Dans cet entretien (*), le président de l'Assemblée populaire nationale, M.Abdelaziz Ziari, aborde, bien sûr, le fonctionnement de son institution dans le contexte particulier des nombreuses révisions de lois concernées par la réforme annoncée par le Chef de l'Etat. Il ne s'en contente, cependant, pas. Il va plus loin et donne son avis sur plusieurs autres questions d'actualité. Comme sur la situation que connaît actuellement le Monde arabe et qui, à bien des égards, rappelle ce que notre pays a déjà vécu en 1988 au moment où les pays de l'Est de l'Europe étaient confrontés à la chute du Mur de Berlin. Il dit pourquoi il ne voit pas l'utilité d'aller vers une «Constituante» et l'intérêt qu'il y a à garder le régime semi-présidentiel actuel. Il reconnaît les incidences négatives de l'absentéisme des parlementaires et propose des pistes pour y remédier. Il répond avec franchise sur la transparence des travaux de la commission parlementaire qui vient d'être adoptée et sur la corruption qui gangrène le pays... L'Expression: Monsieur le président, comment appréciez-vous, dans le contexte actuel marqué par les événements survenus au Maghreb et dans certains pays arabes, la série de réformes annoncées par le chef de l'Etat? Abdelaziz Ziari: Je voudrais d'abord vous remercier pour l'occasion que vous me donnez de m'exprimer sur ce sujet important et apporter ma modeste contribution pour éclairer l'opinion publique sur les objectifs des réformes annoncées par le chef de l'Etat lors de son dernier discours à la Nation. Commençons par situer ces réformes dans le contexte actuel avec ce qui se passe dans le Monde arabe. Dans ce domaine, nous avons été les précurseurs. D'ailleurs ce qui s'est passé chez nous après 1988 est comparable beaucoup plus à ce qui s'est passé dans les pays de l'Europe de l'Est après la chute du Mur de Berlin. C'était le passage à une nouvelle phase historique qui est celle du pluralisme. Donc, à ce moment-là déjà, nous avons été à l'avant-garde des mouvements que connaît aujourd'hui le Monde arabe. En effet dès la fin des années 1980, nous avons été à l'avant-garde de ce que l'on considère aujourd'hui comme étant des mouvements d'émancipation politique dans les pays arabes. J'espère seulement que ces mouvements d'émancipation dans le Monde arabe ne soient pas détournés de leurs objectifs initiaux. Aussi la situation aujourd'hui en Algérie, n'est pas du tout comparable avec ce que vivent certains pays de la région. Ce sont des faits il ne s'agit pas de langue de bois, mais d'une vérité historique que vous-mêmes aviez vécue en tant que journalistes et responsables d'un journal des plus importants du pays. Aujourd'hui, nous sommes en train d'approfondir le processus démocratique. Une ouverture démocratique faite dans des conditions d'improvisation à l'époque, sans préparation et dans la précipitation qui nous ont valu les dix années tragiques, sanglantes qu'a connues le pays. Cette situation a constitué un frein à l'évolution naturelle de ce processus démocratique. Ensuite, il y a eu la phase de rétablissement de l'autorité de l'Etat et de poursuite de la lutte antiterroriste. Après cela, une période a été consacrée à la stabilisation, à la sécurité et au renforcement des institutions. S'ajoute à toutes ces étapes la réconciliation nationale, qui fait partie des objectifs principaux du président de la République. Nous sommes arrivés aujourd'hui à une conjoncture plus favorable à l'approfondissement et à la poursuite du processus de démocratisation. L'autre aspect important des réformes annoncées par le chef de l'Etat réside dans le fait qu'elles annoncent une nouvelle phase qui s'ouvre après la levée de l'état d'urgence et où le chef de l'Etat a également accordé une grande importance à la nécessaire liberté de la presse. Pour être plus didactique je dirais que les réformes annoncées visent à donner à la représentation populaire, que ce soit au niveau des assemblées locales, de wilaya ou au niveau de l'Assemblée nationale ou du Conseil de la nation, toutes les prérogatives, dans le respect, bien