Un lecteur me fait le reproche, pas seulement � moi, mais � Madame Le�la Aslaoui, � Mohamed Bouhamidi, Boubekeur Hamidechi, Ahmed Hali, Hakim La�lam, etc., de �d�foncer des portes ouvertes�. Il �crit que nous nous contentons d�exposer des situations que tout le monde conna�t, sans proposer de solutions ! Sur un ton amical et respectueux, il nous dit qu�il attend beaucoup de nous. La presse n�a-t-elle pas d�j�, et dans un pass� r�cent, accompli des missions pour lesquelles elle n��tait pas d�sign�e ? N�a-t-elle pas, � force de jouer un r�le politique, empi�t� sur les plates-bandes des partis et des �lites ? Quant � d�foncer des portes ouvertes, ce n�est pas si s�r ! Si les choses �taient aussi simples et claires pour tout le monde, nous ne serions pas trois ou quatre quotidiens sur les quarante que compte le pays � nous compliquer l�existence ! Parce qu�il n�est pas facile, de nos jours, d�aller � contresens de l�unanimisme ambiant et il est plus commode d�applaudir les seigneurs du moment : on y gagne � tous les coups et l�Anep ne nous ferait pas la t�te ! Au lieu d��tre consid�r�s comme des pestif�r�s, nous serions invit�s sur tous les plateaux de l�ENTV ! Critiquer ouvertement ce pouvoir autocratique nous impose d��tre irr�prochables dans notre vie quotidienne. Cela nous co�te d�imposer � nos familles des restrictions dans tous les domaines. Nos enfants vivent et �tudient ici. Cela nous co�te de ne pas taper � toutes les portes � amies ou hostiles � pour r�gler nos probl�mes de citoyens ordinaires dans un pays rong� par la bureaucratie, et nos lecteurs en savent quelque chose ! Cela nous co�te de laisser moisir nos malades dans les h�pitaux mouroirs et de ne pas nous abaisser � demander des prises en charge qui sont g�n�reusement attribu�es pour des petits bobos lorsqu�il s�agit de la nomenklatura et des amis, ou simplement les l�che-bottes ! Cela nous impose de faire la queue pour n�importe quel papier, alors que des confr�res fut�s agissent par coups de fil ! En fin de compte, cela nous impose de vivre simplement comme vivent tous les citoyens de ce pays et c�est magnifique pour les journalistes que nous sommes ! Car, cela nous permet surtout de garder la t�te froide et de ne pas oublier qui nous sommes : des citoyens, pas plus. Il y a toujours un prix � payer pour rester debout et libre. Mais que sont nos �privations� insignifiantes par rapport au sacrifice d�un Mohamed Benchicou dont je retiens la phrase victorieuse qui a orn� la une du Soir d�Alg�rie, le jour de sa lib�ration : �N�ayez pas peur de leur prison !� Dire que nous d�fon�ons des portes ouvertes n�est pas juste. Il y a un minimum de courage � dire les v�rit�s. Quant aux solutions, elles me paraissent �videntes � la lecture de nos articles. Lorsque nous disons que le syndicat UGTA n�est plus repr�sentatif, qu�il a trahi les travailleurs et que sa direction est moralement douteuse apr�s l�affaire Khalifa, nous ne faisons pas que �d�crire� une situation. Nous appelons � une r�flexion sur le r�le du syndicat dans un pays livr� � l�app�tit f�roce des nouveaux bourgeois trabendistes. A�ssat Idir et Abdelhak Benhamouda sont-ils morts pour que M. Sidi Sa�d envoie des messages mielleux au pr�sident de la R�publique, le remerciant d�avoir �t� g�n�reux avec les travailleurs ? N�est-ce pas l� notre devoir de d�noncer ces courbettes ? Les solutions existent, mais le terrain de la politique n�est pas celui du journalisme. Nous ne pouvons, en aucun cas, nous substituer aux militants des partis ou aux �lus. C�est � eux qu�il appartient de forger des programmes politiques, de les pr�senter � l�opinion publique, de les voter et de contr�ler leurs applications. Dans la situation actuelle, nous ne voyons rien venir de la classe politique parce que tous les chefs de la mouvance khobziste se sont d�couverts des dons de propagateurs du programme pr�sidentiel ! Il n�y a plus de partis, plus de Parlement, plus de S�nat : il n�y a que le programme du pr�sident ! Le jour o� l�on reviendra � des normes, c�est-�-dire � un fonctionnement