Le gouvernement refuse d�accorder des faveurs aux banques islamiques. Jeudi 11 janvier 2007, l�Assembl�e populaire nationale (APN), r�unie en s�ance pl�ni�re consacr�e aux questions orales destin�es aux membres du gouvernement, avait interpell� le ministre des Finances, M. Mourad Medelci, sur le traitement qu�il leur r�serve. M. Medelci avait rappel� que l�ordonnance n�03- 11 relative � la monnaie et au cr�dit, qui organise la constitution et le fonctionnement des banques et �tablissements financiers dans notre pays, ne comporte pas des conditions sp�cifiques pour les banques islamiques. Les banques d�sirant exercer en Alg�rie devront donc se conformer � cette loi mais elles pourront, si elles le souhaitent, placer sur le march� des produits financiers islamiques. Toutefois, ajoute M. Medelci, ces banques resteront soumises aux r�gles prudentielles en vigueur. Le ministre a �t� cat�gorique en affirmant qu�il �tait exclu que des mesures pr�f�rentielles sp�cifiques � ce type d��tablissements soient prises. Bulle sp�culative passag�re, donc ph�nom�ne de mode li� au r�chauffement des pratiques religieuses ou r�orientation durable des pratiques et usages financiers dans nos soci�t�s, la finance islamique revient partout au premier plan de l�actualit�. La baisse g�n�rale des taux des int�r�ts contraint les banques � relever leurs frais bancaires et � lancer de nouveaux produits et services parmi lesquels la finance islamique. D�autres consid�rations commandent le boom de la finance islamique �valu�e � un peu plus de 300 milliards de dollars � fin 2005 : il date du rapatriement des fonds moyen-orientaux vers leur pays d�origine, suite aux �v�nements du 11 septembre 2001, de peur de passer � la trappe de la justice occidentale dans sa lutte contre les mouvements terroristes d�ob�dience wahhabite, avec le transfert ou de rapatriement de l�activit� boursi�re vers la r�gion. La capitalisation boursi�re du march� saoudien a �t� multipli�e par 10 durant les 5 derni�res ann�es. Le mouvement est �galement d�multipli� par la flamb�e du baril, qui a fait exploser les liquidit�s et les �conomies des pays p�troliers, dans un contexte d�in�galit�s sociales flagrantes. Fin 2004, on d�nombrait au Moyen-Orient plus de 300 000 riches, avec une fortune cumul�e de 1 000 milliards de dollars. Ce � quoi s�ajoutent les pharaoniques et m�ga-m�galo projets d'infrastructures et de BTP. La finance islamique moderne, n�e dans les ann�es 1960 en Egypte, puis 1970 � Duba�, cesse d��tre une niche de march� exotique et peu comp�titive. Sa particularit� tient � l��mission d�obligations sans taux d'int�r�t, ou sukuk. Le Coran bannit l'usure, � laquelle il pr�f�re le partage des profits et des pertes. Mais il condamne aussi toute forme d'incertitude et de sp�culation, ainsi que l'investissement dans les secteurs impurs : armes, alcool, porc, jeux d'argent, pornographie. Les sukuk repr�sentent 81% des nouvelles �missions d'emprunts dans le Golfe au premier semestre 2006, contre 25% l'ann�e pr�c�dente. Lanc�s par des gouvernements ou des entreprises, ces titres sont tr�s attractifs pour les �pargnants et les sp�culateurs, et sont tr�s lucratifs pour les banques. Arriv� aujourd'hui � maturit� juridique, ce march� ne semble pourtant qu�� ses balbutiements en termes de potentiel de croissance. Les banques occidentales ne s'y sont d'ailleurs pas tromp�es en investissant massivement le produit au Moyen-Orient qui concentre aujourd'hui la majeure partie de ce march� : 250 milliards de dollars, contre 60 milliards pour l�Asie du Sud et 5 milliards pour l�Europe. Une tendance appel�e � s�inverser : les experts financiers refusent de croire que les march�s islamiques les plus prometteurs soient r�ellement dans le monde arabe. Selon cette logique, l'Europe repr�sente un march� bancaire islamique potentiel plus important que l'Iran ou que la Turquie. Malgr� les doutes qui p�sent sur elle, la demande de produits financiers islamiques explose partout. L'anglais Lloyds TSB vient ainsi de cr�er un compte pour les �tudiants de confession musulmane en Grande- Bretagne, et le Land allemand de Saxe a �mis r�cemment des obligations islamiques. L'id�e, chez Lloyds TSB, est de �mieux servir� les 2 millions de musulmans du pays. Bien que les d�p�ts des sujets musulmans de Sa Majest� ne donnent pas lieu au versement d'int�r�ts et Lloyds TSB pr�voit de les investir exclusivement dans des produits et des activit�s �halal�, les �tudes montrent que, � co�t �quivalent, 70% d'entre eux opteraient pour la finance islamique. Lloyds