entendu, de l'équilibre des pouvoirs. Il est indispensable que ces espaces de représentation, de médiation et d'intermédiation puissent jouer pleinement leur rôle et assumer conjointement leurs fonctions dans un rapport équilibré. L'Etat ce n'est pas seulement un Exécutif avec son administration. L'Etat, c'est l'ensemble des institutions locales et nationales et l'ensemble des pouvoirs. Je crois que c'est là l'objectif de cet approfondissement du processus démocratique. Les lois à réviser constituent le socle de l'exercice de la démocratie qui s'exprime à travers les partis, à travers le suffrage universel et à travers tous les espaces d'expression. Ce qui a été abordé par le chef de l'Etat est la pierre angulaire de l'édifice démocratique. Le cadre institutionnel a été mis en place. Il s'agit maintenant de cerner ses imperfections et ses manques pour améliorer le fonctionnement de cet édifice afin que le citoyen algérien se sente le mieux représenté possible. Il faut surtout que son choix et ses préoccupations soient pris en charge par ceux dont la mission institutionnelle est de trouver une solution à ses problèmes. Voilà comment je situe l'importance des réformes annoncées. Je ne terminerai pas sans dire qu'il est souhaitable que tout le monde participe à la réflexion et à l'élaboration de ces modifications et améliorations. Le président de la République a été clair à ce sujet. Qu'il s'agisse des partis représentés au sein de ces institutions ou pas, tout le monde est appelé à participer pour parvenir à des décisions qui représentent un consensus minimal. Contrairement à ce que disent certains, il ne s'agit nullement d'une tentative ayant pour but de gagner du temps. C'est une procédure qui est engagée sans une quelconque pression de la rue, mais parce que le moment est venu et que la conjoncture nationale et internationale s'y prête. Une année seulement nous sépare de la fin du mandat de l'Assemblée nationale populaire. Les réformes politiques annoncées par le chef de l'Etat dans son dernier discours à la Nation préfigurent un agenda chargé pour votre institution. Pensez-vous avoir le temps suffisant pour l'honorer dans les meilleures conditions? Je ne partage pas ce point de vue. Le président de la République a répondu clairement. Puisqu'il s'agit de lois, il a dit que nous avons une année encore d'activité pour l'actuelle législature. Les réformes nécessitent des débats, de la concertation et une large consultation. Je vais être plus précis: nous avons le temps car notre souhait est d'arriver, avec l'Exécutif, à faire en sorte que l'ensemble de ces lois soit adopté avant la fin de l'année en cours, les vacances parlementaires ne durant qu'un mois. Personnellement, je ne ménagerai aucun effort pour faire participer l'ensemble des acteurs de la vie politique dans les délais comme annoncé par le Chef de l'Etat. Il faut convaincre certains d'entre eux qu'il s'agit d'un travail d'intérêt national pour le présent et le futur. Il faut s'écarter des jugements préétablis et du refus systématique. Nous souhaitons que cet approfondissement des réformes procède de la volonté des partis et de tous les représentants des citoyens et de la société. Rien n'a été dit sur le contenu, dans la mesure où il résultera du débat et de la participation la plus large. Pour la révision de la Constitution, le chef de l'Etat a dit qu'il pouvait la soumettre aux Algériens par la voie référendaire ou par voie parlementaire. Le Président a parlé d'une commission avec des représentants des partis politiques et des experts en la matière. Il faut peut-être rappeler qu'il s'agit d'une première dans l'histoire de l'Algérie, depuis la Constituante de 1963. Jusque-là, les projets de révision de la Constitution n'étaient pas le fait de travaux d'une commission formellement installée avec la participation des représentants des partis. Dans quel ordre de passage voyez-vous les autres révisions de lois (électorale, des partis politiques, Code de l'information, dépénalisation du délit de presse, etc.)