Que disent les journaux ? Des tas de choses, bien s�r. Mais des choses troublantes � et que la r�p�tition rend banales �, du fait de cette impression de d�j� lu, de d�j� vu, de d�j� dit, de d�j� redit. A force d��tre dans l��il du cyclone, on finit par r�percuter le m�me son que les vents conjugu�s d�livrent. On devient un �cho, qui se poursuit en se d�guisant. En quoi ? �a d�pend ! Un coup, en silence. Un autre, en mots. Et on s��tonne � retardement des m�mes avatars impos�s au pays avec ce malaise : ce qui se r�p�te tombe dans la farce ! Alors, par flemme un peu, par convention un peu, on s�ins�re dans les m�mes sch�mas pour se surprendre dans une sorte de gr�garit� partag�e. D�s que tu sors de ces murs, tu es paum�. Va comprendre quelque chose. Un bruit, � peine brouill�, venant des hauteurs nous dit que la r�vision de la Constitution n�est plus une priorit�. Sous-titrage : �Ce n�est plus une priorit� pour le pr�sident� ! Personne ne sait comment na�t, se pr�sente ou se fabrique une priorit�. C�est le myst�re absolu. Quelle en est la recette, les ingr�dients et, �ventuellement, le temps de cuisson ? C�est un secret bien gard�. On sait, en revanche, que la priorit� pour le pr�sident devient de fait et sans conteste aussi celle du pays. On d�couvre cependant, � la faveur de cet �ni�me retournement de situation, que l�abandon vrai ou suppos� d�une priorit� par ledit pr�sident se traduit ipso facto par l�abandon par tout le pays de la m�me priorit�. Pour obtenir d�un coup ce double abandon, il suffit d�appuyer sur le m�me bouton. Quelqu�un a d� l�accomplir, ce geste fatal ! Il a jet� en l�air le boulot de plusieurs mois. Il a balanc� par-dessus bord l�effort soutenu et m�ritoire, faut dire, du chef d�orchestre. Car, pour mener ce ch�ur r�gl� jusqu�� la derni�re inflexion de voix, le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, se r�jouit depuis le d�but de jouer de la baguette. Il orchestre une sorte de ballet des vanit�s. L�ennui, c�est que d�s l�accord trouv�, il faut tout stopper. Le chef d�orchestre s�en tire comme il peut. Il n�est pas �vident de venir dire le contraire de ce qu�on a martel� pendant des mois, mais il y a des gens qui n�ont pas de protection au visage. Ils le disent, et tout net. Les cons�quences ? Voil� l�Alg�rie orpheline de l�empreinte de Bouteflika sur la Constitution ! La voil� priv�e d�un troisi�me mandat, l�aspiration profonde du peuple tout entier qui n�a rien d�autre � esp�rer, � souhaiter, que cela ! Oui, les Alg�riens ont r�solu tous leurs probl�mes. Il n�en restait qu�un, celui-l� : r�viser la Constitution. Le ch�mage ? Mais c�est d�j� pli� ! T�en connais, toi, des ch�meurs ? Si oui, c�est que soit tu es de mauvaise foi, soit tu ne vis pas ici. Ou alors, je peux te conc�der qu�il en existe, une infinie minorit� de ceux qui ne veulent pas travailler. Tu vois, il ne sait rien faire et il choisit ce qu�il veut faire ! Donc, pas de ch�mage ! Pas de probl�mes de logement, non plus ! Pas de p�nuries d�eau. Pas l�ombre d�une difficult� sociale. Et en politique, alors ? Tout va bien. La t�l� est allum�e et la chorba est succulente. On n�entend aucun bruit, pas m�me celui des engins que le GSPC fait exploser � un rythme de plus en plus acc�l�r�. Pas plus que le cri de toutes les atteintes aux libert�s, atteintes qui deviennent la marque de fabrication du r�gime actuel. Le pluralisme est un fait. La d�mocratie est en liesse dans notre pays. Elle �tend ses ailes pour couvrir de son ombre bienfaitrice les pays voisins jusqu�� devenir une sorte d��picentre qui re�oit les accessits d�livr�s par ce sp�cialiste mondial de la d�mocratie, du respect des libert�s et de la libert�. J�ai nomm� le nomm� George W. Bush. Donc, tout est Okay. Il ne restait que cet insignifiant petit probl�me de rien du tout � r�soudre : r�viser la Constitution. On s�y attela derechef. On a ressass�, pour nous convaincre, nous Alg�riens, sceptiques par h�r�dit�, comme tu sais, presque tous les jours qu�il faut bidouiller un tantinet l�appareil constitutionnel pour l��lever � la hauteur de l��poque, voire de l��pop�e. Une Constitution, c�est un peu comme ce morceau de pav� � Hollywood o� les stars du cin�ma impriment dans le ciment la marque de leurs pas. Chaque pr�sident, chez nous, y appose son empreinte digitale. L�histoire fera le tri, plus tard. Bien plus tard ! On nous a convaincus qu�il fallait aussi faire sa place � ce r�gime dans les annales. Et puis, plus