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Pour en finir avec le ch�mage des dipl�m�s
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 04 - 2011


Par Mahmoud Ourabah,
consultant en �conomie du d�veloppement
Depuis quelques d�cennies, on assiste � la mont�e de ce ph�nom�ne jusque-l� inconnu, qui accable plus ou moins fortement beaucoup de pays du sud comme du nord de la plan�te. C�est en effet une anomalie de notre �poque. Auparavant, le dipl�me consacrant un cycle d��ducation et de formation �tait un bon passeport pour acc�der � l�exercice d�un m�tier ou d�une fa�on plus large, pour �tre arm� � affronter �le m�tier d�homme�. Quelle est la cause de l�actuel ch�mage des dipl�m�s ?
Est-ce la faute � l��cole qui a failli ? Est-ce la faute aux employeurs qui ne savent pas, ou ne veulent pas faire de la place aux jeunes ? Si on pense qu�il s�agit d�un probl�me �conomique, un rapide diagnostic peut �tre propos�. Selon que les pays ont une �conomie d�velopp�e ou une �conomie sous-d�velopp�e, les th�rapies seront diff�rentes. - Pour les pays riches, depuis les ann�es 1970, l�automation, la robotisation, l�informatisation, ont eu tendance � �chasser l�emploi� de la production de biens ou de services. Quelqu�un a m�me �crit que c�est la premi�re fois dans l�histoire de l�humanit� que l�homme est devenu inutile dans les processus de production. Depuis donc ce �divorce� entre croissance �conomique et emploi, des politiques publiques fleurissent pour tenter � la fois de faire cr�er davantage d�emplois par les �conomies ; et aussi pour mieux fa�onner les jeunes aux changements dans les m�tiers d�une nouvelle �conomie (employabilit�). Autrement dit, les �politiques d�emplois� ne se contentent plus de l�effet automatique de la croissance sur l�emploi que peut r�sumer la formule �cr�er des entreprises, vous cr�erez des emplois�. Des mesures plus volontaristes sont imagin�es pour inciter les entrepreneurs � cr�er davantage d�emplois (par tout un dispositif d�aides financi�res et d�exon�rations fiscales). Des mesures sont �galement prises pour am�liorer les services qui doivent aider � rapprocher l�offre et la demande de travail sur �des march�s du travail�. Un �traitement social�, � dur�e limit�e, sous forme d�allocations ch�mage, est octroy� en attendant que les march�s du travail s��quilibrent. Face � des r�sultats mitig�s, beaucoup doutent de l�efficacit� de telles th�rapies. Un homme politique r�sumait ce scepticisme en avouant : �On a tout essay� !� - Dans tous les pays de la r�gion arabe, ce ph�nom�ne a constitu� un ingr�dient qui a mis le feu aux poudres, m�me s�il est loin d��tre l�unique cause des incendies en cours. Les ch�meurs dipl�m�s �tant, dans tous les cas, les principaux acteurs de ces r�voltes ou r�volutions. En effet et depuis plusieurs d�cennies, ce ch�mage des dipl�m�s atteint dans tous nos pays une ampleur incomparable avec celui qui touche les pays d�velopp�s. Le r�sultat de ce ch�mage de masse se traduit partout dans tous les pays de la rive sud de la M�diterran�e :
I) par une excroissance de ce qu�on appelle le �secteur informel�, des activit�s de survie, qui abrite autour de 50% de �la population active� ;
II) par des pouss�es � l��migration �ill�gale� ;
III) par �la fuite de cerveaux�. Sous toutes ces formes, c�est du grand gaspillage de la ressource humaine form�e. Un bien pi�tre �retour sur investissement� des sommes consid�rables investies dans l��ducation et les enseignements depuis les ind�pendances.
Que faire pour sortir de ce d�sastre ?
La transposition des politiques pratiqu�es au Nord, appliqu�es � nos pays, est inop�rante ; d�abord parce que comme per�u plus haut, elles sont loin d�emporter l�adh�sion dans leurs propres pays. C�est l�ampleur prise par le ph�nom�ne ici qui appelle surtout d�explorer d�autres solutions. En effet, aux millions de ch�meurs actuellement en �stock� s�ajoutent chaque ann�e des centaines de milliers qui �sortent� ou sont rejet�s par des universit�s et autres syst�mes d��ducation ou de formation. Les �conomies ne peuvent employer qu�une infime minorit� d�entre eux, malgr� des �performances� (taux de croissance) souvent �triomphalement� annonc�es. L��conomie alg�rienne �tant sans doute le cas le plus caricatural de la d�connexion entre le PIB et les cr�ations d�emplois. Dominant l��conomie � hauteur de 50% dans le PIB, les hydrocarbures sont export�s � 98%. Mais n�engendrent que 3% de l�emploi global. L��conomie �gyptienne, par un autre exemple, est �galement compos�e par quelques �blocs�, tourisme, redevances du Canal de Suez, p�trole -gaz, sans liens entre ces branches, qualifi�es chacune �d��conomies de rente� ou �financiaris�es�, aux capacit�s d�embauche bien limit�es. Autre cas l��conomie tunisienne, malgr� des efforts de diversification dans des PME (textile, agroalimentaire), est surtout tir� par le tourisme, qui cr�e des emplois, mais surtout des emplois peu qualifi�s. Toutes ces �conomies apparaissent mal orient�es pour cr�er des emplois en nombre et en qualit� qu�exigent les besoins actuels ou pr�visibles. Il s�agit en cons�quence d�une question relevant d�un probl�me structurel. M�me en simplifiant un peu, les structures �conomiques actuelles de toutes ces �conomies du sud de la M�diterran�e ne sont pas fondamentalement diff�rentes des ��conomies de comptoir�. Ce mod�le du �pacte colonial � entendait maintenir les �conomies colonis�es, sans industrialisation, pour les r�server comme d�bouch�s aux produits industriels des �m�tropoles� ; et les exc�dents de main-d��uvre des pays du sud ne pouvant pas trouver de travail localement, parce que sans industries, sont export�s en masse pour faire tourner les usines du Nord.
