L�Alg�rie conna�t l�une des plus graves crises de sa jeune histoire post-ind�pendance. Avec une vacance totale du pouvoir au sommet de l�Etat qui dure depuis plusieurs mois, une caricature de gouvernance tente de g�rer le quotidien � vue, sans aucune strat�gie, accumulant contradiction sur contradiction dans tous les domaines. Avec un gouvernement fant�me, des partis au pouvoir marionnettes sans �me, des institutions appendices du pouvoir, l�Alg�rie est fig�e, comme p�trifi�e, riche de ses ressources, mais mis�rable dans son quotidien. Dans cette impasse, le pouvoir cherche � s�en sortir plut�t qu�� sortir le pays de la crise. Une Alg�rie sans projet L�aspect socio�conomique est des plus pr�occupants ; il a fait l�objet ces derniers temps d�une analyse remarquable par de nombreux experts alg�riens et �trangers. Sans entrer dans les d�tails, on peut dire que cette analyse a confirm� l�absence d�une d�marche rationnelle ; elle a montr� que notre d�pendance vis-�-vis des hydrocarbures est plus que jamais consacr�e, la diversification de nos exportations hors-hydrocarbures de plus en plus illusoire. Cette analyse a montr�, entre autres, une incapacit� flagrante � remettre � flots une industrie moribonde, des entreprises publiques � la d�rive, avec l�annonce p�riodique de leur mise � mort par une privatisation tatillonne diff�r�e de jour en jour. Du r�glement anticip� de la dette on fait une strat�gie �conomique ! On se vante comme d�une prouesse de payer des salaires aux travailleurs bloqu�s depuis des mois ! Les r�formes �conomiques annonc�es � grands cris peinent � voir le jour. Bureaucratie, corruption � un stade jamais �gal�, absence de transparence bloquent les investissements tant attendus, laissant le champ libre � une �conomie de bazar et � un commerce informel exub�rant, avec des d�tournements de sommes fabuleuses dans les banques publiques. A quoi servent les milliards de dollars th�sauris�s s�interrogent tous les experts et les citoyens ? La paup�risation, l�absence de justice sociale, cons�quences d�une telle politique, se traduisent quotidiennement par des gr�ves, des r�voltes, des mouvements de rue, s�v�rement r�prim�s par un pouvoir qui pr�cipite de plus en plus le pays dans une grave crise politique. La crise politique En effet, la crise politique est l� et bien l� ; tous les voyants sont au rouge. Cette crise a engendr� d�sespoir et d�sesp�rance, versant les citoyens vers le fatalisme, voire la capitulation. Aux abois, le pouvoir aveugl� par sa volont� de maintenir et de renforcer co�te que co�te un syst�me obsol�te, quitte � renier ses engagements et ses luttes pour la d�fense de la R�publique, ouvre les bras aux assassins et trace la voie � l�instauration de la th�ocratie. Voulant et croyant ainsi se renforcer, il cautionne une d�marche qui risque de mener l�Alg�rie vers un Etat fasciste, islamiste conservateur, tournant le dos � la d�mocratie, au progr�s et � la modernit�, reniant les engagements du 1er Novembre 1954 et tous les sacrifices consentis pour que l�Alg�rie soit un Etat r�publicain. Tout est musel� ; presse ind�pendante harcel�e, libert�s d�opinion r�prim�e , m�dias confisqu�s au profit d�un courant unique celui du pouvoir et de ses soutiens. La vie politique se r�tr�cit comme une peau de chagrin ; elle est r�duite aux d�clarations d�une pr�sum�e alliance pr�sidentielle chaotique s�en remettant aux �orientations� �ventuelles du gourou, ou aux agitations browniennes d�ersatz de partis partageant les strapontins donnant l�illusion d�une vie pluraliste d�risoire. Dans ce tohu-bohu politique, les courants d�mocratiques sont isol�s, fragilis�s, r�duits par la force des choses � une opposition de principe ou pour certains, � une participation symbolique pour arracher des quotas apportant ainsi une caution � la d�marche du pouvoir. Partout, le �redressement� et la d�stabilisation sont devenus la m�thode politique qui se g�n�ralise ; apr�s le FLN, le RND, le FFS et le MDS n��chappent pas � cette volont� de �normalisation� et �d�uniformisation� du champ politique. Le MDS subit, en particulier, une offensive de d�stabilisation intense pour le vider et de son sens et de son contenu. Une pens�e