Pourquoi faites-vous partir votre probl�matique de l�ann�e 1870 ? Cette date justifie le titre de l�ouvrage. Il y a bien eu le moment r�publicain de la IIe R�publique, en 1848, qui a eu en Alg�rie un effet assimilateur, administratif en cr�ant les d�partements alg�riens, suivi de manifestations r�publicaines chez les petits blancs. Mais l�essentiel du livre porte sur la r�publique et les indig�nes, c'est-�-dire principalement sur la IIIe R�publique dans son action coloniale. Or, la IIIe R�publique a �t� r�publicaine � gauche de m�me qu�elle a �t� l�Etat colonisateur fran�ais. C�est elle qui a �t� responsable de la politique alg�rienne � la fois par le gouverneur g�n�ral qu�elle d�signait et par toute l�administration en place, tr�s souvent des hommes choisis par des r�publicains fran�ais li�s par des r�seaux de solidarit�, y compris des r�seaux de franc-ma�onnerie, et par des liens de partis qu�ils soient radicaux ou socialistes. Il y a donc une pesanteur particuli�re, r�publicaine dans la politique coloniale de l�Alg�rie. Ce qui redouble cet exemple alg�rien, c�est que cette IIIe R�publique s�affiche comme repr�sentant la mission de la France dans le monde, une mission au nom des droits de l�homme. Or, elle n�applique ni en Alg�rie ni ailleurs l��galit� dans la citoyennet�. Elle ne respecte pas les droits de l�homme. La IIIe R�publique a �tabli le Code de l�indig�nat qui dispose de mesures polici�res, punitives permettant aux colons d�ex�cuter l�arbitraire en Alg�rie. Jamais la IIIe R�publique n�a supprim� ce code, pas m�me sous la p�riode du Front populaire. Il fut supprim� en 1944 parce que l�on ne pouvait pas faire autrement. Telle est donc cette forte particularit� que l�on retrouve notamment chez les instituteurs r�publicains : la coexistence d�un discours des droits de l�homme et l�in�galit� des indig�nes. Quelle est la gen�se du terme indig�ne appliqu� aux Alg�riens ? Le terme indig�ne est employ� dans les colonies, non en France, ni dans les m�tropoles mais pratiquement dans toutes les colonies de langue anglaise et plus encore n�erlandaise qui ont constitu� les mod�les de la politique indig�ne. Le gouvernement g�n�ral de l�Indon�sie, que l�on appelait les Indes n�erlandaises, a invent� le gouvernement g�n�ral, l�arm�e indig�ne, les villages et les chefs indig�nes. Ce n�est donc pas sp�cifique � l�Alg�rie. Ce qui est propre � la France, c�est qu�en 1834, les anciens sujets ottomans sont devenus sujets fran�ais indig�nes. On a employ� cette formule pour indiquer qu�ils �taient fran�ais, dans la souverainet� fran�aise, mais qu�ils �taient sans voix comme des sujets colonis�s. Indig�ne signifie appartenant au pays et, parce que vous appartenez au pays, vous n�avez pas de droits, vous appartenez � la population inf�rieure qui a �t� conquise. Donc les anciens sujets ottomans sont devenus des sujets fran�ais indig�nes. Cette distinction entre indig�nes et ceux qui, eux-m�mes, se nommaient europ�ens, est rest�e jusqu�� la fin de l�histoire coloniale, m�me si les Europ�ens �taient pratiquement tous devenus fran�ais tandis que les indig�nes �taient rest�s des indig�nes hormis les quelques milliers qui avaient renonc� au statut personnel. L�histoire coloniale consistait donc bien � maintenir les colonies sous l�inf�riorit� de la condition indig�ne. La fronti�re coloniale est une fronti�re infranchissable, � la fois en tant qu�institution et en tant que fronti�re mentale s�parant les indig�nes musulmans des Europ�ens fran�ais en Alg�rie, et les Fran�ais des Nord-Africains en France. Cette fronti�re a-t-elle �t� franchie par la gauche ? Quelle gauche et quand ? La fronti�re est celle de l�in�galit� entre les citoyens fran�ais qui ont l�exercice du vote et la pr�sence au sein des institutions, et ceux qui sont assign�s � la condition d�indig�ne et qui, � la suite de la naturalisation � on devrait dire de la nationalisation fran�aise des juifs d�Alg�rie