rien. On laisse tomber et on rentre � la maison. L��tat de sant� du pr�sident n��tant pas jouable pour un troisi�me mandat, c�est fichu. L�id�e elle-m�me ne vaut plus tripette. C�est comme �a ! L�humeur ou un calcul tortueux, ou les deux, font basculer dans le n�ant ce qui, la veille, paraissait in�luctable et majeur. �Pschitt�, comme dirait l�autre. Apr�s �a, on nous dit que ce ne sont pas des jeux de pouvoir qui pr�sident aux oscillations politiques. Mais tout cela a �t� d�j� dit. Presque avec les m�mes mots. Les m�mes intonations. Quelques-uns le disent avec des tr�molos dans la voix. �a fait un bail que le pr�sident est entr� au box-office. D�autres sans tr�molos ! On attend la prochaine priorit� pour la d�cr�ter toutes voiles dehors �prioritaire� en m�ditant sur cette sentence de Jules Renard, dont les communicateurs de tous les pouvoirs font un credo : �On finit toujours par m�priser ceux qui sont trop facilement de notre avis.� P. S. : D�ici : suite � la chronique de la semaine derni�re d�di�e � Rabah K�bir comme une chanson de Mami, j�ai re�u, comme tu t�y attendais, ma part de vol�e de bois vert. M�enfin, c�est comme �a. Dans tout ce qui m�a �t� envoy�, en mal ou en bien ( il y a aussi des mails au miel, pas au fiel, ce qui me rassure en m�assurant que je ne suis pas seul � avoir ces lieux communs en guise de pens�es ), j�ai lu avec int�r�t ce message d�Ahmed qui s�adresse � moi �en tant qu�un lecteur, repr�sentant de cette jeunesse alg�rienne qu�on qualifie parfois de jeunesse d�sabus�e� qui �on en a, sauf votre respect, ras-le-bol de ces �ditoriaux et commentaires d�faitistes, n�gationnistes, tuant toute lueur d�espoir et foi en notre pays�. Il poursuit : �Ne pensez-vous pas qu�on a besoin d�encouragements, quelque chose qui renforce l�amour du pays et nous permet de voir ce qui est de bon en lui. Sans cela, malheureusement, il nous reste le sentiment d��tre les natifs et les habitants d�un pays vou� � la damnation et en guise de f�tes nationales, on verrait un perp�tuel d�fil� de mauvaises nouvelles ?� Il s�interroge : �Est-ce qu�un intellectuel alg�rien est oblig� de tenir un discours d�faitiste n�gationniste et d�courageant, critiquant � tout bout de champ, pour �tre consid�r� comme tel�. Je r�pondrais ceci, qui est � d�battre. Je ne pense pas que �la jeunesse d�sabus�e� doive chercher les motifs d�aimer son pays dans les journaux. Ce n�est pas la vocation de ces derniers, ni des journalistes que de jouer les �coles ou les profs de patriotisme. C�est en soi, autour de soi et dans la r�alit� de ce pays que se trouvent les raisons de l�aimer. Et si on les trouve, ces raisons, ce n�est pas un �papier� de journaliste, qui exerce sa fonction d�information et de critique, qui �branlerait des convictions solides. Le patriotisme, c�est comme la foi : c�est une affaire individuelle. On n�a pas � l��taler. On peut remettre en cause ce qui est factuel : des informations donn�es par un journaliste. On peut discuter un commentaire qu�il fait, une opinion qu�il �met. Mais au nom de quoi, douterait-on de son patriotisme. Et, du reste, � quoi se reconna�t-il, ce patriotisme, et comment se mesure-t-il ? C�est un vieux proc�d� des pouvoirs nationalistes antid�mocratiques, comme le n�tre, que de faire confondre le patriotisme avec la d�fense de leur politique. On est en plein dedans. En tant que lecteur, car j�en suis un aussi, je me r�jouis de tous ces �commentaires et �ditoriaux� car ils sont exactement le contraire de �d�faitistes� puisqu�ils d�noncent, au nom d�une autre fa�on d��tre patriote, ce qui ne va pas. Et, de ce point de vue, il faut dire qu�il y a du boulot. Il est difficile de r�p�ter le �Tout-va-bien� national lorsqu�on regarde pr�cis�ment la r�alit� de la corruption g�n�ralis�e, de la r�pression, de la n�gation des libert�s, de la mis�re qui frappe de plus en plus d�Alg�riens. En d�pit de ce naufrage, il y a encore des journaux et des journalistes qui le claironnent, et souvent avec l�argent public. Et on a tout le loisir de les lire ou de les �couter. Ce n�est pas l�id�e que je me fais de ce m�tier. Et pour finir : la critique est la fonction essentielle d�un intellectuel. Il ne s�agit pas de se faire reconna�tre ou pas mais d�exercer sa fonction. C�est comme si on s��tonnait qu�un footballeur doive jouer au football pour �tre reconnu comme footballeur. Merci � Ahmed d�avoir pris la peine de m��crire et de me donner l�occasion de pr�ciser ces petites choses.