unique, une voix unique, tous doivent s�y plier et s�y conformer. Les syndicats autonomes sont pourchass�s, la rue devient l�unique exutoire des travailleurs et des citoyens bafou�s dans leur dignit�. La manipulation devient la r�gle ; tout ce qui fr�mit dans la soci�t� civile est pris en charge. On va jusqu�� la cr�ation de faux p�les d�mocratiques pour ramener au bercail les �brebis �gar�es�, la finalit� �tant de diviser et d�affaiblir les rangs des d�mocrates pour les isoler et cr�er des conditions propices � une alliance contre nature, en faisant miroiter une chim�rique participation � l�exercice du pouvoir, brandissant l�argument �cul� du danger de la politique de la chaise vide. Le pouvoir, dans sa boulimie autoritaire de survie, veut tout initier, tout contr�ler, rien ne doit lui �chapper dans la vie politique, �conomique et sociale ; m�me le sport n�y �chappe pas avec les directoires f�d�raux ! Il tente ainsi de chloroformer toute la classe politique pour un seul dessein : se maintenir et se renforcer. Il cherche � asphyxier la d�mocratie, � bloquer et combattre les libert�s d�une soci�t� moderne avec le recours � la soci�t� archa�que tribale, au r�gionalisme et aux zaou�as. Sans g�n�raliser de fa�on h�tive et injuste, on peut dire que le pouvoir pour arriver � ses fins use et abuse de certains commis de l�Etat, voire d�intellectuels organiques et d�f�rents, pour se parer d�atours attrayants ; il les r�compense avec des miettes tout en les m�prisant. Certains ne vont-ils pas jusqu�� vendre leur �me au diable en engageant un processus de �nobelisation de la paix� pour l�une des plus grandes trahisons men�e contre la R�publique ! S�il y avait un �prix n�gatif� � d�cerner c�est bien � cette solution �unique au monde� � ainsi qualifi�e par ses laudateurs � qui veut effacer une terrible dette de sang, sans justice, amnistiant commanditaires de crimes, chefs terroristes et terroristes ; �une exp�rience unique� dans les annales, toute de forfaiture et de trahison � l�encontre d�un Peuple, d�une R�volution, d�une Histoire ; tournant le dos au respect des droits universels de l�homme, aux familles victimes d�un terrorisme transnational que le monde civilis� commence � d�couvrir, � en souffrir et le combattre impitoyablement. En m�me temps devant les coups de boutoir du pouvoir, on assiste � une sid�ration des forces d�mocratiques gagn�es par le doute et le sentiment d�impuissance. Une alliance mortelle En plus de cette volont� de renforcement du pouvoir, une autre grande inqui�tude interpelle toutes les forces de progr�s : c�est cette avanc�e d�une alliance islamiste conservatrice qui se met petit � petit en place, de fa�on insidieuse, mais d�termin�e. Apr�s avoir pardonn� aux commanditaires d�assassinats, aux chefs terroristes et aux terroristes, le pouvoir est en train d�ouvrir le champ politique aux islamistes, dont le projet d�un Etat th�ocratique est clairement r�affirm� sur la place publique. La politique de l�entrisme men�e par les partis islamistes s��largit comme une tache d�huile, gangrenant de l�int�rieur les institutions politiques, l��conomie, mais plus grave, l�administration, le monde de l��ducation et de la formation. Rackets, kidnapping foisonnent pour renforcer les caisses pleines d�argent, blanchi de la r�conciliation. Ainsi donc, le compromis strat�gique adopt� par le pouvoir avec l�islamisme est en train de se transformer en compromission ; s�orientant vers une amnistie g�n�rale et la r�habilitation du courant islamiste qui n�aura de cesse d�instaurer un Etat th�ocratique comme l�ont affirm� plusieurs chefs terroristes �repentis�. Le d�cor est en train d��tre plant� progressivement pour une telle issue. Ces concessions, voire cette concussion du pouvoir avec l�islamisme, a �t� illustr�e de mani�re �difiante ces derniers jours par la rentr�e de Rabah Kebir, commanditaire connu d�assassinats, qu�il a du reste revendiqu�s publiquement sans regrets ni remords ; par son retour apr�s les d�lais fix�s par la charte de Bouteflika, il a ainsi clos le faux d�bat sur la prorogation des fameux d�lais, comme le furent ceux de la concorde civile avec le fameux �sif el hadjaj�, cette �p�e justici�re brandie de mani�re