Le Parti de la justice et du d�veloppement (AKP) du Premier ministre sortant, Tayyip Erdogan, est donn� largement favori, et ce, malgr� la mise en garde de l�arm�e turque Dimanche � Istanbul, le Parti de la Justice et du d�veloppement (l�AKP, issu de la mouvance islamiste) a frapp� un grand coup. Plus d�un demi-million de personnes. T�t dans la matin�e, par bus, par tramway et par train des dizaines de milliers de femmes et d�hommes ont envahi les art�res de la ville. Sur les lieux du meeting, la foule agitait des milliers de drapeaux turcs, mais aussi des embl�mes de l�AKP, frapp�s d�une ampoule, et ce, sur fond de chants patriotiques et de vari�t�s diffus�s par de puissantes sonos. La foule majoritairement jeune, dont beaucoup de femmes, certaines portant le foulard, d�autres non, brandissant le portrait de Tayyip Erdogan, le Premier ministre sortant, scandant des mots d�ordre du parti, donnait � ce meeting un air de victoire annonc�e. Les derniers sondages cr�ditent l�AKP d�un score de 40% ce qui lui donnerait la majorit� absolue au Parlement. Cette d�monstration de force se voulait une r�ponse aux �lites la�ques qui avaient mobilis� plusieurs centaines de milliers de personnes en candidature d�Abdallah G�l, de l�AKP, au poste de pr�sident de la R�publique au motif que son �pouse porte le foulard. Sur la tribune, portant des lunettes de soleil, en chemise, se baladant micro � la main le long de l�estrade comme une vedette du show-biz, Tayyip Erdogan a prononc� un discours appelant les Turcs � voter pour la stabilit� politique et �conomique. Concernant sa promesse de lever l�interdiction du voile � l�universit�, Tayyip Erdogan a fait marche arri�re : il a fait enlever cette mesure de son programme, tout en souhaitant que �toutes les femmes puissent aller librement � l�universit� qu�elles portent le voile ou non�. En revanche, sur la question de l��lection du pr�sident de la R�publique par le Parlement, l�AKP se montre intransigeant. Il a pr�venu que s�il obtenait la majorit�, il pr�senterait un candidat issu de ses propres rangs. L�un de ses leaders, Salih Kapusuz, a d�clar� que son parti ne craignait pas de nouvelles �lections dans le cas o� saisie une nouvelle fois par l�opposition la Cour constitutionnelle venait � invalider le candidat de l�AKP � l��lection pr�sidentielle comme elle l�avait fait en mai dernier provoquant ainsi des �lections l�gislatives anticip�es. Autrement dit, dans ce cas de figure, de nouvelles �lections en octobre prochain ne sont pas � �carter. Pour l�heure, on n�en est pas l�. L�AKP est s�r que les Turcs lui accorderont la majorit� des deux tiers, soit 367 d�put�s sur les 550 si�ges en lice, pour �viter de nouvelles �lections. De ce fait, la question est de savoir quelle sera la position de l�arm�e, qui avait publi� le 27 avril un m�morandum signifiant qu�elle ne voulait pas d�un candidat de l�AKP. Va-t-elle recourir � un coup de force ? A Istanbul, personne n�y croit. �Elle essaie de faire peur au peuple pour influencer son vote en faveur d�autres partis que l�AKP�, estime un journaliste turc qui pr�cise que la Turquie de 2007 n�est pas dans la m�me configuration politique que dans les ann�es 1980 et 1990 o� il suffisait aux g�n�raux turcs de hausser le ton pour faire chuter un gouvernement. Comme ce fut le cas du gouvernement de coalition dirig� par l�islamiste Necmetin Erbakan dans les ann�es 1990. Qui plus est, bien que l�AKP soit issu de la mouvance islamiste, rien, ni dans son programme, ni dans son discours, voire dans ses pratiques, n�autorise � le qualifier de parti islamiste. D�autant que dans son programme, le respect de la la�cit� de l�Etat, auquel tient par ailleurs une �crasante majorit� de Turcs, est r�affirm� avec force. En outre, c�est le gouvernement de Tayyip Erdogan qui a donn� un coup d�acc�l�rateur permettant l�ouverture des n�gociations d�adh�sion de la Turquie � l�Union europ�enne (UE), n�gociations qui ont permis une avanc�e du processus de d�mocratisation et un respect de la libert� de la presse sans pr�c�dent dans l�histoire de la Turquie. En fait, dit-on � Istanbul et Ankara, c�est la perspective de l�adh�sion � l�UE qui fait craindre � l�arm�e de voir perdre ses pr�rogatives. Parmi les conditionnalit�s exig�es par l�UE, la Turquie doit mettre sa l�gislation et le fonctionnement de ses institutions aux normes europ�ennes. Dans ce cas de figure, l�arm�e turque, qui est une v�ritable puissance industrielle et financi�re � elle dispose de puissantes entreprises comme l�Oyak, des banques � et qui a de tout temps �t� un acteur central du jeu politique, doit rentrer dans le rang et se soumettre au pouvoir politique. Et depuis que la Turquie a entam� les n�gociations d�adh�sion, l�arm�e a en effet perdu une partie de ses pouvoirs. Car des pouvoirs, elle n'en manquait pas. Par le biais du Conseil national de s�curit� (MGK), dont les pr�rogatives ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles �taient par un pass� r�cent, la grande muette avait droit de regard et de veto sur la marche du pays, notamment concernant la reconnaissance des droits culturels et politiques de la minorit� kurde (13 millions) ou le rapport du religieux au politique. Mais depuis que le MGK n'est plus compos� majoritairement de militaires, il a perdu une partie importante de ses pr�rogatives. A terme, c�est le dogme k�maliste, dont elle se dit la gardienne, qui risque de dispara�tre. En agitant donc la menace islamiste, font remarquer plusieurs observateurs turcs, l�arm�e, qui n�a d�ailleurs jamais manifest� un enthousiasme particulier � l�adh�sion de la Turquie � l�UE, essaie de rebondir et de se replacer dans le jeu politique. Quoi qu�il arrive, l�arm�e turque, qui jouit d�un r�el respect de la population, dispose encore de nombreux atouts pour faire entendre sa voix. Quant aux adversaires de l�AKP, principalement le CHP (Parti r�publicain du peuple, k�maliste), le MHP (Parti de l�action nationaliste, droite nationaliste) et � un degr� moindre le Parti d�mocrate n� en mai dernier de la fusion de deux anciens partis au pouvoir, l�Anap (M�re patrie) et le DYP (Juste voie), ils ont du mal � capter l��lectorat populaire. Le CHP, deuxi�me force au Parlement, est soutenu par les couches modernistes, tandis que pour les deux autres, leur pass� au pouvoir n�a pas laiss� de bons souvenirs aux Turcs. La surench�re nationaliste, notamment � l�endroit du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en lutte contre Ankara, a d�j� fait un heureux : l�AKP. Selon les derni�res enqu�tes d�opinion, le parti d�Erdogan, du fait de la mod�ration qu�il pr�ne � l��gard de la question kurde, est en passe de rafler tous les si�ges en lice au Kurdistan. A suivre.