La ville de S�tif fait sa mue pour accueillir le pr�sident de la R�publique. L'arriv�e imminente du pr�sident Abdelaziz Bouteflika met la capitale des Hauts-Plateaux en �bullition. Les pr�paratifs pour bien accueillir le chef de l'Etat et la d�l�gation qui l�accompagnera vont bon train. S�tif, qui repr�sente un important p�le �conomique du pays, se fait belle � cette occasion. Lanc�e il y a quelques mois, l�op�ration "S�tif, ville propre" est pass�e � la vitesse sup�rieure. Sur la route qui m�ne de l�a�roport de A�n-Arnat jusqu�� S�tif, tout est impeccable. Des cantonniers d�sherbent les espaces verts et plantent la pelouse. Dans le centre-ville de la capitale des Hauts-Plateaux, des tracteurs nivellent les grandes avenues, suivis de camions-bennes qui jettent de la limonite sur la chauss�e� Des b�timents publics ont re�u une couche de peinture, ainsi que les bordures des routes. Quant � l��clairage public, il a refait surface, et l�eau coule � nouveau des robinets, durant tout le s�jour pr�sidentiel. Mais cette op�ration de grand toilettage ne touchera pas les autres cit�s de la ville, celles ne se situant pas sur le parcours du cort�ge pr�sidentiel. Les �ternelles oubli�es que le pr�sident ne pourrait pas voir durant son s�jour � S�tif. �Cacher moi cette mis�re que je ne saurais voir� ! Telle est la devise des responsables locaux de la wilaya de S�tif en pr�vision de cette visite pr�sidentielle. Les autorit�s locales n�ont pas l�sin� sur les moyens pour donner une belle image de la ville. Maquillage tous azimuts, bitumage des routes, celles emprunt�es par le pr�sident bien s�r, r�alisation en un temps record de deux ronds-points, dont un � la cit� El- Hidhab, qui sans aucune �tude ne sera d�aucune utilit� pour les usagers de la route, et enfin l�importation de Chine d�un arbre artificiel fonctionnant au laser ayant co�t� la bagatelle de trois milliards de centimes. Entre-temps, les habitants de la da�ra de A�n-Arnat, de la cit� des 400-Logements, Bizard, Andr�oli et autres quartiers de la ville, souffrent le martyre. Les travaux de r�fection des routes s��ternisent depuis des mois plongeant les riverains dans des brouillards de poussi�re. Insalubrit�, immondices et mis�re. Tel est le lot quotidien des habitants de la rue Abacha-Amar. Dans ce quartier populaire, fut implant� un march� de l�informel, un v�ritable point noir de la ville. C�est un grand bazar � ciel ouvert install� de fa�on anarchique au c�ur de la ville. Celui-ci jouxte le nouveau si�ge du tribunal de S�tif et les cit�s r�sidentielles. Ce souk polarise toute la population s�tifienne. C�est ainsi qu�en son sein, se sont d�velopp�es rapidement des activit�s commerciales qui ont fini par faire de ce lieu un march� bien �tabli. D�s l�aube, des centaines de vendeurs prennent d�assaut le site, �talant leur marchandise dans un vacarme indescriptible, au grand dam des habitants de la cit� qui sont oblig�s de s�accommoder de cette situation apr�s la d�mission totale des pouvoirs publics. Vers le cr�puscule, le �march� l�ve le camp, laissant derri�re lui un v�ritable d�sastre. Sachets en plastique, cartons, fruits et l�gumes pourris, et autres produits jonchant le sol. On se croirait dans une d�charge publique. Vers la nuit tomb�e, les employ�s de la commune s�attellent � faire dispara�tre, mais � quel effort, toute cette montagne de salet� et de d�tritus, en sachant pertinemment que le lendemain ce sera le m�me d�cor. Le souk a, en outre, cr�� d�innombrables bouchons et embouteillages, paralysant chaque jour, surtout aux heures de pointe, la circulation automobile. Conscients du probl�me, les autorit�s locales ont soi-disant trouv� la solution : la r�alisation d�une tr�mie pour d�sengorger cet endroit. Apr�s des mois de travaux et avec 14 milliards de centimes de co�t, la tr�mie fut r�ceptionn�e. Malheureusement � l�heure actuelle, elle n�est d�aucune utilit�. D�sert�e par les voitures, bus et autres v�hicules, la tr�mie fera peut-�tre son entr�e au mus�e en tant qu��pave architecturale. Assaillie de partout, investie outrageusement, S�tif se d�couvre � g�rer un quotidien qui lui �chappe totalement. M�connaissable, elle pr�te d�sormais le flanc � une m�taphore qui l'�loigne, un peu plus de ce qui a fait sa particularit� et sa richesse.