La presse �crite se meurt et, comme toujours, nous risquons d��tre parmi les derniers � prendre la mesure de la r�volution qui s�annonce. Finie l�aventure pour faire le monde dont jeunesse r�vait ? Tout indique que oui si l�on consid�re les mutations, aussi radicales que rapides, qui se profilent partout dans le monde et auxquelles nous demeurons malheureusement sourds. Est-ce notre h�ritage s�mite du culte de l��crit ? Le dernier num�ro (148) de la revue D�bats publie un texte de Bernard Poulet et Vincent Giret, journalistes fran�ais, intitul� �La fin des journaux�. Un texte prospectif qui soul�ve des questions pertinentes sur l'avenir imm�diat de la presse �crite et qui n�invite point � l�optimisme. Ainsi, selon eux, 2007 aura �t� �la pire ann�e pour les journaux depuis la Grande D�pression�. �Les revenus � deux chiffres � entre 15% et 25% de r�sultats � qui caract�risaient les journaux am�ricains ne seront bient�t plus qu'un souvenir, souligne-t-il. Certains, et non des moindres, sont d�j� dans le rouge (�) On ne compte plus les charrettes d'employ�s licenci�s, les plans d'�conomie. Mais le choc le plus rude �tait d�j� survenu, il y a deux ans, avec la mise en vente de Knight Ridder, le deuxi�me groupe de presse aux Etats-Unis avec notamment le prestigieux San Jose Mercury News et 32 autres titres. Cot� en Bourse, il avait �t� contraint � cette vente sous la pression des actionnaires, non pas qu'il ne f�t pas de b�n�fices, mais parce qu'il n'en faisait pas �assez�. La presse est d�sormais soumise � la n�cessit� de fournir de �la valeur pour l'actionnaire�, comme n'importe quelle entreprise�. La mutation en cours se mesure � l�aune d�un certain nombre d�indicateurs : l'information est r�duite au r�le de �produit d'appel�, la publicit� fait sa migration vers le Net o� l�information est gratuite, les news se meurent, l�entreprise de presse devient multim�dia. L'information est r�duite au r�le de �produit d'appel� car �pour la premi�re fois depuis l'apparition des mass media � la fin du XIXe si�cle, la publicit�, source principale de revenus pour la presse imprim�e, pourrait bient�t se passer de l'information pour v�hiculer ses messages�. Les media traditionnels d'information sont mis en danger par la multiplication de nouveaux supports dont la plupart sont des producteurs et des diffuseurs de divertissements ou de services, des moteurs de recherche comme Google ou des r�seaux de rencontre (sociaux), comme Facebook ou YouTube. �Les publicitaires parlent de �support� et de �contenu�, de moins en moins d'information, de news�. La migration de la publicit� vers le Net tarit les sources de financement de la presse et rien ne contredit cette tendance inexorable : �La publicit� en ligne devrait conna�tre une croissance de plus de 20% par an jusqu'en 2011, pr�voit le fonds d'investissement Veronis Suhler Stevenson sp�cialis� dans les m�dias. D'ici � quatre ans, pr�cise-t-il, la publicit� sur internet pourrait peser 62 milliards de dollars contre 60 pour les journaux et 86 milliards pour la radio et la t�l�vision. Aux Etats-Unis, internet sera, d�s 2008, le m�dia num�ro deux derri�re la t�l�vision, comme c'est d�j� le cas au Royaume-Uni.� Premi�re cons�quence palpable de cette mutation : la mort des news : �Il faut tordre le cou � un lieu commun qui voudrait que jamais l'arriv�e d'un nouveau m�dia n'a fait dispara�tre ceux qui le pr�c�daient. L'affirmation a des allures d'�vidence : en effet, la radio n'a pas fait dispara�tre la presse �crite, la t�l�vision n'a pas tu� la radio et la multiplication des cha�nes t�l� n'a pas ruin� les grands networks. On oublie pourtant de pr�ciser que les grands quotidiens g�n�ralistes qui, en France, diffusaient plusieurs millions d'exemplaires au d�but du XXe si�cle, ou qui comptaient encore des dizaines de titres apr�s 1945, ne sont plus que quatre � Ouest-France, Le