? Les projets peuvent s'effectuer en parallèle. Cela ne se passe pas dans la même commission avec les mêmes acteurs. Commençons à discuter sur le contenu des différentes lois et mettre en place un dispositif qui aboutira à la révision constitutionnelle. Nous nous concerterons avec l'Exécutif pour voir si un certain nombre de ces lois peuvent émaner sous forme de propositions de lois, ou, sous une forme conjointe. Quant à la révision de la Constitution vous savez qu'elle relève de la décision du président de la République qui fixera lui-même l'agenda dans ce cas précis. Ma mission, en tant que président de l'Assemblée populaire nationale, est de veiller, lorsque ces lois seront devant le Parlement, à ce que la consultation la plus large ait lieu avant leur adoption. Y compris avec des partis qui ne siègent pas à l'Assemblée nationale. Concrètement, comment comptez-vous organiser la participation des partis qui ne sont pas dans la représentation nationale? C'est très facile. Les lois sont d'abord étudiées dans des commissions. Il y a au sein de ces commissions des représentants de tous les partis qui sont représentés à l'Assemblée. Il suffira d'inviter les partis qui ne sont pas représentés à l'Assemblée à rejoindre la commission, de développer leur point de vue et de faire leurs propositions. C'est vous dire que sur le plan de la mise en oeuvre, cela ne pose aucun problème pratique au niveau de l'Assemblée. C'est pourquoi nous comptons multiplier les journées parlementaires si nécessaire. Précisément pour faire participer le plus grand nombre possible aux côtés des députés. Ils peuvent être militants de partis non représentés au Parlement; ils peuvent venir d'autres courants, politiques, de la société civile, etc. Et au moment de l'adoption de ces lois? La consultation consiste à prendre en charge toutes les préoccupations. Des recoupements seront nécessaires. De toute manière, on ne va pas inventer un modèle d'exercice de la démocratie uniquement pour l'Algérie. Il y aura des propositions qui seront faites. Prenons l'exemple de la loi électorale, chacun peut avoir une proposition. Tous les pays du monde considèrent que la proportionnelle est la forme la plus démocratique. C'est celle qui permet même à un petit parti d'avoir un député. Je ne crois pas que les petits partis puissent être contre la proportionnelle, sauf s'ils sont tout à fait suicidaires. Le point le plus important est d'oeuvrer pour qu'il n'y ait aucune contestation sur la régularité, la transparence et la légalité des opérations électorales. Que toutes les parties proposent des mécanismes dans ce sens, mécanismes inédits et que nous ne connaissons peut-être pas? Des mécanismes qui, tout en assurant la régularité, la transparence, la légalité et le contrôle dans les élections, viendront également améliorer la loi électorale. Ceci dit, mon souhait est que la formule la plus démocratique soit acceptée. La principale difficulté que j'ai constatée dans l'exercice de cette démocratie et du pluralisme est de faire admettre aux minorités politiques qu'elles sont minoritaires. Mais le suffrage universel est impitoyable. Je précise qu'être minoritaire ne signifie nullement être exclu de la vie politique. Il faut plutôt continuer à participer pour pousser le pays de l'avant plutôt que de chercher comment le bloquer. Que répondez-vous à ceux qui réclament la dissolution de l'actuelle Assemblée nationale et à ceux qui veulent une «Constituante»? Il y une partie qui ne cesse de réclamer la Constituante depuis la fin de la première constituante. D'ailleurs, un certain nombre de revendications deviennent un alibi car on sait qu'elles n'aboutiront pas. Elles ne sont, en réalité, avancées que pour s'opposer. Une Constituante c'est aussi des élections qui doivent se dérouler avec les mêmes partis et dans les mêmes conditions d'élection qu'une Assemblée législative. Nous estimons qu'il n'y a aucune raison d'aller vers une Constituante. Parce que la voix du peuple est plus importante qu'une Constituante. Un référendum donne beaucoup plus de légitimité lorsqu'il s'agit de grands changements