en 1870 � sont uniquement de statut musulman. Donc, apr�s 1870, il y a conjonction indig�nes- musulmans. Les indig�nes musulmans sont pr�cis�ment la d�finition de l�inf�riorit� en situation coloniale de l�Alg�rie. On ne peut pas dire, la gauche a franchi cette fronti�re, mais parmi les courants de gauche, plus on s�approche de la gauche la plus militante, y compris � l�int�rieur du Parti socialiste, plus on s�approche de l�extr�me gauche, libertaire, anarchiste, ou celle qui deviendra communiste, plus on trouve des gens qui ont franchi la fronti�re coloniale. Ce qui signifie qu�ils ont milit� en toute camaraderie, ou qu�ils ont particip� � toutes les luttes aux c�t�s des Alg�riens. Il s�agit donc d�un ph�nom�ne d�extr�me gauche militante, d�ailleurs plus fr�quent dans le mouvement syndical � � la CGTU dans les ann�es 1920 puis � la CGT � que dans les partis politiques. Seuls les militants les plus conscients politiquement se sont d�barrass�s de la fronti�re coloniale. Par contre, la fronti�re coloniale est assez bien surmont�e � l�int�rieur des luttes conduites par le mouvement syndical. Un chapitre important de votre ouvrage est celui qui nous m�ne aux origines du socialisme colonial. On observe une �volution du socialisme colonial depuis l�extr�misme du populisme colonial r�publicain (1848) jusqu�� une sorte de socialisme anti-juif, en passant par la trompeuse �Commune d�Alger�. Qu�est-ce que le socialisme colonial ? Les id�es socialistes ont eu prise en Alg�rie par les petits colons, ceux que l�on appelle les petits blancs et qui sont souvent des colons manqu�s, soit qu�ils ont abandonn� leur ferme, soit des ouvriers ou des ouvri�res employ�s en ville. Ils sont les porteurs de ce socialisme que j�appelle colonial. Pourquoi colonial ? Parce que, sauf exception, ils ne remettent pas en cause la colonisation et ne r�clament pas l�ind�pendance de l�Alg�rie, si ce n�est l�ind�pendance pour eux-m�mes qui s�appellent alg�riens. C�est un socialisme colonial car ils se croient anticolonialistes alors qu�ils sont anti-colons, oppos�s avec force et virulence aux gros colons, ces f�odaux, ces ma�tres des terres, ceux qui font suer le burnous. Ce socialisme colonial est essentiellement du populisme, les petits contre les gros. Ce sont eux qui ont diffus�, en Alg�rie, le mot paria. D�ailleurs, pendant la guerre d�Alg�rie, on a pu lire sur les murs : OAS, c�est nous les parias. Ce socialisme colonial est, ce que l�on nomme en sociologie, le socialisme des petits blancs, un terme venu des soci�t�s coloniales d�Am�rique. La question qui s�est pos�e � la fin du XIXe si�cle est celle de la lutte entre les citoyens fran�ais, qui n��taient pas les plus nombreux dans le peuplement, et les citoyens juifs devenus fran�ais, une trentaine de milliers, � peine un quart d��lecteurs, un maire � cette �poque pouvant �tre �lu avec quelques dizaines, voire quelques centaines de voix. Il y a donc eu un probl�me de vote, de concurrence et de lutte politique tr�s fort, si bien que ce populisme �anti-gros� s�est mu� en populisme anti-juif. A la fin du XIXe si�cle, la commune de Mustapha, situ�e au-dessus d�Alger, a �t� dirig�e par un maire qui se disait socialiste anti-juif. Il y a eu un d�ferlement d�anti-s�mitisme � on disait � l��poque anti-juif � auquel le socialisme des petits blancs a contribu�. La rupture s�est op�r�e apr�s 1900. Les coloniaux re�oivent alors ce que l�on appelle les D�l�gations financi�res, une raison pour ne jamais aller jusqu�� l�ind�pendance coloniale. Ces coloniaux vont continuer � �tre racistes et anti-juifs, un anti-s�mitisme europ�en qui s�exprimera tr�s fortement sous la p�riode de Vichy. Les socialistes, � l�exemple de Jaur�s qui s��tait montr� tr�s sensible aux id�es anti-juives de son ami Viviani, ont rompu avec tout anti-s�mitisme apr�s l�affaire Dreyfus. Donc, au XXe si�cle, on ne peut accuser ni les socialistes, ni les communistes, ni