas au bout de nos peines ! Le processus d�islamisation de la vie politique, incarn�e par Belkhadem depuis l��poque o� il m�langeait les r�teliers nationalistes et islamistes, devait g�n�rer cette �normit�. Chef du FLN, ministre d�Etat repr�sentant personnel du pr�sident ( je n�ai jamais compris ce titre), il �tait jusqu�alors une sorte de vice-pr�sident masqu�, occulte, dont le boulot �tait de miner le fauteuil d�Ouyahia une fois que celui-ci a fini les m�nages. Ce qui est bizarre, marrant m�me dans cette farce, dans ce b�gaiement de l�histoire, c�est que Belkhadem lui-m�me qualifie sa nomination �d�alternance au pouvoir� ! Y�a probl�me ! Soit nous ne donnons pas le m�me sens aux mots, soit il fait de l�humour ! L�alternance au pouvoir est une n�cessit� de l�ordre d�mocratique, ce dernier supposant un �chiquier politique aux contours et aux couleurs clairement identifi�s aux yeux d�un �lectorat participant � la vie publique par le suffrage universel. La comp�tition entre ces forces politiques pour l�acc�s aux affaires est men�e dans la clart� selon des r�gles de d�bat �tablies en commun et respect�es par tous. Belkhadem sillonne les all�es du pouvoir depuis trente ans. Il a �uvr� et continue d��uvrer au c�ur de r�gimes qui se moquent de la d�mocratie et de l�alternance comme d�une guigne. Comment peut-on parler d�alternance ? Qu�une comp�tition rampante divise les rivaux de l�alliance pr�sidentielle, un attelage de circonstance li� plus par une all�geance commune que par un programme commun, est visible � l��il nu. Mais qu�on ne vienne pas nous dire que cette lutte � couteaux tir�s pour le dauphinat est une concurrence d�mocratique et que le coup d�Etat dont est victime Ouyahia r�pond � l�exigence de l�alternance au pouvoir. La vraie alternance, c�est que Belkhadem, qui tra�ne ses gu�tres autour du tr�ne depuis la nuit des temps, rentre chez lui et qu�il laisse les affaires � des gens qui ont le souci de mener l�Alg�rie vers son si�cle. Un peu de sang neuf, bon sang ! Cette nomination pr�sente cependant un avantage et un inconv�nient. L�avantage, c�est la clart�. On voit bien � qui on affaire. La feuille de vigne est emport�e par le vent. Pour l�inconv�nient, j�emprunte ces propos amers � Edgar Faure : �L�inconv�nient de cette situation d�j� grave, c�est qu�elle peut encore s�aggraver.