constitutionnels que n'importe quelle Constituante qui, elle, n'aboutirait, qu'a une espèce de compromis entre les partis. On choisit la Constituante quand on veut changer de République lors de grands bouleversements et qu'il n'y a plus d'institutions en place. Prenons l'exemple d'un pays que nous connaissons bien: la France. En 1958, elle a changé de République sans opter pour la Constituante. C'est la voie du référendum qui a été choisie. Pour de grands changements, le référendum reste préférable. Ceci dit, il y a des partis qui ont leur point de vue et qui veulent peut-être des changements radicaux de la nature de l'Etat. Nous, pour notre part, nous sommes dans un Etat républicain, pluraliste, stable et on voit les choses sous cet angle-là. Des voix revendiquent un régime parlementaire, d'autres veulent un système présidentiel et certains enfin préfèrent le semi-présidentiel. Quel est votre avis? Mon point de vue sur cette question est celui de mon parti. Nous avons un système semi-présidentiel qui fonctionne avec un pouvoir exécutif fort. Mais il y a une réelle séparation des pouvoirs dans les textes, même si dans la pratique c'est différent. Certains oublient que l'Assemblée nationale a le droit de censurer le gouvernement. Elle a le droit de rejeter un programme du gouvernement. Elle a le droit d'interpeller le gouvernement, d'accepter ou de ne pas accepter des lois. Le vrai système présidentiel est un système différent. Le vrai système présidentiel est celui qui existe aux Etats-Unis ou dans la plupart des pays de l'Amérique latine qui ont une totale et réelle séparation des pouvoirs. Dans une séparation réelle des pouvoirs, l'Assemblée ne censure pas le gouvernement. Elle ne dispose pas de motion de censure pas plus que le président n'a le droit de dissoudre ces Assemblées. C'est cela le régime présidentiel pur. Je ne vois pas aujourd'hui la majorité des députés ou des partis, car c'est la majorité qui décide, opter pour ce type de système qui ne correspond pas à notre réalité. Le système parlementaire peut être, de mon avis, théoriquement séduisant. Mais c'est un système qui risque rapidement de tourner à une espèce d'Etat tribalo-régionaliste où les pressions locales et régionales deviennent prédominantes. N'oublions pas que dans le système présidentiel, le président de la République incarne l'unité de la nation et l'unité du peuple. L'objectif du Président dans ce système semi-présidentiel dans lequel nous sommes, est dans l'avenir de mieux équilibrer le rapport des différents pouvoirs et au besoin d'arbitrer sans changer le modèle institutionnel. Cela permettra à chaque pouvoir de jouer pleinement son rôle, sans s'autocensurer, ni se faire vampiriser par l'autre. Comment expliquez-vous, M. le président, que la quasi-totalité des lois adoptées lors de cette législature émanent du gouvernement et non pas des députés? L'Exécutif n'a-t-il pas la mainmise sur le législatif? C'est l'occasion d'en parler. Dans l'ensemble des pays où ce type de système fonctionne, l'essentiel des lois procèdent des projets du gouvernement. Pourquoi? Le gouvernement a pour mission de mettre en application une politique. C'est le gouvernement qui s'aperçoit des manques et des nécessités des lois dont il a besoin pour exécuter son programme. L'identification de ce qui nécessite une législation procède donc de lui. Mais cela n'empêche pas l'Assemblée d'en faire autant. N'oubliez pas que nous sommes dans une même famille politique. Nous ne sommes pas dans une Assemblée opposée au gouvernement. Nous travaillons ensemble pour le programme de l'Exécutif que l'Assemblée a approuvé. Il y a eu des propositions de lois que nous avons discutées, conformément au règlement intérieur, avec l'Exécutif. Sur ces mêmes propositions, l'Exécutif avait engagé des projets de loi qui s'avèrent plus larges et plus complets que ces propositions de lois. A l'Assemblée, il y a une majorité très stable avec un gouvernement qui en est issu. La paternité des lois n'est pas, donc, l'essentiel pour nous. L'essentiel pour nous est la production des lois et