tartarinesque, � l��poque, sans jamais �tre sortie de son fourreau ! La concussion avec le pouvoir, Kebir l�a explicitement �voqu�e en affirmant �n�avoir pas �t� d�accord avec le syst�me de l��poque� pour justifier le recours � la violence et au terrorisme, �ce qui n�est plus le cas aujourd�hui� poursuit-il devant des repr�sentants de la presse, l�embl�me national sur la table devant lui, pour officialiser sa d�claration. Il poussa l�outrecuidance � faire r�f�rence au 1er Novembre alors que ses troupes �gorg�rent des moudjahidine et profan�rent des cimeti�res de chouhada. Le comble vient de certain (s) haut (s) responsable (s) qui ont cru �relever des choses utiles dans ses dires� et une �certaine maturation d�esprit� ! En m�me temps, pour ne pas effaroucher les h�sitants ou ceux qui ont cautionn� ce retour, voire l�opinion internationale il usa d�un artifice tactique en rejetant l�affiliation de son courant � El Ka�da, voulant se draper de l�habit pseudonationaliste et de l�islamiste BCBG, en lieu et place du commanditaire d��gorgeurs et assassins, dont le courant est affili� � la n�buleuse Internationale islamiste. La pr�tendue r�conciliation nationale, transformant un �chec militaire en une victoire politique islamiste, n�a tout compte fait servi qu�� encourager le red�ploiement islamiste, la paix restant illusoire et le terrorisme toujours actif. La derni�re d�claration du GSPC r�affirmant son appartenance � El Ka�da illustre, on ne peut mieux, la transnationalit� id�ologique du courant islamiste alg�rien. En favorisant les conditions d�une alliance islamiste conservatrice, pensant diluer l�islamisme, l�int�grer et le dig�rer, le pouvoir risque au contraire de voir ce dernier se renforcer, en exploitant notamment la d�gradation �conomique et sociale, pour se pr�senter, � terme, comme le recours et le sauveur de l�Alg�rie. Fuite en avant du pouvoir Avec cette alliance mortelle pour le pays, le pouvoir poursuit sa course folle pour se renforcer et perdurer dans la logique de son incapacit� historique � �voluer d�mocratiquement. Il annonce des �ch�ances vitales pour l�avenir du pays dans la pr�cipitation, comme � son habitude, pour couper court � toute vell�it� de remise en question, sans d�bats contradictoires dans l�opacit� totale. M�me si la lisibilit� de ses objectifs est claire, le pouvoir a recours � un discours langue de bois, servi par ses laudateurs habituels (on n�accepte que ce qui vient de lui), des d�clarations officieuses d�cousues, flagorneuses � souhait, pour donner l�illusion d�une approche d�mocratique laborieuse, alors que la messe est d�j� dite et bien dite. Certain (s) d�clare (nt) m�me soutenir le chef de l�Etat, aujourd�hui, demain et � l�avenir ! Quelle ind�cence et quelle servilit� ! Voil� donc qu�on annonce un r�f�rendum sur une r�vision constitutionnelle dont le projet fait l�objet de mille et une supputations � l�APN a d�j� vot� une motion de soutien avant de l�avoir re�ue �, c�est-�-dire un �ni�me pl�biscite pour Bouteflika, un projet de loi �lectorale sur mesure et, � l�horizon 2007, des �lections locales et nationales d�j� bien ficel�es par les partis au pouvoir qui se partageront les si�ges, laissant quelques strapontins et des miettes de la rente � ceux qui, par leur participation, apporteront, comme d�habitude, la caution attendue � un illusoire processus d�mocratique. La �bonne foi� n�est plus permise ! Il fut un temps o� certains d�mocrates de �bonne foi� ont cru pouvoir changer ou faire �voluer le syst�me de l�int�rieur ! Foutaises ! Quelques exemples significatifs, parmi tant d�autres, illustrent de fa�on �loquente cette d�marche chim�rique donquichottesque ! Tout le monde a en m�moire les d�missions de quatre s�nateurs ind�pendants, ou bien celles de ministres d�mocrates entr�s au gouvernement, ou encore la d�sillusion de la pr�tendue transition d�mocratique au cours des �lections pr�sidentielles de 2004 en laquelle crurent �de bonne foi�, partis, cadres, intellectuels, citoyens de tous rangs, voire m�me certains responsables en retraite ou en activit� de l�arm�e ! Les r�sultats furent �loquents le soir du 8 avril 2004 ; trafic, matraques et r�pression illustr�rent on ne