Monsieur Chafik Mesbah, politique affirm�, impressionne par ses analyses lucides et bien document�es. Il ne peut r�duire le r�le de l�arm�e � un simple appendice du syst�me politique en vigueur depuis l�ind�pendance du pays. I - Les lois de la politique, de la sociologie et du rapport de force se sont conjugu�es pour faire des militaires, les gardiens du syst�me politique. L�Alg�rie n�a pas fait l��conomie du pouvoir militaire. Mais est-ce seulement une �tape ? La hi�rarchie militaire est puissante, est au-dessus des lois, a tous les privil�ges. Elle est le haut lieu de la concentration de la vie politique, o� s�affrontent les enjeux id�ologiques et les conflits d�int�r�t entre les clans du pouvoir. Collaborer, se soumettre ou se taire, sont les seules voies laiss�es aux Alg�riens, du fait qu�elle s�est identifi�e � l�Etat et � la nation. L�arm�e est aux commandes du pays, entend bien le rester et n�a pas l�intention de renoncer � son statut historique de d�tentrice du pouvoir r�el. Le principe est que le pr�sident de la R�publique, choisi par les d�cideurs de l�arm�e et ��lu� par un vote qui n�est qu�une simple formalit� de confirmation, est plac� durant son mandat sous leur haute surveillance, afin qu�il ne d�vie pas de la mission qu�ils lui ont assign�e. Les signaux de l�arm�e capt�s et d�cod�s par la presse ind�pendante, informent chaque pr�sident de la R�publique, qu�elle concentre entre ses mains la r�alit� du pouvoir, qu�elle aura toujours le dernier mot et qu�il ne lui reste plus, selon la formule consacr�e, qu'� se soumettre ou se d�mettre. La marche vers et sur les sommets ne dure pas, et la descente peut �tre douce ou brutale : les exemples sont nombreux, ceux de Ben Bella, Bendjedid et Zeroual sont �loquents. Abdelaziz Bouteflika a �t� programm� par les d�cideurs de l�arm�e, pour la pr�sidence de la R�publique, d�s l�annonce par Liamine Zeroual en septembre 1998 d��courter son mandat, ce qui est juridiquement une d�mission, car la Constitution ne reconna�t que trois cas de vacance du pouvoir, la d�mission, le d�c�s, la maladie grave et durable. La d�mission diff�r�e avec pr�avis lui permettait d�assurer la marche des affaires, pour ne pas avoir recours � l�int�rim constitutionnel du pr�sident du Conseil de la nation, Bachir Boumaza. Les coups d�Etat par les armes et par les urnes sont dans la tradition militaire. La fraude �lectorale, bien int�gr�e dans les m�urs politiques du pays, est au rendez-vous de toutes les �lections. Ce n�est pas nous qui disposons du pass�, pas nous qui le tenons, c�est lui qui nous tient. La situation du pays en 2008 ressemble en partie � celle de 1978, il y a 30 ans, o� la grave maladie de Boum�di�ne a ouvert sa succession. Peut-on dire que chacune des deux parties au sommet de l�Etat pr�f�re attendre avant de d�couvrir ses propres batteries ou que, selon Ahmed Ouyahia, un accord est d�j� conclu : non pas pour un changement de r�gime politique mais pour un changement dans le r�gime, non pas pour un changement de politique, mais pour une continuit� de la politique. II - Le pouvoir alg�rien La vie politique est con�ue avec un seul objectif : p�renniser le syst�me politique en place depuis l�ind�pendance du pays, confort� par la rente p�troli�re. Le pouvoir, qui a outrepass� son cr�dit politique, s�est maintenu au-del� de son utilit�. L�immobilisme politique c�de le pas � la r�gression. L�essentiel du pouvoir quasi monarchique, qui se personnalise et se centralise � l�exc�s, en osmose avec l�ultra-lib�ralisme, est concentr� � la Pr�sidence. Il y a violation de la Constitution par le renforcement excessif du pouvoir personnel. Un pr�sident de la R�publique � la fois chef de l�Etat et de l�ex�cutif, ministre de la D�fense, qui a fait du gouvernement