T ennay-id yemma (ma m�re m�a dit), �c�est plus qu�une recommandation, un conseil ou un ordre, c�est une fa�on de vivre, de penser et d�agir de la Kabylie de nos jours, travaill�e par les pulsions modernistes et les relents du pass�, les fantasmes, particuli�rement ceux de la jeunesse en butte aux dures r�alit�s �conomiques et sociales ainsi qu�aux pesanteurs sociologiques d�un autre �ge, la qu�te du mieux �tre sous d�autres cieux faute de pouvoir r�aliser ses r�ves sur cette terre de d�sespoir, apparemment faite pour d�autres. C�est ainsi que l�on pourrait r�sumer la philosophie du film de Boudaoud Loun�s, un chanteur sans exp�rience cin�matographique, auteur du sc�nario, en collaboration avec le metteur en sc�ne Tahar Yami, c�l�bre animateur de la maison de la culture Mouloud- Mammeri de Tizi-Ouzou, durant de longues ann�es, avant d�aller faire valoir ses talents en France, et le cam�raman Ahc�ne Marana. Une id�e saugrenue, un peu folle d�un chanteur novice en mati�re cin�matographique et d�sargent�, de surcro�t, mais ambitieux, volontariste et d�termin� � aller jusqu�au bout de son sujet avec 30 euros dans la poche et le soutien de ses proches et amis. Il a, en effet, mis, judicieusement, � contribution ses liens familiaux et amicaux pour surmonter les nombreux obstacles, � premi�re vue infranchissables, et mener son projet � terme. R�sultat, un film de 2 heures empreint d��motion et de ga�t�, de na�vet� et de spontan�it� autant que de r�alisme, plus proche du documentaire ou reportage que de la fiction. Une �uvre ? Plut�t une intuition concr�tis�e en un temps record, 8 mois, selon Tahar Yami, 18 mois rench�rit l�auteur, tourn�e en France et en Kabylie, sans aucun soutien financier. Avec 40 000 euros appartenant � l��pouse du r�alisateur, des com�diens amateurs quasi b�n�voles, l�aide apparemment d�sint�ress�e du cam�raman et du metteur en sc�ne, l��quipe a r�ussi � donner vie � une id�e folle soutenue par une conviction passionn�e. La mise en parall�le, puis en affrontement, de deux mondes, celui des �migr�s qui s�efforcent de ressembler aux Fran�ais, sans rompre tout � fait avec leur particularit� et leur particularisme, d�un c�t�, et, de l�autre, celui des Kabyles demeur�s chez eux qui �voluent en r�sistant � toute dissolution dans l�autre, le r�alisateur a mis, de toute �vidence intuitivement et na�vement, en conflit deux soci�t�s, deux cultures et deux conceptions des rapports humains. Dans ce conflit, les �migr�s au m�me titre que tous ceux qui aspirent � les rejoindre jouent un r�le d�attirance, de r�sistance et de rapprochement. L�archa�smes des relations homme/femme, l�incontournable besoin de changement, sans renoncement de soi, l��migration � tout prix impos�e par le marasme alg�rien et sous-tendue par l�aspiration au changement et les survivances du pass� �tant, en quelque sorte, la trame du film analys� au second degr�, et ce, en faisant, bien s�r, abstraction �des petits manquements techniques� signal�s par Tahar Yami, de quelques incoh�rences du sc�nario, des gaucheries langagi�res, en kabyle comme en fran�ais, et les gestuelles de certains jeunes com�diens dues, assur�ment, � l�insuffisance de pr�paration. On notera, en revanche, avec int�r�t les dons talentueux naturels d�autres acteurs, en particulier la femme de l�oncle paternel, l�actrice principale. Le film s�ach�ve sur une intervention amicale ou humanitaire de deux Fran�aises, amies de l�actrice principale, tendant � la lib�rer d�un projet de mariage forc� abordant ainsi un d�bat franco-fran�ais qui n�est pas sans rapport avec la m�me pratique subsistant encore chez nous.