les militants de gauche de continuer le socialisme anti-juif. Il y a rupture tr�s nette au lendemain de l�affaire Dreyfus. D�s ce moment, les socialistes, qui vont fonder le parti qui s�appellera la SFIO, d�noncent le racisme et d�veloppent une th�orie que l�on nomme, � mon avis un peu abusivement, assimilationniste. C�est l�id�e de la fraternit� des races. Ce qui est ambivalent car si l�id�e est int�ressante, encore qu�il y ait le mot race, cette fraternit� des races ne va pas modifier la condition d�indig�ne. Telle est la contradiction de la fronti�re coloniale. Apr�s la Premi�re Guerre mondiale, on assiste � la naissance du communisme fran�ais, puis des premi�res organisations nationalistes alg�riennes. Cette naissance, en faisant �merger des cadres indig�nes, a-t-elle fait bouger les lignes � l�int�rieur du socialisme colonial ? Apr�s la Premi�re Guerre mondiale qui comporte la r�volution bolchevique et la naissance du mouvement communiste, l�id�e qui se r�pand dans le monde, y compris, � travers les discours du pr�sident des Etats- Unis Wilson, c�est que les peuples ont le droit de disposer d�eux-m�mes. C�est le d�but de la mont�e des mouvements que l�on appellera ensuite de lib�ration nationale � � cette �poque on disait mouvement d�ind�pendance ou mouvement du droit des peuples �. Ce mouvement oblige la gauche socialiste � prendre position. Apr�s la cr�ation du Parti communiste en France comme ailleurs, en 1920, la gauche va se s�parer, de m�me que les syndicats en Alg�rie et en France, entre la CGT et la CGTU (Conf�d�ration g�n�rale du travail unitaire) par rapport � la r�volution bolchevique et � l�ind�pendance des colonies. L�ind�pendance des colonies �tait l�une des r�solutions obligatoires dans l�adh�sion � l�Internationale communiste. Maxime Guillon, le fondateur du syndicalisme en Alg�rie, instituteur et conseiller municipal de Sidi-Bel-Abb�s a �lev� une protestation � la motion de Sidi-Bel-Abb�s � contre l�obligation de lutter pour l�ind�pendance des colonies, pr�textant que c��tait aux coloniaux de savoir ce qu�ils avaient � faire vis-�-vis des colonis�s qui �taient, disait-il, dans une condition tellement inf�rieure, tellement arri�r�e qu�ils ne pouvaient absolument pas penser � l�ind�pendance. L�Internationale communiste a d�nonc� la motion de Sidi-Bel- Abb�s comme une motion raciste. Le partage va s�op�rer entre les socialistes r�publicains qui ne pensent qu�� des r�formes mais � l�int�rieur du r�gime colonial, se lamentant sur les occasions perdues, et les syndicalistes communistes qui d�fendent l�id�e d�ind�pendance en collaboration avec l�Etoile nordafricaine qui a �t� cr��e dans l�immigration en France en 1926 et qui soutient l�id�e d�ind�pendance. Sous le Front populaire, les mots d�ordre deviennent ambivalents car on est � la fois membre des comit�s de Front populaire qui ne pr�conisent que des r�formes restreintes comme le projet Blum-Violette qui aurait fait une vingtaine de milliers de citoyens fran�ais en plus, et le courant qui comprend � la fois les communistes, les oul�mas et les r�publicains ou les r�formistes alg�riens qui conduisent au Congr�s musulman qui s�est tenu � Alger en 1936 et 1937. A partir de 1937- 1938, la r�pression des colons et du gouvernement fran�ais est telle que l�on comprend que la r�forme coloniale est impossible, que le syst�me colonial est le plus fort et que la solution est l�ind�pendance. Cette terrible r�pression pr�c�de la p�riode de Vichy, elle-m�me p�riode de r�pression. En quoi la participation des soldats alg�riens � la Premi�re puis � la Seconde Guerres mondiales aboutit-elle � la fracture de mai 1945 ? Je voudrais faire une distinction entre la longue histoire de l�arm�e indig�ne et Mai 1945. Toutes les m�tropoles coloniales ont constitu� des arm�es indig�nes. La plus c�l�bre, c�est l�arm�e arabe constitu�e par l�Empire britannique, � l�origine de la Ligue arabe. Toutes les