que soit remplie la mission de légiférer. Le vrai problème qui se pose est que beaucoup de lois existent mais ne sont pas mises en oeuvre par l'Exécutif. Il y a un grand nombre de lois qui ont été votées, mais qui attendent, à ce jour, leurs textes d'application. Il y a deux aspects dans cette question: d'abord le besoin de légiférer exprimé, notamment, par le gouvernement qui est sur le terrain et qui s'aperçoit être entravé par telle ou telle loi, ou, même par l'absence de loi; vient ensuite l'exécution de ces lois. Des lois qui déterminent l'avenir de toute une nation ont été adoptées avec juste le quorum exigé. N'y a-t-il pas, M. le président, urgence à lutter contre le phénomène de l'absentéisme des députés? Je partage totalement ce point de vue. Le phénomène de l'absentéisme au Parlement est un problème à résoudre. En ma qualité de président de l'Assemblée, je n'ai de prérogatives que celles fixées par la loi. Je ne dispose pas de moyen spécifique pour obliger les députés à être présents à toutes les séances. Il est vrai qu'il faudra remédier à cette situation. Des propositions existent dans ce sens. J'espère qu'elles seront examinées prochainement. Mais sachez que je ne suis pas à la tête d'une administration, mais à la tête d'une Assemblée nationale. Les députés sont responsables devant leurs partis et devant le peuple. S‘il y a une discipline à mettre en place, il appartient aux partis de le faire. Pour moi, la sanction devrait être celle que doivent prendre les partis au moment de la réélection pour empêcher les députés qui s'absentent de se représenter. S'il m'était possible, j'aurais proposé de supprimer certaines indemnités aux députés absents. Comme par exemple les indemnités de logement ou autres, mais je n'ai pas les moyens légaux pour ce faire. Ce sont des cas qui doivent être prévus dans l'avenir par le règlement intérieur qui est une loi votée par les députés. Ceci dit, le travail essentiel de toutes les assemblées de la planète se passe dans les commissions où se fait le travail de fond. Aussi je considère l'absence des députés dans les commissions comme impardonnable. Par contre, ils s'absentent à l'hémicycle, mais sont présents dans les débats des commissions, cela est moins grave. C'est ce qui est plus important à mon avis. Je dois souligner aussi que les citoyens suivent beaucoup les débats qui sont retransmis en direct par la télévision nationale. Et c'est pour cela que nous avons soumis une proposition au président de la République qui a donné son accord, pour créer une chaîne thématique parlementaire en partenariat avec la télévision algérienne. Il s'agit d'un projet qui est finalisé et qui attend seulement l'aval du gouvernement. Monsieur le président, les Algériens pourront-ils suivre à la télévision les auditions de la commission d'enquête parlementaire qui vient d'être installée? Je ne m'engage que sur les choses sur lesquelles j'ai autorité. J'étais l'un des premiers à vouloir créer cette commission d'enquête. Cette commission doit traiter d'un problème qui est celui de tous les Algériens. Ce n'est pas une affaire dans laquelle on cherche des coupables. C'est un problème national qui a failli déstabiliser notre pays alors qu'il venait à peine de sortir d'une douloureuse tragédie. C'est pour cela que je considère que l'Assemblée nationale doit enquêter. Mais l'Assemblée nationale ne fait pas d'enquêtes administratives, judiciaires ou policières. Elle fait une enquête parlementaire sur une affaire qui aurait pu avoir des conséquences graves. L'objectif de cette commission est de dévoiler toutes les raisons et toute la mécanique qui a abouti à ce désordre dans le commerce de ces produits de première nécessité et de clarifier le rôle ainsi que la responsabilité de tout un chacun. On veut savoir et quand on le saura on le dira. Je suis de ceux qui feront tout pour que les conclusions de cette commission soient rendues publiques et elle se fera dans toute la transparence possible. Pour ce qui est des procédures des auditions, la commission a mandat pour toutes formes d'investigations