peut mieux la �mauvaise foi� l�gendaire des tenants du pouvoir. Chacun d�entre nous doit faire son autocritique pour repartir du bon pied. Une interrogation majeure ! Dans tout ce vacarme politique, une interrogation majeure revient sur toutes les l�vres. Ceux qui ont port� Bouteflika au pouvoir ou, du moins, ce qu�il en reste, approuvent-ils cette d�marche, sont-ils d�accord avec l�ensemble du processus de r�habilitation de l�islamisme politique, depuis l�accord avec l�AIS jusqu�� la lib�ration des terroristes et du retour de leurs commanditaires qu�ils ont tant combattus ? En voulant renforcer le pouvoir et reproduire le syst�me en encourageant la politique de neutralisation de l�islamisme, en l�int�grant dans la vie politique, n�est-ce pas jouer avec le feu ? Ne risquent-ils pas d��tre pris dans leur pi�ge, car tel est pris qui croyait prendre ? L�exemple de l�Iran avec un Beni Sadr qui crut au compromis reste � m�diter ! L�arm�e qui avait organis�, on s�en souvient, un m�morable colloque international sur le terrorisme nous avait habitu�s de temps � autre dans les moments cruciaux de remettre les pendules � l�heure ou de lever toute �quivoque par ses d�clarations. Elle a pay� un lourd tribut avec les autres forces de s�curit� au terrorisme islamiste, et elle continue de payer avec un terrorisme encore actif, malgr� les donn�es optimistes des instigateurs de la charte. En son temps, tout le monde se souvient avoir vu, entendu et lu la d�claration du premier responsable de cette institution : �Le dossier du FIS est bien clos� ! La charte elle-m�me est explicite � ce sujet ! Qu�en est-il aujourd�hui de la r�habilitation de l�islamisme politique dont l�objectif est de s�emparer du pouvoir et d��liminer tous ceux qui s�y opposeront ? Le silence est lourd, tr�s lourd � porter ! Les forces d�mocratiques : quel projet ? Quelle attitude d�s lors adopter pour les forces d�mocratiques ? Que faire ? Quoi faire et comment ? Les forces d�mocratiques � quelque niveau que ce soit doivent r�agir face au danger d�un pouvoir qui cherche � se renforcer, et cr�er les conditions de l�av�nement th�ocratique par l��mergence d�une alliance islamiste conservatrice d�termin�e � atteindre son but. Le risque majeur � mettre en exergue est la banalisation de la situation et la sous-estimation des dangers qui guettent la R�publique et la d�mocratie. Le r�veil risque d��tre brutal et terrible si la l�thargie prend le pas sur l�action. Se taire, baisser les bras, c�est soit apporter une caution au syst�me incrimin� dans l�impasse actuelle, soit adopter une attitude fataliste ou capitularde. Nous n�avons pas le droit de nous taire, nous avons une responsabilit� et un devoir � accomplir, nous ne pouvons pas laisser ces zombies de retour polluer les cerveaux de notre jeunesse de leur venin. Tout d�abord, sans donner de le�ons � personne, il faut rompre le silence ! Les d�mocrates o� qu�ils se trouvent, les intellectuels, doivent reprendre l�initiative pour ne pas laisser le pouvoir seul ma�tre de la sc�ne politique. Dans cette perspective, un rassemblement r�publicain de toutes les forces d�mocratiques s�impose. Les forces d�mocratiques doivent faire preuve de d�passement, des divergences du pass�, elles doivent transcender leurs contradictions en fait secondaires, face aux enjeux strat�giques du moment, d�cisifs pour l�avenir de l�Alg�rie, et ce, afin de se regrouper en mobilisant toutes les forces vives du pays � partis, syndicats, intellectuels, travailleurs, soci�t� civile� Ce rassemblement se fera autour d�actions de sensibilisation et de mobilisation avec la multiplication de contributions dans la presse, l�animation de rencontres citoyennes, la mise en �uvre de d�bats contradictoires, autour d�un projet de Constitution consacrant la R�publique et la d�mocratie par des balises incontournables, et autour d�une plate-forme porteuse d�un projet de soci�t� r�publicain moderne, de progr�s, respectueux des droits de l�homme et des libert�s, ouvert sur l�universalit�. Aller en rangs dispers�s, c�est aller vers l��chec. Unis, nous serons cr�dibles et forts pour proposer au peuple une r�elle alternative d�mocratique. A. B. *Secr�taire g�n�ral du CCDR