Par Zineddine Sekfali, ancien ministre La r�vision constitutionnelle de novembre 2008, annonc�e dans un discours prononc� le 4 juillet 2006 au minist�re de la D�fense, devait s�inscrire, selon les propos m�mes du pr�sident de la R�publique, dans �le processus de r�forme et de modernisation des structures de l�Etat�. En disant cela, le pr�sident faisait allusion, pense-t-on g�n�ralement, aux recommandations de la commission de r�forme des structures et missions de l�Etat, dite commission Sbih cr��e � la fin de l�ann�e 2000, et qui a d�pos� son rapport en juillet 2001. Il pr�cisait que la r�vision constitutionnelle qu�il avait d�cid� d�initier avait pour raison d��tre �la n�cessit� de renforcer davantage les droits et libert�s fondamentales ainsi que le contr�le constitutionnel, d�terminer les contours d�un r�gime politique aux contours clairs, pr�ciser davantage les pr�rogatives et les responsabilit�s, veiller au principe de la s�paration des pouvoirs, mettre fin aux interf�rences entre les pr�rogatives ainsi que l�amalgame entre le r�gime parlementaire et le r�gime pr�sidentiel�. Ayant ainsi balis� l�objet et le contenu de la r�vision voulue, il confiait l��laboration des textes � un comit� form� de hauts cadres de l�Etat et pr�sid� par le pr�sident du Conseil constitutionnel. Deux ann�es apr�s, le Parlement adoptait la loi n�08- 19 du 15/11/2008 portant r�vision de la Constitution. Cette loi fut, sans �tre soumise � un r�f�rendum, directement promulgu�e, le Conseil constitutionnel ayant consid�r� que la r�vision �ne portait pas atteinte aux principes g�n�raux r�gissant la soci�t� alg�rienne, aux droits et libert�s de l�homme et du citoyen, et n�affectait pas les �quilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions�. Rappelons que la r�ponse du Conseil constitutionnel avait intrigu� plus d�un, car le Conseil � � travers son pr�sident � �tait dans ce cas, juge et partie : el laaeb Hmida wa er racham Hmida ! Mais pour revenir au texte adopt�, on se rend compte que les dispositions relatives � l�embl�me et � l�hymne national (art. 5 et 178 in fine), aux droits politiques de la femme (33 bis), � l��criture de l�histoire (62 in fine), quoique importantes en soi, n�ont par contre tr�s peu d�int�r�t pour la plupart des constitutionnalistes aux yeux desquels la Constitution, c�est avant tout le texte qui organise le pouvoir et les institutions. Or, la r�vision de 2008 ne comportait, tout compte fait, que trois dispositions touchant au syst�me politico- institutionnel. Peu nombreuses, celles-ci sont n�anmoins significatives. Il s�agit : - de l�article 73, qui permet au pr�sident de la R�publique de se repr�senter aux �lections pr�sidentielles, autant de fois qu�il le d�sire ; - des articles 77, 79, 80, 85 qui red�finissent, en les restreignant, le r�le et les attributions du Premier ministre, l�appellation �chef de gouvernement� �tant abandonn�e ; - de l�alin�a de l�article 77 qui permet au pr�sident de nommer �un ou plusieurs vice-Premiers ministres pour assister le Premier ministre�. On a par ailleurs remarqu� qu�aucune modification n�a �t� introduite aux articles 98 � 137 relatifs au pouvoir l�gislatif, ni aux articles 138 � 158 relatifs au pouvoir judiciaire, ni aux articles 159 � 173 du titre intitul� �Du contr�le et des institutions consultatives�. Enfin, on constatait que ceux qui, pour une raison ou une autre, s�attendaient � la cr�ation � la faveur de cette r�vision, de la fonction de vice-pr�sident de la R�publique, se sont tous tromp�s. Certains en ont �t�, dit-on, vraiment d�sappoint�s. Il n�est pas sans int�r�t de rappeler que pendant que la commission Sbih, install�e en novembre 2000, r�fl�chissait � une r�forme des structures et des missions de l�Etat que l�on voulait profonde, la question de la r�vision de la Constitution fut l�une des plus d�battues, notamment � travers la presse qui publia de nombreux points de vue, avis, opinions et �tudes. Dans un article de presse publi� en f�vrier 2001, sous le titre �Comment r�concilier la soci�t� et l�Etat ?