et personne n'a le droit de refuser de se présenter à ses auditions. Toutes les autorités doivent répondre aux sollicitations de la commission. Sur le plan des techniques propres à toute enquête, la commission peut avoir recours à des experts. L'Assemblée mettra à la disposition de la commission tous les moyens dont celle-ci aura besoin pour bien mener ses investigations. Moi-même j'ai été saisi par des acteurs économiques qui se disent prêts à aider cette commission en lui fournissant tous les éléments en leur possession qui seront nécessaires pour mener à bien l'enquête. Une fois les conclusions établies, s'il s'avère que des mesures législatives ou réglementaires doivent être prises, il faudra les prendre. Ceci dit, les travaux de la commission sont prévus à huis clos. Cependant, et dans la limite de mes attributions, je n'hésiterai pas à faire assister des personnes extérieures à la commission, et je vous promets de le faire, dans le cas, je précise bien, où la publicité des travaux de la commission est autorisée. Et si les faits établis par la commission nécessitent l'intervention du pouvoir judiciaire, le dossier lui sera transmis bien entendu. Mais ce n'est pas à l'Assemblée d'en juger. S'agissant de la corruption, envisagez-vous d'organiser un débat sur ce fléau? Je ne pense pas un seul instant que les responsables de ce pays ne souhaitent pas lutter contre la corruption. Le problème est que la corruption est diverse. Elle se situe à différents niveaux. C'est quelque chose qui s'est largement «démocratisée», compte tenu de ce que nous avons vécu dans les années 1990. La libéralisation a créé des envies, des appétits qui ont incité beaucoup de gens à s'enrichir par tous les moyens, les uns plus illégaux que les autres. En termes de loi, je crois que tous les dispositifs existent. Par ailleurs nous sommes le premier pays en Afrique du Nord à avoir mis en place à l'Assemblée un groupe parlementaire contre la corruption. Cela prouve notre détermination à oeuvrer dans ce sens. Je vous rappelle cependant que les grands dossiers ont été mis à jour par les services de l'Etat. Mais, dans ce phénomène, il y a le corrupteur et le corrompu qui sont les deux acteurs et le problème est l'absence de plainte. Car le corrupteur et le corrompu sont d'accord. La corruption sévit à plusieurs niveaux. Et en particulier ce phénomène a pénétré dans le ser-vice public: ça commence par le simple fonctionnaire qui a «privatisé» le service public. Mais il existe d'autres niveaux bien sûr. On a procédé plusieurs fois à la révision du Code des marchés publics. Si on l'a fait autant de fois, c'est qu'à chaque fois apparaissent des aspects à revoir, car malheureusement, la corruption se fait le plus souvent au détriment des deniers publics, et, il ne faut pas se faire d'illusions, plus le secteur public s'élargit, plus cela favorise les tentations de corruption. C'est pour cela que je suis de ceux qui pensent que le secteur public en matière économique doit avoir une dimension limitée à ce qui a un caractère vital et stratégique pour le pays. Des juristes pensent qu'une bonne partie de la solution se trouve dans la loi. Pour eux, tant que le corrupteur et le corrompu sont tous deux pénalement poursuivis, on ne viendra jamais à bout du fléau... Si on applique à la corruption, ce qui a été fait dans certains pays pour les repentis dans le droit commun, c'est-à-dire accorder au corrupteur l'avantage du repenti qui bénéficie de l'immunité pour, effectivement, l'encourager à alerter les autorités, pourquoi pas? C'est une formule qui faudra inclure dans le droit algérien et l'adapter. Cela fait partie des principes de base qu'il faut peut-être remanier. Moi je suis d'accord pour cela, étant quelqu'un qui est férocement contre la corruption. Je ne suis pas contre cette formule, pourvu qu'elle ne devienne pas une porte ouverte à des règlements de compte et à des accusations gratuites. (*) L'entretien a été réalisé avant le Conseil des ministres de lundi dernier Interview réalisée par Ahmed FATTANI, Zouhir MEBARKI et Tahar FATTANI