La Banque mondiale a rendu public et mis en ligne sur son site, jeudi dernier, un rapport intitul� �Paying Taxes : The Global Picture�. Le document, d�une cinquantaine de pages, est un tour d�horizon de la fiscalit� des soci�t�s dans le monde, qui reprend en les d�veloppant les conclusions du rapport annuel du groupe de la Banque mondiale sur la pratique des affaires dans le monde, �Doing Business en 2007 : comment r�former� que nous avons eu � commenter, en son temps, ici m�me. Le nouveau rapport est la premi�re �tude d�taill�e de ce type jamais r�alis�e. R�dig� avec le concours de la firme comptable Price Waterhouse Coopers, il �tablit un classement de 175 pays en fonction des performances de leur r�gime fiscal (appel� �degr� de facilit� de leur r�gime fiscal�), �valu� sur la base de deux crit�res : le montant d�imp�ts que doit acquitter une entreprise de taille moyenne et le temps qu�elle doit consacrer au respect de la l�gislation fiscale. Les 20 premiers pays dot�s de r�gimes fiscaux plus faciles � respecter comprennent des paradis fiscaux comme les Maldives et Sainte-Lucie, des gros producteurs de p�trole comme l�Arabie saoudite, Oman et les Emirats arabes unis, mais aussi des pays auxquels on s�attend moins, tels l�Irlande, Singapour, la Suisse, la Nouvelle-Z�lande, l�Islande, le Danemark et la Norv�ge. Parmi les 20 pays les moins bien class�s figurent le n�tre, l�Alg�rie. Il est class� exactement 169e sur un total de 175, avec le triste record de ne surclasser que la R�publique du Congo, la R�publique centrafricaine, la Colombie, la Mauritanie, l�Ukraine et le Belarus. Une entreprise alg�rienne tatillonne quant au respect de la l�gislation fiscale perdra, au total, 504 heures par an pour s�assurer qu�elle est en r�gle. Elle consacrera 120 heures pour s�acquitter des taxes sur les soci�t�s, 192 pour les taxes sociales et 192 pour les taxes sur la consommation. Ce que la Banque mondiale a omis de comptabiliser, c�est la derni�re �trouvaille� qui fait rager actuellement les chefs d�entreprise : le registre du commerce exige de toutes les Sarl, par ailleurs contraintes de recourir aux services d�un commissaire aux comptes g�n�ralement francophone, de d�poser leur bilan fiscal en langue arabe, accompagn� du versement de 25 000 DA, obligatoirement en esp�ces ou, � d�faut, par ch�que certifi�. Le versement se fait aupr�s d�une seule agence, celle d�Alger, avant le 31 d�cembre. Une p�nalit� de retard de 300 000 DA mena�ant les retardataires, une longue file de v�hicules, immatricul�s � toutes les wilayas, obstrue la circulation dans un large rayon autour du CNRC. Autre constat : le niveau �lev� des taux de l�imp�t sur les soci�t�s et sa complexit�. Selon la Banque mondiale, notre syst�me totalise 61 taxes qui absorbent 76,4 % des profits commerciaux. Selon Mme Ramalho, �conomiste et membre de l��quipe du groupe de la Banque mondiale qui produit les rapports sur la pratique des affaires, les Etats ont tendance � compenser l��troitesse de leur assiette fiscale en pratiquant des taux d�imposition plus �lev�s, alors que la bonne strat�gie consisterait � faire l�inverse : r�duire les imp�ts et �largir consid�rablement l�assiette, de mani�re � accro�tre ainsi les recettes. Ceci est particuli�rement vrai pour des pays comme le n�tre, dot� d�un vaste secteur informel qui reste � faire figurer davantage pour accro�tre les recettes fiscales. Selon les chiffres avanc�s par le Forum des chefs d�entreprise, le secteur informel p�se entre 40 � 47% de l'�conomie globale. �C'est tr�s grave d'arriver � ce seuil car cela veut dire que l'�conomie risque d'�tre d�finitivement et irr�versiblement gangren�e. Le march� formel risque au contraire d'�tre englouti par l'informel tellement ce dernier est devenu puissant en Alg�rie�, avertit son pr�sident, M. Omar Ramdane. M�me s�il est �tabli que l�activit� �conomique dans le secteur informel affaiblit la productivit� d�un pays et, par cons�quent sa croissance, cette crainte, au demeurant exag�r�e, est d�mentie par un rapport du FMI (*). �La taille du secteur