Lorsque Mahmoud eut achev� sa fable, Mourad, � cinqui�me copain du groupe � prit la parole � son tour : � J�ai h�te de go�ter au festin que vous avez promis d�offrir � celui d�entre nous qui aura racont� la meilleure histoire sur le renard, aussi, vais-je vous narrer la fin qui fut la sienne. Moi aussi, c��tait ma grand-m�re paternelle qui me la contait. Elle me disait qu�on parlait du renard dans toutes les chaumi�res tant il �tait d�test� par les animaux de sa for�t. L� o� il passait, il semait la zizanie, la discorde et voyait d�un tr�s mauvais �il l�amiti� qui pouvait lier deux animaux. Son plaisir et sa profonde d�lectation �taient de les diviser co�te-que-co�te. D�ailleurs les habitants de sa for�t ne disaient plus �ma�tre renard �mais �Satan�. Il r�gnait en ma�tre des lieux et disait : �mes animaux�, �mes arbres�, �ma for�t�, et m�me �mon lion� pour se donner l�illusion qu�il �tait le roi de la for�t ! T�tanis�s, acceptant humiliations et insultes renardesques, les animaux qui le servaient �taient soudainement devenus muets. Les mammif�res se couchaient � ses pieds et on ne les distinguait gu�re des reptiles. Les rongeurs se cachaient et parmi les oiseaux, on ne comptait plus les �harragas�(**) d�cid�s � fuir au p�ril de leur vie. Paresseux, tyrannique, m�fiant, le renard ne faisait rien pour am�liorer le sort des animaux ou pour fortifier la for�t. Et lorsqu�on n��tait pas avec lui, l�on �tait alors contre lui. L�air devint irrespirable. Un matin, une nouvelle fit le tour de la for�t : �le renard �tait malade. �Malade�, �tr�s malade�, �gravement malade�... Chaque animal y allait de sa rumeur. C�est alors que �Ouistiti�, m�decin traitant du renard, fut charg� de confirmer la maladie et de la minimiser au maximum. �Ma�tre renard s�est rendu dans la for�t voisine pour soigner une banale grippe.� �Ouistiti� sema une v�ritable panique parmi les animaux de la for�t. Comment croire en �Ouistiti� et tous les autres s�ils �taient incapables de soigner une simple grippe ? Le renard demeura longtemps �loign� de sa for�t. Lorsqu�il revint, il dut repartir apr�s quelques jours seulement vers d�autres for�ts �pour un contr�le�, dit encore �Ouistiti�. Son baudet favori et �pit-bull�, son chien pr�f�r� et ami, avaient beau faire pour rassurer les autres animaux, ces derniers savaient que le renard �tait tr�s malade. Un autre singe de la race des �bonobos� connu pour grimper d�arbre en arbre en chantant, se vanta de conna�tre l��tat r�el de sant� de son �ami le renard auquel il avait rendu visite�, disait-il. Le renard se montrait de moins en moins devant les animaux de la for�t, il recevait peu et lorsqu�il faisait de temps � autre une apparition publique, le lynx de son regard per�ant faisait remarquer aux autres habitants de la for�t le pelage de plus en plus d�garni du renard ainsi que sa r�elle grande lassitude. Toutes les nuits, les animaux de la for�t entendaient le hibou hululer jusqu�au matin et dire : �Tha�lab Allah i-kakih�, Tha�lab Allah i-yahdih� (Puisse Dieu faire prendre conscience au renard (de ses erreurs) (Puisse Dieu le guider vers le droit chemin). L��ne, le loup et le chacal maudissaient sans cesse le hibou. �Qu�a-t-il donc � pleurer pour une simple grippe ?� Cela n�emp�chait pas le baudet de r�fl�chir au moment opportun o� il lui faudra ass�ner son coup de pied au vieux renard affaibli. Et c�est ainsi que furent les derniers jours du renard dont s��loignaient peu � peu tous les animaux, surtout les plus courtisans d�entre eux. � Alors quelle est la meilleure histoire ? demande Mohamed. � Aucune ne peut �tre s�lectionn�e, r�pond Hocine et sais-tu pourquoi ? Aucune d�entre elles ne suscite de la joie pour m�riter un bon gueuleton. � Avoue plut�t que nous n�avons aucun moyen de nous l�offrir, dit Mahmoud. � Je t�affirme que ce n�est pas le probl�me. Nous nous serions d�brouill�s. Mais franchement l�injustice peut-elle �tre source de f�licit� ? Mourad reprend la parole : � Ma grand-m�re avait, je m�en souviens comme si c��tait hier, termin� son histoire sur la fin du renard ainsi : � �Koul ta�r yenzel oua koul hakam yena�zel� (Tout oiseau (volant) finit par redescendre sur terre et tout gouvernant finit par �tre enlev� (d�chu, limog�). Ce fut l�, la fin du renard dit �Satan�. L. A. * Suite voir - 30 novembre 2006 (1) �Dans la grisaille d�Alger� - 7 d�cembre 2006 (2) �Dans la grisaille d�Alger� - 14 d�cembre 2006 (3) ** �Harragas� surnom donn� � ceux (parmi les jeunes surtout) qui tentent d��migrer clandestinement.