Par quoi faut-il commencer ? Par le d�veloppement �conomique ou par l'installation de la d�mocratie ? Faut-il attendre que la prosp�rit� d�bouche naturellement, avec le temps, sur la libert� qui n'est alors, en somme, qu'un luxe de riches ? Ou faut-il, au contraire, pousser les exigences de l'Etat de droit parce qu'il est un acc�l�rateur, voire un pr�alable, � la croissance �conomique ? Le d�bat a longtemps partag� les �conomistes. Leur tendance est, par m�tier, de croire que l'�conomie prime sur le reste. Privil�giant le d�veloppement, ils proposent donc d'aider les pays du Sud sans regarder (ou trop regarder) leurs pratiques politiques. Les gouvernements sont eux aussi enclins � rallier cette th�se de la primaut� de l'�conomie. Non par conviction, pour ce qui les concerne, mais par convenance. Les gouvernements du Sud ne veulent pas qu'on mette le nez dans leurs affaires. Les gouvernements du Nord veulent pouvoir jouer des relations diplomatiques d'Etat � Etat, sans conditions autres que celles qu'ils d�cident. Les uns et les autres ont tort En voici un exemple racont� par le quotidien am�ricain le New York Times. L'Afrique va mal. Le Kenya a des richesses agricoles, des fleurs, des fruits et des l�gumes. Mais l'Etat est rong� par la corruption. La violence est dans les rues. A Sauri, petit village du sud, un quart des habitants est infect� par le sida. Il y a six ans, Anne Omolo arrive pour prendre la direction de l'�cole primaire. Les 500 �l�ves sont mis�reux, l'absent�isme est record. Leur probl�me est la faim. Anne Omolo essaie de trouver de la nourriture mais la pauvret� est g�n�rale. Elle d�cide, avec dix autres instituteurs, d'y aller de sa poche. Comme elle ne peut nourrir tout le monde, elle doit se r�soudre � l'horreur : faire un choix. Elle privil�gie les deux classes les plus �g�es. Comme le raconte le New York Times, �les autres enfants se sont mis � la fen�tre pour voir les grands manger�. Le r�sultat ne s'est pas fait attendre. Le taux de pr�sence des �l�ves remonte � 100 %. La r�ussite scolaire suit. Dans le district, l'�cole de Sauri passe de la 68e place en 2000 � la 7e en 2004 et, sans doute, � la 1re cette ann�e. Le village va mieux. Les agriculteurs acceptent les conseils d'agronomes. La productivit� des fermes monte. Les r�coltes font dispara�tre la faim. Sauri a �t� choisi comme village mod�le par la Banque mondiale, avec Koraro, en Ethiopie. Les habitants recevront directement, sans passer par le gouvernement de Nairobi, 250 000 dollars d'aide annuelle pour poursuivre la modernisation de leurs petites fermes. L'�ducation a �t� le point de d�part. L'aide ext�rieure aussi (celle d'Anne Omolo). Mais le d�blocage du d�veloppement est venu du syst�me scolaire, en somme, d'une bonne gouvernance d'une partie (saine) des pouvoirs publics.