�, j�avais tent� de participer � ce d�bat, convaincu que l�institution d�une telle commission, f�t-elle nationale, ne pouvait emp�cher et moins encore interdire aux citoyens de formuler leurs points de vue sur ces questions extr�mement importantes et de ce fait propices aux controverses. N�est-ce pas, en fin de compte, aux citoyens-�lecteurs que revient le dernier mot, sur ces questions de ce genre ? On avait alors relev� et beaucoup insist�, en abordant la question de la r�forme administrative, sur la n�cessit� d���laguer� un certain nombre de structures administratives � express�ment cit�es � qui s��taient d�velopp�es, telles des excroissances inutiles, inefficaces et budg�tivores. On formulait le souhait de voir d�gonfler �quelques sin�cures �, fermer les �mangeoires tranquilles � o� s�engraissaient quelques-uns, et ��cheniller les budgets �. On appelait � rationaliser les organigrammes des d�partements minist�riels, qui croissaient de fa�on exponentielle. On semblait en effet avoir oubli� que c�est la fonction qui cr�e l�organe et non le contraire ; on ajoutait par exp�rience que ce n�est pas � la taille de l�organigramme du minist�re qu�il dirige qu�on reconna�t qu�un ministre est �grand ou petit� ; beaucoup savent qu�il y a eu d�importants ministres sans portefeuille et de gigantesques minist�res, avec des ministres potiches. On a, bien entendu, consacr� quelques d�veloppements � la d�centralisation et aux assembl�es �lues des collectivit�s locales. L�Etat, disait-on, est une pyramide dont la base est constitu�e par les collectivit�s locales et qu�on ne saurait, en cons�quence, r�former l�Etat, sans aborder la r�forme des collectivit�s locales. Or, r�former les communes et les wilayas, ce ne peut pas �tre revenir sur la d�centralisation. La cr�ation des collectivit�s locales n�a pas pour but premier de quadriller le territoire et les populations. D�centraliser vise d�abord et avant tout � faire participer le plus grand nombre de citoyens � la prise de d�cision sur les affaires locales qui les concernent directement et � la gestion, dans l�int�r�t g�n�ral, de la chose publique. La d�centralisation n�est pas qu�une technique d�organisation, c�est une institution de la d�mocratie. Dans les pays qui nous ont devanc�s dans ce domaine, on constate que l�on n�a pas trouv� d�autre moyen pour renforcer le sens civique des citoyens, ni d�autre mani�re de les initier � la gestion de la chose publique, et donc de les pr�parer � assumer des fonctions �lectives nationales. La r�forme des collectivit�s locales doit tendre � faire passer nos APC et APW de l��tat d�assembl�es croupions, � celui d�assembl�es d�lib�rantes, inform�es des affaires de la collectivit�, et auxquelles l�organe ex�cutif local doit rendre des comptes. Cette r�forme de fond, exige, disions-nous, que l�on revoie les conditions d��ligibilit� � ces assembl�es, que l�on tranche la question de finances locales en faisant en sorte qu�� chaque comp�tence reconnue ou transf�r�e aux collectivit�s locales, correspondent des ressources financi�res provenant de la fiscalit�, des dotations et des subventions, et enfin que l�on d�finisse et mette en place une politique des ressources humaines privil�giant la qualit� et la comp�tence � la quantit� et � la sous-qualification. Tels �taient, � l��poque, les enjeux et les probl�mes � r�soudre pour la r�ussite, � notre sens, d�une bonne r�forme des collectivit�s locales. S�agissant de la r�forme des institutions, tout en nous r�jouissant qu�on en ait confi� l��tude � une commission compos�e de 70 membres connus pour leur comp�tence et leur professionnalisme � rompant ainsi avec les habitudes de secret et de myst�re dont on entourait ce genre d�initiative � on avait formul� quelques hypoth�ses, en nous appuyant sur des d�clarations faites au d�but de son mandat par le pr�sident de la R�publique, � travers lesquelles il rendait publique sa conception du pouvoir et du r�gime vers lequel allaient ses faveurs. On se rendait compte alors que le pr�sident �tait pour un ex�cutif �monoc�phale� ; de toute �vidence, il pr�f�rait le syst�me pr�sidentiel am�ricain au syst�me fran�ais o� l�ex�cutif est �bic�phale�, puisqu�il y a un chef du gouvernement. On concluait que �si le poste de Premier ministre est maintenu, � la faveur de la r�vision constitutionnelle qui pointait � l�horizon, celui-ci sera �un primus inter pares�, charg� de la coordination des activit�s gouvernementales et du suivi de l�ex�cution des d�cisions�. On ajoutait que l�analogie avec le syst�me am�ricain ne peut pas �tre totale. En nous fondant sur une d�claration, on avan�ait l�id�e qu�il n�y aurait pas de poste de vice-pr�sident. De plus, il paraissait douteux que le Parlement alg�rien se