A-t-on fondamentalement modifi� cette division internationale du travail ?
Au lendemain des ind�pendances, les strat�gies de d�veloppement recommand�es mettaient tr�s fortement l�accent sur l�imp�ratif de l�industrialisation par des �p�les� d�industrialisation entra�nants, capables pr�cis�ment d�insuffler une croissance �conomique, auto-entretenue, durable, pour faire face aux immenses besoins sociaux de populations � forte croissance d�mographique. Des �conomistes de renom affirmaient que �sans industrialisation, les pays pauvres ne seraient jamais d�velopp�s� (Raul Prebish). En Alg�rie �une amorce de l�int�gration �conomique� �tait un objectif central de la Strat�gie Globale du D�veloppement de 1966, ax�e pr�cis�ment sur la cr�ation auto-entretenue d�emplois, qui a �t� la r�f�rence des premiers plans de 1967 � 1977. En �gypte, une industrialisation auto-centr�e a �galement �t� tent�e dans les ann�es 1950 qui a fait �merger une classe moyenne, (�sans appauvrir les couches populaires�, ajoute Samir Amin, depuis Dakar, lors du Sommet Mondial Social en Janvier 2011). Dans les d�cennies suivantes, l�Infitah, �politique de la porte ouverte�, se traduisait en �conomie par un appel � l��investissement direct des �trangers�, les IDE, en remplacement de la politique auto-centr�e d�industrialisation en �gypte. En Alg�rie cette politique d�industrialisation mise en �uvre par les premiers plans a aussi �t� avort�e. Elle a �t� d�voy�e par rapport � sa trajectoire initiale (voir �Les transformations �conomiques de l�Alg�rie au 20e anniversaire � 1982e). �La d�cennie noire�, marqu�e par la double crise financi�re et s�curitaire, a pouss� � l�abandon de la politique de d�veloppement auto-centr�e. Elle a �t� remplac�e �galement par un appel aux IDE. Dans tous les pays du sud de la M�diterran�e, ces IDE ont peu r�pondu aux appels. Ils ont �t� tr�s peu cr�ateurs d�emplois. Il est bien �vident que la formule cit�e plus haut est toujours d�actualit� : �sans industrialisation, il ne peut y avoir de d�veloppement� ; et pas de cr�ation d�emplois de qualit�. Sans industrialisation, o� iront travailler toutes ces cohortes de dipl�m�s ? C�est � cette g�n�ration de �ch�meurs dipl�m�s� qui a �tonn� le monde entier de relever elle-m�me le d�fi du d�veloppement. Apr�s des d�cennies d�anesth�sie des peuples du Sud par les mirages de l���conomie casino� ou de la �financiarisation�, orientation dominante de la mondialisation en cours. C�est � nos universit�s, apr�s avoir accompli leur propre r�volution, de s�impliquer pleinement dans la recherche-d�veloppement, pour cr�er une nouvelle �conomie qui soit ax�e en priorit� � la promotion de l�emploi de qualit�, et � la satisfaction des besoins de base des peuples. Ce qui est possible en misant sur la valorisation des immenses potentiels de la r�gion. Au lieu par exemple de placer des fruits de ce potentiel (p�trodollars) � alimenter des fonds sp�culatifs (hugefunds) qui ont notamment contribuer tr�s r�cemment � faire flamber les cours des produits agricoles, dont la r�gion est fortement importatrice. C�est un Mais pour �tre dans la comp�tition de la mondialisation de la production, des regroupements des �conomies nationales, devenues trop �troites, sont indispensables pour que ces industries � cr�er soient viables. Exemples de nouvelles zones �conomiques homog�nes � �difier par �tapes suivant les logiques de la g�ographie et de l�histoire : Maghreb, Magreb-Sahel, Magreb- Machrek. Il est indispensable de faire adh�rer les peuples � ces regroupements. Utopie ? Peut-�tre, mais il n�est pas interdit de r�ver que cette g�n�ration qui a d�blay� le terrain, en faisant �d�gager� aussi vite des kleptocrates r�put�s ind�boulonnables, saura trouver de nouvelles solidarit�s qui ont tant manqu� � leurs a�n�s. Ces regroupements d��conomies doivent s�effectuer, non pas selon des �zones de libre-�change� (�changer des mis�res !), mais de �grands projets� � �difier en commun. Des projets cr�ateurs d�emplois articul�s sur la sauvegarde et la valorisation des ressources de l�environnement naturel, de la M�diterran�e et du Sahara ; par illustrations : des projets autour de la ma�trise de l�eau, source de vie qui se rar�fie dangereusement, de la d�pollution de la M�diterran�e, devenue �une vaste poubelle�, de la r�habilitation des paysanneries ; en bref, initier les grands projets qui constitueront les soubassements solides d�une future �conomie productive. Tous ces grands projets sont potentiellement porteurs en aval et en amont d�une myriade de PME r�put�es fortement intensives en emplois de qualit�. A ces conditions politiques pr�alables (l�adh�sion des peuples), ces sous-ensembles �conomiques homog�nes peuvent alors, et alors seulement, s�ouvrir � des partenariats euro-m�diterran�ens ou euro-africains cr�dibles, c�est-�-dire �gagnant-gagnant � en termes de cr�ation d�emplois. Et apporter ainsi une r�ponse s�rieuse � ce mal du si�cle du ch�mage de dipl�m�s qui frappe au Sud comme au Nord.
M. O.


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