n'est pas la premi�re banque de d�tail britannique � �islamiser� ses services. D�s 2003, la Hong Kong & Shanghai Bank ouvrait en Grande-Bretagne une branche islamique, forte de 21 agences sur le territoire. Depuis son lancement, 2 500 comptes bancaires islamiques ont �t� ouverts et l�activit� a cr� de 35% sur les douze derniers mois. A Londres, la d�cision de favoriser le d�veloppement de la finance islamique �mane du gouvernement luim�me; le 13 juin dernier, Gordon Brown, chancelier de l'Echiquier et candidat � la succession de Tony Blair, a m�me expliqu� qu'il ambitionnait de faire de Londres �le portail occidental� de la finance islamique. Les r�gulateurs ont suivi, supprimant la double taxation qui handicapait jusque-l� l'emprunt hypoth�caire islamique. Du c�t� des op�rateurs fran�ais, le Cr�dit agricole a cr�� une unit� de banque islamique � Bahre�n en 2004 o� il r�alise des transactions sp�cifiquement islamiques tout comme le si�ge de la division islamique de BNP Paribas et la Soci�t� G�n�rale qui vient de se lancer dans cette activit�, via sa filiale Fimat. L�enjeu : les 4 � 5 millions de musulmans que compte l�Hexagone et, audel�, les faramineux exc�dents p�troliers. Est-ce � dire que l�Europe est plus prompte � se conformer � la Charia que nous ? Peut-�tre bien que oui, non par affection pour les musulmans mais amour sans faille pour leurs capitaux. Nos banques connaissent un retard �vident et confirm� par moult proc�s en mati�re de transparence et de gouvernance, ce qui handicape leur d�veloppement. Autre difficult� : les normes comptables islamiques sont tr�s h�t�rog�nes. Le manque d'unit� dans les principes de la finance islamique freine leur d�veloppement : l'Extr�me-Orient est ainsi traditionnellement plus lib�ral en mati�re bancaire que les pays du Golfe. Comme on peut le constater, non sans une certaine amertume, le torpillage du projet d'extension de la finance islamique provient de son terroir m�me parce que son fondement juridique est triplement �clat�. Primo : il n'existe donc pas une finance islamique... mais des finances islamiques. En Egypte, l'universit� d'Al-Azhar a �dict� une fatwa d�clarant que l'int�r�t �tait parfaitement licite pour l'Islam, tandis que le sultanat d'Oman a tout simplement interdit la finance islamique. Il en r�sulte une sorte de fragmentation du produit de la finance islamique : con�u en Malaisie, il est invendable en Arabie saoudite, beaucoup plus orthodoxe. Secundo : l�absence de march� mondial pour ce syst�me financier, encore parall�le, fait que deux centres n�vralgiques veillent � sa r�gulation, le premier � Kuala Lumpur qui regroupe les autorit�s financi�res des pays concern�s, et le second � Bahre�n pour la gouvernance. Tertio : comme pour la viande, la certification �halal� n�est pas indemne de toutes sortes de sp�culations qui n�ont rien � voir avec les sourates du Coran. Le travail d'interpr�tation revient � des �conseils de la Charia�, compos�s de th�ologiens islamiques r�put�s, qui sont aussi souvent dipl�m�s d'�conomie. Seuls ces arbitres supr�mes � recrut�s et fort bien r�mun�r�s par chaque �tablissement financier � peuvent �mettre des fatwas autorisant l'introduction en Bourse pr�par�e par Citigroup, l'emprunt hypoth�caire concoct� par la Lloyds ou l'�mission obligataire dirig�e par HSBC. Ces oul�mas, th�ologiens de la finance, ne sont aujourd�hui qu'une petite vingtaine sur la plan�te, dont la plupart � une douzaine � parlent parfaitement anglais. Chacun d'entre eux si�ge au conseil de nombreuses banques et ils ne sont pas pr�ts � partager leur pouvoir. Ainsi, le label �halal� de Deutsche Bank est le fait du pr�sident de son Charia Board, Sheikh Hussein Hamid Hassan, 73 ans, un peu consid�r� comme le grand-p�re de la finance islamique. Il est ainsi difficile de rattacher l�essor de la finance islamique � un regain de religiosit�, comme en t�moigne le r�chauffement sp�culatif boursier enregistr� dans les pays du Golfe l�an dernier et que seule une hausse in�dite et inattendue des cours p�troliers a pu cacher � la face du monde. En effet, les 400 milliards de dollars perdus en 2006 par les bourses saoudienne et �miratie, du fait de placements sp�culatifs, au d�triment de l�investissement, d�passeraient les montants des produits financiers d�velopp�s dans le prolongement des recommandations divines. Ces pertes t�moignent de l�app�t du gain qui enrobe certaines pratiques religieuses r�put�es rigoristes. L�argent n�a pas d�odeur et aucune voie du Seigneur ne semble lui �tre imp�n�trable.