La sortie sétifienne montre clairement les intentions électoralistes du chef de l'Etat. Cela ne fait plus aucun doute. Le président de la République ne peut être que satisfait de sa visite à Sétif. Entre hier et aujourd'hui, il devrait consolider son image auprès des habitants locaux grâce, d'abord, à l'inauguration de plusieurs installations et, ensuite, au concours de l'administration de la wilaya. Sétif était, bon gré mal gré, au rendez-vous de cette énième visite du chef de l'Etat. Beaucoup s'interrogeaient d'ailleurs s'il en était à sa quatrième ou à sa cinquième visite depuis son investiture en avril 1999. M. Abdelaziz Bouteflika, c'est une certitude, est en train de battre des records en la matière. La semaine dernière, il avait effectué sa sixième visite dans la wilaya de Constantine. Il est également en train d'instaurer de nouvelles traditions, forçant ainsi la main à tous les élus, les obligeant même à “coopérer” au profit prétendu du citoyen. L'administration locale a mobilisé les gros moyens pour lui faire plaisir et pour servir d'appui inavoué à sa candidature pour un second mandat. Le parti pris est tellement flagrant ! Attendu dans les premières heures de la matinée, le président de la République n'est arrivé qu'à 11h, en provenance de… Batna distante de Sétif de 100 km. Selon les autorités locales, l'avion présidentiel ne pouvait pas se poser sur le tarmac flambant neuf de l'aérodrome de la capitale des Hauts-Plateaux. Selon d'autres sources, les cercles présidentiels auraient transité par les Aurès aux fins d'y ficeler quelques tractations et liens utiles en vue de l'échéance de 2004. De la légendaire fontaine de Aïn El-Fouara au siège de la wilaya, Bouteflika a eu le temps, suffisamment de temps, de contempler, joyeux et réconforté, combien ses comités de soutien, et l'administration avec, ont réussi leur coup. Ils ont réussi à bloquer et à paralyser l'activité de la ville et certainement de la wilaya, comme pour faire des 20 et 21 juillet deux journées chômées et payées. Chômées au bénéfice du chef, payées au détriment du pays et de ses citoyens contribuables. Les troupes folkloriques ? On en comptait une vingtaine. Des troupes “aéroportées”, fixées sur leurs beaux chevaux ornés des bijoux de circonstance, aux groupes terrestres munis de leurs gros fusils à la manière des canonniers de guerre, le travail d'animation et de rabattage a été parfaitement accompli. Mêlés aux centaines de personnes déplacées — des autres localités —, les habitants de Sétif ont applaudi et souhaité la bienvenue à leur Président. Quand il ne s'approche pas d'eux, le chef de l'Etat invite gracieusement un anonyme, adolescent ou enfant de préférence, et le salue, sourire large, au milieu de la chaussée gardée, sous le regard admiratif de la foule. Ses comités de soutien ont volontairement sué pour exciter la foule. Comme par hasard, des représentants de Constantine sont venus leur prêter assistance. Incontournable, naviguant contre vents et marées, multipliant les salamalecs, serrant les mains, se mouvant incessamment, le frère du Président s'active. Saïd, bras droit du frère, fait les repérages et s'autorise les orientations. De ses yeux de lynx, il a aperçu une banderole pas comme les autres. Une banderole suspecte, offrant une occasion inespérée de mordre les pieds du rival FLN : “La base militante du FLN est avec M. Abdelaziz Bouteflika.” Trop beau pour être vrai, Saïd accourt vers le président et l'informe. Celui-ci savait ce qu'il lui restait à faire : il réoriente sa marche et atterrit face à la “base militante du FLN”, souriante, accueillante, ravie de cet attachement préfabriqué. Dans les larges rues de la toujours propre ville de Sétif, des drapeaux énormes sont déployés depuis quelques bâtiments, les drapeaux de deux clubs prestigieux qui font allégeance, qui soutiennent le Président dans sa quête de réélection. L'ESS et l'USMS sont associées, malgré elles, à une opération politique qui dépasse de loin le cadre sportif. “Les Algériens doivent payer les impôts” Le chef de l'Etat a donc inauguré des installations dont la plupart ont été réceptionnées en 2002. Des installations parfois belles, comme le luxueux pôle universitaire d'El-Baz, qui servira d'appoint à la faculté Ferhat-Abbas. Evidemment, M. Bouteflika s'est permis des paraboles. Jamais précises. Jamais claires. Mais, il a insisté sur les impôts. “Les Algériens, n'a-t-il cessé de dire, doivent savoir qu'ils sont obligés d'acquitter leurs redevances et leurs impôts, sinon l'Etat ne supporterait pas, et n'accepterait pas de le faire de toute façon, toutes les charges à lui seul.” A priori, ces propos s'adressent à l'ensemble des Algériens. Il faut juste se souvenir qu'il y a des citoyens, relayés par des chefs de partis politiques, qui, de leur côté, n'ont eu de cesse de réclamer une défiscalisation en raison de tragiques et coûteux évènements. “La participation des citoyens aux réalisations étatiques est impérative, a-t-il indiqué. La politique du fait accompli ne construit pas un Etat. Et (reprenant à son compte le verset coranique) “car Dieu aime ceux qui Lui expriment leur reconnaissance”. L'Etat aime ceux qui se montrent reconnaissants, car nous sommes généreux”. Paraphrasant l'ancien président américain Abraham Lincoln, le chef de l'Etat a exhorté les Algériens à oublier la politique de l'assistanat, instaurée par le régime, et à se demander comment ils peuvent aider leurs pays. En quittant le siège de la Banque extérieure d'Algérie, il a conclu par ces déclarations ironiques : “On dit que dans votre banque, on distribue beaucoup d'argent.” Drôle de conclusion. L. B.