puissances coloniales ont donc mobilis� des indig�nes en plus grand nombre que les conscrits coloniaux. Ces arm�es indig�nes �taient employ�es dans d�autres colonies : les troupes d�Afrique noire pour la r�pression en Alg�rie, les r�giments alg�riens indig�nes contre les Marocains pendant la Guerre du Rif. Durant la Premi�re guerre mondiale, l�arm�e fran�aise a mobilis� �norm�ment de soldats indig�nes. 120 000 sont venus en France et 80 000 travailleurs coloniaux ont �t� r�quisitionn�s. Il y a donc environ 200 000 jeunes Alg�riens, parfois tr�s jeunes, qui sont venus en France. A cette �poque, la France ne connaissait pas le racisme colonial tel qu�il existait en Alg�rie. Ceux que l�on appelait les soldats nord-africains �taient re�us dans des familles fran�aises. C�est le d�but de l�immigration alg�rienne en France qui peu � peu va subir le racisme, la fronti�re coloniale � l�int�rieur de la France. Certains sont devenus responsables syndicaux et m�me conseillers municipaux dans des municipalit�s communistes, ce qui n�a pas emp�ch� le racisme de se d�velopper, d�signant les Nord- Africains comme des indig�nes mena�ant la race fran�aise. On ne disait pas l�identit� nationale mais l��crivain Jean Giraudoux avait demand� en 1939 un �minist�re de la race�, sous-entendu fran�aise. Il faut donc �tre mod�r� dans la c�l�bration de la participation des troupes indig�nes y compris � la Seconde Guerre mondiale qui est celle de la lib�ration de l�occupation italienne et allemande par la campagne d�Italie et la campagne de France. Cette lib�ration s�est faite au nom de la lib�ration nationale de la France. L� est le quiproquo car pour des Fran�ais, lib�ration nationale signifie lib�rer la France, et en Alg�rie, pour les Alg�riens, pourquoi pas lib�ration de l�Alg�rie ? On ne peut expliquer la vivacit� de la rupture de 1945 avec l�id�e d�ind�pendance de l�Alg�rie, si l�on ne restitue pas l�impact de ce mot de lib�ration nationale. Pour les soldats de l�arm�e fran�aise, cela voulait dire lib�ration nationale de la France. Pour le mouvement politique comme le PPA, qui deviendra PPA-MTLD, lib�ration nationale signifie lib�ration nationale de l�Alg�rie. C�est la grande coupure. La p�riode d�incubation nationaliste de neuf ans (entre 1945 et 1954) est une p�riode de ruptures d�une part, entre le mouvement communiste et le mouvement national, d�autre part, � l�int�rieur m�me du mouvement national, tout cela ayant des cons�quences sur le plan syndical. Au PCA, � la CGT y avait-il encore la notion d�indig�ne ? C�est une question difficile car il faut distinguer trois choses. Tout d�abord, il y a un grand contentieux entre le mouvement nationaliste dirig� par Messali, de l�Etoile nord-africaine au PPA ou MTLD, et le Parti communiste devenu Parti communiste alg�rien. Ce contentieux est tr�s fort. Il se manifeste d�s l��poque du Front populaire qui ne d�fend pas le projet Blum-Violette, qui n�abolit pas le Code de l�indig�nat. Il se manifeste encore plus ouvertement en 1945 et il ne cessera pas quelle que soit l�importance de la crise du MTLD d�une part, que l�on appelle crise berb�riste en 1949, et de la crise du MTLD apr�s 1951, 1952 qui fait que des militants intellectuels abandonnent le MTLD. Il y a eu des transferts dans le PCA qui a donn� naissance � l�action du PCA pour une �Alg�rie alg�rienne� faite d�Alg�riens qui se reconnaissent comme citoyens alg�riens quelle que soit leur origine ou leur religion. Ensuite, la fronti�re coloniale est davantage franchie sur les lieux de travail qu�elle ne l�est dans l�habitat par exemple. La CGT, jusqu�en 1956 � l�UGTA n�est cr��e qu�en 1956 � fonctionne comme une maison commune accueillant � la fois les communistes, les nationalistes, les sans partis. Ceux qui abandonnent alors la CGT, ce sont les Fran�ais. Ils refusent que la CGT revendique les ind�pendances. Il y a l� un exemple de d�passement de la fronti�re coloniale et