informel n�explique pas la faible densit� des PME en Alg�rie�, estiment ses auteurs qui renvoient � la Banque mondiale pour mesurer sa taille : environ 34% du revenu national brut en 2000, la plus faible parmi les pays du Maghreb. La m�diane de 14 des 16 pays concurrents situ�s en Europe �tait de 32%. La taille moyenne du secteur informel dans les pays de l�OCDE �tait de 18% en 2000. Le rapport de la Banque mondiale sugg�re que les gouvernements et les patrons d�industries puissent jouer �gagnant-gagnant� en travaillant ensemble � simplifier les proc�dures fiscales et � am�liorer la collecte de l�imp�t. Le FMI confirme : parmi les 19 pays compar�s dans le cadre des Indicateurs de la pratique des affaires (IPA) mesurant de mani�re rigoureuse le poids de la r�glementation que doivent supporter les PME nationales, l�Alg�rie occupe la deuxi�me pression fiscale la plus �lev�e, derri�re l�Albanie. Dans une �tude de Taline Koranchelian et Gabriel Sensenbrenner, approuv�e par le d�partement du Moyen-Orient et de l�Asie centrale, le 19 janvier 2006 (*), il rel�ve que �l�imp�t total alg�rien est d�termin� surtout par son taux maximum d�imp�t sur les b�n�fices des soci�t�s (30%), sa taxe professionnelle (2% des ventes), et son taux standard de TVA (17%).� Le nombre de paiements de taxes que les PME doivent effectuer chaque ann�e est �galement plus �lev� en Alg�rie que dans tous les autres pays concurrents. La pression fiscale sur les PME alg�riennes est m�me plus �lev�e par rapport aux pays concurrents lorsque les taux standards de TVA sont soustraits du total des imp�ts devant �tre acquitt�s tel que mesur� par l�IPA. Selon l�IPA, le niveau des taxes et pr�l�vements obligatoires sur la main-d��uvre embauch�e par une PME en Alg�rie est, par ailleurs, plus �lev� qu�en Tunisie ou au Maroc. Exprim�s en pourcentage du salaire brut des employ�s, les frais d�embauche en Alg�rie �taient de 28,5% en 2005. Ils incluent les cotisations de S�curit� sociale (25%), l�imp�t sur la masse salariale (1%) et diverses petites cotisations. L�imp�t sur la masse salariale a �t� r�duit de 6% avant 2000 � 1% en 2005; et aboli en 2006. La double imposition des entrepreneurs � l�imp�t sur les b�n�fices des soci�t�s (l�IBS) et � l�IRG est un autre exemple parmi d�autres. Le Forum des chefs d�entreprise propose depuis d�j� longtemps de r�duire graduellement le taux de l�IBS pour le ramener � un niveau attractif pour l�entreprise. M�me s�il a �t� r�duit de 30 � 25% par la loi de finances compl�mentaire pour 2006, il continue � p�naliser l�environnement macro�conomique dans la perspective cruciale d�un d�veloppement massif de l�investissement. Selon le Forum, comparativement � l�ensemble des recettes fiscales ordinaires, donc hors hydrocarbures (642 milliards de dinars), l�IBS ne repr�senterait pas plus de 11,4%. Au total, une baisse de l�IBS jusqu�au niveau de 10% co�terait au budget de l�Etat moins de 50 milliards de dinars. L�inquisition, le laisser-aller, la phobie de la fraude et les suspicions de corruption ont fini par achever un syst�me fiscal qui, faute d�adaptation, est devenu une s�rieuse menace � l�investissement et � la gestion d�affaires. L'acte citoyen que repr�sente l'�tablissement de sa propre d�claration a, d�s l�ind�pendance, laiss� place � une suspicieuse retenue � la source qui affecte l�imp�t directement dans les caisses de l'Etat L�viathan. Sous pr�texte de simplifier la vie des contribuables et pour rendre l'imp�t le plus indolore possible, on a anesth�si� les citoyens avant d�achever les entreprises. A. B. (*) Fonds mon�taire international : �Alg�rie : questions choisies�, pr�par� par Taline Koranchelian et Gabriel Sensenbrenner (tous deux de MCD), approuv� par le d�partement du Moyen- Orient et de l�Asie centrale, le 19 janvier 2006. (*) Absorb�s par la relecture des utopies d�Owen, nous lui avons attribu� par erreur la paternit� de �1984� et de Big Brother, dans notre derni�re chronique, aux lieu et place de George Orwell, Eric Blair de son vrai nom. Merci aux lecteurs de nous l�avoir signal�.