normal du syst�me politique, avec une vraie concurrence entre les partis, une implication r�elle et d�sint�ress�e de la soci�t� civile, le jour o� les �lections seront libres et honn�tes, o� les d�put�s ne feront plus de la figuration, o� le poste de magistrat supr�me sera ramen� � ses justes proportions, dans le cadre d�une vraie r�publique ; ce jour-l�, la presse pourra jouer son r�le tel qu�il est compris dans toutes les d�mocraties du monde. Il serait hypocrite et totalement farfelu de pr�tendre jouer ce r�le aujourd�hui, alors que nous vivons � l��re de la non-r�publique et de la non-d�mocratie. Par contre, la presse peut apporter beaucoup en ouvrant ses colonnes aux citoyens. Ces derniers, il ne faut plus se le cacher, sont au bord du d�sespoir. S�il est normal qu�ils attendent de la presse qu�elle leur montre le bout du tunnel, il reste qu�ils ont, aussi, leur mot � dire. Ouvrons nos colonnes � cette bouff�e d�air frais qui fera beaucoup de bien � nos r�dactions, souvent renferm�es sur elles-m�mes. La d�cennie de terrorisme et les mesures strictes de s�curit� qu�elle a impos�es laissent des traces : le journaliste n�est pas toujours l� o� il faut et la tendance au �rewriting� derri�re un bureau l�emporte souvent sur le reportage, source d�informations authentiques et v�ritable barom�tre de la vie du peuple. Ce que nous recommandons � mais, encore une fois, est-ce notre r�le ? � est une mobilisation pacifique des citoyens dont la force majeure est dans l�unit� et la clart� des objectifs. Lorsque nous revenons � la Kabylie, ce n�est pas pour faire du �r�gionalisme � rebours�, comme nous le reproche un lecteur, pas content que �nous aimions les Kabyles�, c�est parce que, pour des raisons objectives qui tiennent � l�histoire et � la nature de la population locale, dont la conscience politique s�est enrichie au contact de la diaspora, cette r�gion a toujours �t� � l�avant-garde des luttes populaires pour l��mancipation et la d�mocratie. Aussi, est-il imp�ratif que le mouvement citoyen reprenne l�initiative et qu�il fasse la jonction avec les partis r�publicains encore debout. Nous ne pensons pas que la violence r�glera le probl�me. La mobilisation pacifique des syndicats libres et des citoyens conscients est � m�me de donner des r�sultats imm�diats, � la mesure des espoirs du peuple alg�rien. Le jour o� les forces de progr�s seront majoritaires dans ce pays et qu�elles pourront, � nouveau, s�imposer, il sera alors possible de parler de solutions : instaurer une vraie d�mocratie repr�sentative, r�tablir la libert� de penser et de r�unions, bannir le �za�misme�, lancer un vrai plan Marshall en direction des jeunes, r�former la justice, combattre la corruption, b�tir, partout, des salles de cin�ma et de th��tre, des �coles de musique et de danse, �difier des temples du savoir moderne, privil�gier la connaissance scientifique et le savoir universel, promouvoir la pens�e rationnelle, revoir totalement le programme de nos �coles, en allant tr�s vite vers la francisation des programmes de math�matiques et de sciences (� quoi cela sert-il d��tudier les sciences naturelles en arabe lorsqu�on sait que les cours de m�decine, par exemple, sont en fran�ais ?), lutter contre les id�es obscurantistes, r�duire le r�le des marabouts, revoir totalement l�urbanisme de nos villes, lancer mille parcs de loisirs et mille jardins zoologiques, etc. Il y a tant de chantiers qui nous attendent. Mais, pour les r�aliser, il faut que ceux qui ont la charge de mener le d�veloppement de ce pays choisissent l�Alg�rie pour leur retraite ! Qu�ils cessent d�utiliser ce pays juste pour s�enrichir. Lorsque je vois les villes tunisiennes ou marocaines, quelque chose me dit que les responsables de ces deux pays ont d�j� choisi le lieu de leur retraite. Quand ils ne sont plus au pouvoir, nous pouvons les rencontrer dans les jardins fleuris de Rabat, Tunis, Marrakech ou Sousse ! Les n�tres finissent toujours dans un ch�teau suisse ou, lorsqu�ils n�ont pas cette chance, � la t�te d�un h�tel parisien !