Est-ce qu�on conna�tra un jour le contenu du rapport Sbih sur la r�forme de l�Etat ? On se rappelle que la commission install�e � cet effet l�avait adopt�, que le pr�sident de la R�publique l�avait officiellement r�ceptionn� et que le Conseil du gouvernement y avait consacr� plusieurs s�ances de travail. Puis, plus rien ! Les Alg�riens n�ont pas encore eu le droit, � ce jour, d�en conna�tre le contenu. Est-ce � dire que les recommandations de la commission n�ont pas fait l�unanimit� au sein du s�rail ? On comprendrait alors que ce rapport ne soit pas rendu public ou bien compte-t-on r�former l�Etat en �catimini� sans que personne sache de quoi il s�agit ? Mais laissons de c�t� ces supputations (l�Alg�rie a de tout temps eu ses secrets) et essayons d�examiner ce que pourrait �tre aujourd�hui une r�forme de l�Etat dans notre pays. Il faut peut-�tre pr�ciser d�j� que, dans son long discours d�orientation prononc� lors de l�installation de la commission Sbih, le pr�sident de la R�publique semblait r�duire la r�forme de l�Etat � une seule r�forme de la Fonction publique et celle des administrations centrales. L�Etat se voyait ainsi �tre r�duit � son centre, et la r�forme de l�Etat � une r�forme administrative du centre. Il s�agirait alors de r�forme �dans� l�Etat. Notre pays, en pleine mutation soci�tale, a pourtant besoin d�une vraie r�forme �de� l�Etat, celle qui red�ploie les missions �tatiques aux diff�rents niveaux o� elles peuvent s�exercer avec efficacit�. Bref, une r�forme de l�Etat qui met � plat la question du �partage du pouvoir�. Quels pouvoirs accorder au centre, mais aussi quels pouvoirs accorder aux collectivit�s locales ? C�est bien d�une nouvelle architecture des pouvoirs publics qu�il s�agit. Or, les r�formes des codes de wilaya et communal ont �t� confi�es au minist�re de l�Int�rieur, ce qui a r�duit les travaux de la commission Sbih, � la seule r�forme des administrations centrales. Il est �vident que des probl�mes de mise en coh�rence des deux d�marches se posent, surtout qu�une question primordiale et pr�alable a �t� �lud�e, celle de l�organisation des pouvoirs publics dont a besoin aujourd�hui notre pays. Il y a donc l� une premi�re difficult�. Plus important encore est de relever qu�une r�forme de l�Etat n�a de sens que si elle s�inscrit dans un projet politique. Et nos dirigeants n�ont � ce jour d�voil� aucun projet politique, en tout cas, pas de projet politique qui aurait fait l�objet d�un consensus social. Alors dans quel sens r�former l�Etat ? De plus, on se rappelle que deux autres commissions ind�pendantes l�une de l�autre et ind�pendantes de la commission Sbih avaient pris en charge la r�forme du syst�me �ducatif et celle de la justice. Or, ce sont bien ces trois domaines qui constituent la cl� de vo�te du projet politique. Quelle �cole pour l�Alg�rie, quelle conception de la justice pour la R�publique et quel Etat pour notre soci�t� : c�est bien cela qui d�finit un projet politique. Tout se passe chez nous comme si nous travaillions � l�envers, ce sont les propositions de r�forme de l�Etat, de l��ducation et de la justice qui d�finiraient le projet politique et non pas l�inverse. En additionnant les trois r�formes, le risque est grand de d�boucher sur un projet politique pour le moins inattendu et contest� par les commanditaires des rapports eux-m�mes. Ce qui semble avoir �t� le cas puisque aucune des trois grandes r�formes qui devaient caract�riser �l��re Bouteflika� n�a connu de suite marquante. Mais revenons � la r�forme de l�Etat. Si celui-ci est bien constitu� par un centre, mais aussi des �chelons r�gionaux et locaux, est-ce que le renforcement de l�Etat comme r�gulateur principal de l��conomie et de la soci�t� ne passe pas n�cessairement par le renforcement de ses d�membrements ? Le d�bat Jacobins-Girondins, non encore clos en France, � ce jour, peut �clairer notre r�forme de l�Etat m�me si notre pays conna�t bien s�r, une situation particuli�re caract�ris�e aujourd�hui par une faiblesse consid�rable des administrations centrales, un sous-encadrement effarant des collectivit�s locales, des disparit�s criantes entre r�gions, entre wilayas et entre communes. Doit-on commencer par enfoncer les administrations centrales ou bien y aurait-il une dialectique � construire �chelon local-�chelon central qui se renforceraient mutuellement, l�efficacit� de l��chelon local r�duisant le fardeau qui p�se sur l��chelon central permettant ainsi � celui-ci de se consacrer aux grandes missions de l�Etat et donc d�y �tre plus performant ? On voit bien que la r�forme de l�Etat est une �grande affaire�. R�former l�Etat demande � l��vidence beaucoup de d�bats et de d�lib�rations. R�former l�architecture des pouvoirs publics, revoir le partage du pouvoir, red�finir les finalit�s de l�action publique, tout cela ne peut se faire sans modification de la loi fondamentale du pays, la Constitution. Il ne s�agit ni plus ni moins que de construire l�ossature de la seconde R�publique alg�rienne. L�enjeu, on le comprend bien , est de premi�re importance et la t�che marquera � n�en pas douter l�histoire de notre pays. Il y a l� assur�ment un vrai projet mobilisateur, remobilisateur, devrions-nous dire, qui permettra � notre soci�t� de se questionner sur son avenir et de se d�gager de l�enlisement s�curitaire et de ce climat d�immobilisme, qui nous frappe depuis plus d�une d�cennie.