l�annexe de la Pr�sidence et du Parlement, deux chambres d�enregistrement, ne r�pond pas aux crit�res de la d�mocratie. La tendance � cumuler titres et fonctions, � s�octroyer des pouvoirs de plus en plus �tendus, � intervenir dans tous les domaines de la vie publique, � nommer � tous les postes de responsabilit� ses proches partisans et � d�velopper des rapports de type monarchique avec son entourage n�est pas conforme � la Constitution parlementaire dans sa lettre, mais pr�sidentielle dans son esprit. Changer de Constitution au gr� des caprices du pr�sident pour conserver le pouvoir, �afin d�assurer la continuit� de la politique conduite depuis dix ans�, rel�ve d�un exc�s qui n�honore pas la d�mocratie. L�Alg�rie a eu de nombreuses Constitutions, la 5e avec celle en cours, en 46 ans d�ind�pendance, pour avoir leur respect et les r�gles de jeu qu'elles impliquent. Les Constitutions peu appliqu�es sont r�vis�es et souvent us�es avant d�avoir servi. Le pr�sident de la R�publique va-t-il renoncer � briguer un troisi�me mandat, ce qui va provoquer un �lectrochoc salutaire, prolonger son mandat de deux ans ou postuler pour un troisi�me mandat, comme le sugg�re Ahmed Ouyahia ? Quand l�histoire politique d�un homme est finie, quand son mandat l�gal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un dernier chapitre. L�Alg�rien ne peut avoir des droits l� o� il n�est pas �lev� d�abord � la dignit� politique du citoyen et non de sujet. Le plus grave n�est pas d��tre un sujet, mais d��tre appel� un citoyen. Aujourd�hui, une nation de sujets et pr�te � devenir une nation de citoyens. Voil� l�enjeu du prochain quinquennat. La d�gradation politique et morale des institutions est due � l�absence d�alternance1. Suivant le g�n�ral de Gaulle, Abdelaziz Bouteflika a appris que lorsque les secousses deviennent plus dures et que la voie � suivre n�est pas d�finie par lui-m�me, il suit le chemin qui m�ne au sommet, c�est le moins encombr�. Il est le d�tenteur exclusif du pouvoir et il n�aime pas le partager ou l��claircir. Un courant d�air frais dans l�atmosph�re confin�e du pouvoir pourrait donner des envies d�ouverture durable aux d�cideurs, pour sortir du flou et du contradictoire, des d�rives du pr�sent, convertir le syst�me politique en vigueur, totalitaire du fait qu�il n�y a pas s�paration mais confusion des pouvoirs, en une saine pratique de la d�mocratie. III Ahmed Ouyahia pour la troisi�me fois chef de gouvernement Le pr�sident de la R�publique est un amateur de football. Le gouvernement est pour lui comme une �quipe de football compos�e du double (2 fois 11) o� il peut puiser un changement � sa guise. L�analyse du m�canisme par lequel le pouvoir a �t� subtilis� au peuple proclam� souverain a �t� faite un grand nombre de fois. Ahmed Ouyahia est un homme politique injuste qui produit de l�injustice, parce qu�il porte l�injustice en lui. La promotion �jamais deux sans trois� est due au fait qu�il est un militaire habill� en civil. La pens�e politique n�est pas encore soucieuse de rigueur et de coh�rence, n�incarne pas encore l�esprit de synth�se qui r�pond � la mutation peut-�tre lente, in�gale, progressive mais r�elle de la soci�t�. Le mythe d�Ahmed Ouyahia est celui de la confusion, de l�in�galit� et de l�injustice. Un chef de gouvernement doit utiliser rationnellement les ressources �conomiques dans le respect des priorit�s sociales, manifester un sens profond de l�humain et de grandes qualit�s de c�ur doivent guider son action. Le recours � l�humilit� politique est n�cessaire. Les massacres de civils � Ra�s le 29 ao�t 1997, � Bentalha le 26 septembre 1997 � B�ni- Messous le 13 octobre 1997, se sont d�roul�s dans un climat de terreur sans pr�c�dent. Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, ne s�est pas rendu sur les lieux de massacres de l��t� 1997, qui ont boulevers� le monde entier, n�a pas apport� son soutien moral � la population et n�a pas pr�sent� ses condol�ances aux familles des victimes. Il a attendu la f�te de l�A�d, soit plus de 4 mois apr�s les massacres, pour se d�placer � Bentalha et Sidi-Hamed pour offrir 5 milliards de centimes � la population sinistr�e. Le RND, n� en f�vrier 1997 avec des moustaches, a obtenu trois mois apr�s 156 d�put�s aux �lections l�gislatives. La victoire du RND aux �lections locales du 23 octobre 1997, d�nonc�e par tous les partis politiques, y compris le FLN, est due � une fraude g�n�ralis�e. La cons�quence de cette fraude a donn� au S�nat 80 si�ges sur 96 au RND, qui a fait main-basse sur le S�nat, 10 au FLN, 4 au FFS et 2 au MSP. Mohamed Hafed, secr�taire g�n�ral de la jeunesse de l�USFP, �lu d�put� de Casablanca (Maroc), a d�missionn� avec fracas parce qu�il avait estim� que l�administration avait favoris� son �lection au d�triment de son adversaire islamique. Aucun ��lu� alg�rien n�a pr�c�d� ou suivi son exemple. D�tourner la volont� populaire est du gangst�risme politique. Non seulement Ahmed Ouyahia ne repr�sente pas le monde du travail, mais il ne le comprend pas. Incommensurable ingratitude humaine, doubl�e d�une erreur politique. Il ne fait que g�rer la crise, alors qu�il faut la vaincre. Sous ses deux mandats, Ahmed Ouyahia n�a pas �t� capable de pr�voir, de voir, et surtout d�avoir une vision politique claire des frustrations du peuple, exasp�r� par les conditions de vie qui lui sont r�serv�es, la r�gression brutale et continue de son niveau de vie. Paup�risation de la population jusqu�� l�indigence, d�litement du tissu social et familial, effondrement du syst�me de sant�. La politique neo-conservatrice ultra-lib�rale ne peut qu�aboutir � une soci�t� duale, verticalement divis�e entre, d�une part les nantis qui vivent bien et d�autre part, la majorit� du peuple d�sabus�e, frustr�e. Trop riche pour une minorit�, trop pauvre pour la majorit�, l�Alg�rie est l�exemple d�une profonde injustice sociale. La paup�risation de la soci�t� a atteint le seuil de l�indigence. Les trois maux sociaux peuvent se r�sumer en trois mots : l��cole, l�emploi, le logement. La s�curit� humaine concerne la pauvret�, la faiblesse du syst�me d��ducation et de sant� et le manque de libert�. La corruption est devenue un style de vie et de gouvernement. Tant que ce cancer ne sera pas vaincu, la sant� morale du pays est menac�e. Il faut avancer en regardant devant vers l�avenir. Pr�venir l�avenir, imaginer et proposer les solutions aux probl�mes pr�sents et � venir, rassembler les forces et les moyens pour r�ussir, ces trois fonctions compl�mentaires repr�sentent les missions des partis politiques d�mocratiques. Tous ceux qui par des chemins diff�rents partagent les m�mes valeurs d�mocratiques et poursuivent les m�mes objectifs, � savoir la souverainet� du peuple et la qualit� de citoyen � l�Alg�rien, doivent se retrouver. Devons-nous subir l�avenir, l�assumer ou le prendre en charge ? Les contradictions existent, il faut les aborder de front, sans biaiser avec la r�alit�. Celui que vous attendez et qui vous attend aussi pour r�aliser la d�mocratie est peut-�tre pr�s de vous. Le peuple alg�rien n�a pas encore conquis le droit de d�cider de son destin, de ses choix �lectoraux par des �lections libres. Les t�moins de l�Histoire doivent livrer ce que beaucoup d�entre eux gardent encore dans le secret de leur m�moire. Avec l�expression de ma pens�e fraternelle, Alger, le 29 juin 2008 Me Ali-Yahia Abdenour (1) : L�alternance est la seule protection contre les tentations et les d�viations, qu�entra�ne l�accoutumance au pouvoir.