une sorte d�Alg�rie alg�rienne r�alis�e, pour une part, � l�int�rieur de la CGT, et un certain noyau notamment intellectuel, qui a opt� pour la nationalit� alg�rienne. Enfin, �tant donn� la violence de la r�pression, les massacres, la torture, la dur�e de la guerre, rares sont ceux qui sont demeur�s des partisans et des militants de l�Alg�rie alg�rienne en dehors des origines et des religions. La guerre d�ind�pendance a boulevers� les rep�res coloniaux en Alg�rie, en faisant �merger comme acteur principal de l�ind�pendance un parti nationaliste dirig� par des indig�nes. Cette configuration du conflit politique a-t-elle laiss� des s�quelles sur la perception de l�Alg�rie ind�pendante en France ? Cela laisse bien plus que des s�quelles. Les cons�quences sont encore structurantes en Alg�rie et en France. En Alg�rie parce que la force de cette fronti�re coloniale, la force dans la discrimination dans l�in�galit� des indig�nes ont fait qu�ils se sont revendiqu�s comme ils �taient d�finis par la colonisation, c'est-�-dire comme des musulmans. La r�sistance a int�rioris� l�id�e selon laquelle �nous sommes des musulmans �. On voit le r�sultat, aujourd�hui, au Maghreb o� il n�y a plus que des nationaux musulmans. En ce sens-l�, la colonisation a gagn�. Il faut maintenant d�coloniser le statut musulman. Le chaos dans le monde entier, de l�Indon�sie au Proche- Orient en passant par l�Afghanistan, est un chaos qui vient de la colonisation, c'est-�-dire que des fronti�res religieuses, des fronti�res ethniques cr��es par la colonisation font les guerres d�aujourd�hui. Ce sont des guerres port�es par les fronti�res et les conflits que la colonisation a fabriqu�s pour que les colonis�s ne deviennent pas des citoyens, n�acc�dent pas aux droits civiques, aux droits politiques. Y compris les fronti�res mentales. Toutes ces identifications sont int�rioris�es. Sauf que certains franchissent cette fronti�re par des courants ou des expressions intellectuelles, culturelles, en Alg�rie, au Maghreb et dans l��migration qui donne naissance aujourd�hui � une diaspora culturelle post-coloniale. En Angleterre, elle s�exprime en langue anglaise, celle de l�ancien empire fran�ais, en langue fran�aise. Elle donne une litt�rature qui n�est plus une litt�rature fran�aise et qui n�est pas une litt�rature alg�rienne au sens nationaliste du mot. Un manifeste qui vient d��tre publi�, parle d�une �litt�rature-monde� en langue fran�aise, ce qui n�est pas la francophonie. Il y a, dans la dur�e, � la fois enfermement dans l�ancien statut colonial, fut-ce pour des raisons de r�sistance, et d�passement de cette condition assign�e par la colonisation, d�passement de la fronti�re coloniale pour aller vers une sorte de mixit� intellectuelle et culturelle qui appartient au pluralisme d�aujourd�hui. Propos recueillis par Meriem Nour et Bachir Agou Bio de Ren� Gallissot Ren� Gallissot est un historien de terrain. Arriv� au Maroc en 1955 pour les besoins de sa th�se sur le patronat europ�en durant le protectorat, on le retrouve � l�universit� d�Alger en 1962 o� il enseignera jusqu�en 1967. Cette m�me ann�e, il rentre � Paris pour int�grer la Sorbonne. Intellectuel tr�s �cout�, il participe au mouvement contestataire de Mai 68, puis passe par l�Universit� de Vincennes bient�t reconvertie en Universit� de Paris VIII Saint- Denis o� il implantera l�Institut Maghreb-Europe. Il est aujourd�hui professeur �m�rite � l�Universit� de Paris VIII. Il a dirig� l�ouvrage, Mouvement ouvrier, communisme et nationalisme dans le monde arabe, paru aux Editions de l�Atelier en 1978. Il est directeur de la s�rie Maghreb du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (Le Maitron) et vient de publier Alg�rie : engagements sociaux et question nationale. De la colonisation � l�ind�pendance (1830-1962) aux Editions de l�Atelier, une biographie de pr�s de 500 militants qui ont marqu� l�Alg�rie durant cette p�riode.