voie reconna�tre les attributions du Parlement am�ricain, c�est-�-dire : un droit de veto sur certaines d�cisions, un droit de regard sur ce que nous appelons �le domaine r�serv� �, en l�occurrence la d�fense nationale et les affaires �trang�res. On avait aussi formul� l�hypoth�se de la suppression du Conseil de la nation, donc une remise en cause du bicam�ralisme ; en contrepartie, il y aurait eu �largissement des attributions du Conseil constitutionnel. Le bicam�ralisme existe toujours mais les SAISINES DU Conseil constitutionnelle se sont multipli�es. Sans triomphalisme aucun, qu�on nous permette d�observer que la r�vision constitutionnelle de 2008 �tait presque pr�visible quant � son contenu. Et voici que, de nouveau, dans une conjoncture politique nationale et r�gionale instable, le pr�sident de la R�publique a annonc�, dans un message solennel � la nation, une nouvelle r�vision constitutionnelle, qu�on avait pris soin de faire pr�c�der � dans une sorte d�habile campagne de communication et de pr�paration de l�opinion publique � de multiples d�clarations faites par les uns et les autres, notamment dans les partis de l�Alliance et quelques partis de l�opposition. Ce discours tr�s important contient de multiples informations sur les grands changements envisag�s ; on ne citera ici que celles qui ont trait aux structures et missions de l�Etat, et � la r�vision constitutionnelle d�sormais en pr�paration. Ces phrases ou membres de phrases sont les suivantes : - mettre en place �un �tat fort capable d'instaurer une plus grande confiance entre l'administration et les citoyens� Un �tat reposant sur une administration comp�tente et cr�dible.� ; - �aller de l'avant dans l'approfondissement du processus d�mocratique, le renforcement des bases de l'�tat de droit� approfondir le processus d�mocratique et � permettre aux citoyens de contribuer davantage aux d�cisions�� ; - �le r�le des diff�rentes assembl�es �lues est un r�le vital qui sera renforc� car ce sont les �lus qui sont en contact direct avec les citoyens et la r�alit� v�cue�� ; - �une d�centralisation plus large et plus efficiente et pour que les citoyens soient mis � contribution dans la prise des d�cisions qui concernent leur quotidien et leur environnement �conomique, social et culturel� ; - �il importe d'accro�tre les pr�rogatives des assembl�es locales �lues et de les doter des moyens humains et mat�riels n�cessaires � l'exercice de leurs pr�rogatives�� ; - �conscient de la responsabilit� qui m'incombe, fort de votre soutien et soucieux de pr�server l'�quilibre des pouvoirs, j'�uvrerai � introduire des amendements l�gislatifs et constitutionnels en vue de renforcer la d�mocratie repr�sentative dans notre pays� ; - �pour couronner cet �difice institutionnel visant � renforcer la d�mocratie, il importe d'introduire les amendements n�cessaires � la Constitution du pays� ; - �j'ai exprim�, � maintes reprises, ma volont� de faire r�viser la Constitution et j'ai r�affirm� cette conviction et cette volont� � plusieurs occasions�. Telle est donc la feuille de route, une route au demeurant bien balis�e, qui a �t� fix�e � la commission constitutionnelle �� laquelle participeront les courants politiques agissants et des experts en droit constitutionnel�, sans doute choisis avec un soin particulier et en fin de compte d�sign�s par le pr�sident de la R�publique. Ce qu�il faut en d�finitive retenir de ce discours du 15 avril 2011, quant aux choix politico-institutionnels qu�il rec�le, c�est apparemment d�abord, l�intangibilit� du syst�me pr�sidentiel, ensuite l�irr�versibilit� de l�ex�cutif monoc�phale, enfin le maintien en l��tat des attributions et pr�rogatives du pouvoir l�gislatif en particulier vis-�-vis du pouvoir ex�cutif. Par contre, au niveau local, il va falloir pour les r�dacteurs des projets de textes induits par ce programme de r�formes, trouver les voies et moyens de renforcer les assembl�es �lues, leur conf�rer de nouvelles attributions, et leur assurer un fonctionnement d�mocratique. Ce ne sera pas ais� car il est rare que les assembl�es locales ne finissent pas par se transformer en chambres d�enregistrement, quand au niveau central l�Ex�cutif est centralis�, omnipr�sent et omnipotent. En effet, les ex�cutifs locaux s�ing�nient quasi automatiquement � imiter le pouvoir central et tendent presque naturellement � ressembler au sommet de la pyramide.