Parisien-Aujourdhui, Le Mondeet Le Figaro - � atteindre ou � d�passer, parfois p�niblement, les 400 000 exemplaires, que les grandes radios g�n�ralistes ont vu leur audience divis�e par deux depuis les ann�es 1980 et que les grands networks perdent chaque ann�e des dizaines de milliers de t�l�spectateurs. La r�volution num�rique masque un autre bouleversement, plus lent et amorc� bien avant l'apparition d'internet, mais tout aussi ravageur et dont les effets se combinent d�sormais : l'int�r�t de nos soci�t�s pour l'information s'�rode chaque ann�e. La consommation de news aux Etats-Unis est � son plus bas niveau depuis un demisi�cle. On est ainsi pass� de 353 exemplaires vendus pour 1000 habitants en 1950 � 183 � peine pour 1000, une chute de 48%. (�) En France, le signal donn� � l'�t� 2007 par le groupe allemand Springer va s'imposer comme une date historique : apr�s un an d'�tudes, le puissant �diteur a annonc� l'abandon d'un projet de quotidien populaire payant, un Bild � la fran�aise. Au m�me moment, il d�boursait pourtant 284 millions d'euros pour s'offrir un des fleurons des portails internet, aufeminin.com.� Il ne faut pas croire que nous �chappons � cette lame de fond. Outre leurs quotidiens locaux, les internautes alg�riens sont d�j� nombreux � �tre familiers de sites comme �lematindz.net�, s�agissant de l�information politique, ou de �toutsurlalgerie.com� qui s�impose d�j� comme un vecteur essentiel de l�actualit� �conomique. Pour l�actualit� fran�aise, �rue89.com� ou encore �bakchich. info� figurent d�j� en bonne place aux c�t�s des vieux routiers de l�actualit� quotidienne qui, eux aussi, ont tr�s t�t investi le net. Chez nous, les choses en sont encore aux balbutiements, mais tout porte � croire que les choses vont s�acc�l�rer. Le gouvernement affiche que sa pr�occupation est l�accession des citoyens � l�internet, un objectif pour lequel le ministre des Postes et des Technologies de l�information et de la communication vient d�annoncer lors de son dernier passage au Club de l�Excellence, ce jeudi, une �diminution prochaine du prix de l�ADSL� qui le rendra �accessible � toutes les bourses, � toutes les familles quel que soit leur salaire ou leur pouvoir d�achat�. Ici, l�op�ration �un PC pour chaque foyer� semble �tre un bon moyen d�y parvenir : �Nous allons tenir notre pari et selon les d�lais promis initialement annonc�s�, assure Boudjema� Ha�chour. L�objectif, honorable et ambitieux, du d�partement de M. Ha�chour demeure la g�n�ralisation du haut d�bit � l�ensemble des 5 millions d�internautes qui se connectent � partir de chez eux, de leurs entreprises ou de l�un des 6 000 cybercaf�s qui essaiment le territoire national. Son autre d�fi est la connexion de l�ensemble des 1 541 communes alg�riennes au r�seau, en accrochant au wagon du Net, avant la fin de l�ann�e, les 200 APC qui ne sont pas encore reli�es. L�avenir imm�diat est alors aux groupes multim�dias, � la convergence : �Une m�me marque est d�ploy�e sur plusieurs supports de diffusion, et le centre de gravit� des m�dias glisse alors in�vitablement vers le num�rique et ses propres contingences. Certains quotidiens ont construit des r�dactions quasiint�gr�es : de plus en plus produisent du texte, du son et de l'image. Les journalistes sp�cialis�s ne disparaissent pas, certains ne font encore que de l'�crit, mais la plupart basculent vers le multim�dia.� Le mariage des strat�gies capitalistiques et des m�dias affecte gravement leur ind�pendance �ditoriale et soul�ve la question de savoir si une libert� contingent�e par l�argent m�rite de figurer au chapitre des droits de l�homme et du citoyen. Les Fran�ais, vieux peuple r�volutionnaire, sont en train d�en faire l�am�re exp�rience. La crise �conomique des m�dias fragilise leur ind�pendance r�dactionnelle et la baisse de diffusion de nombre de titres, certains parmi les plus prestigieux, accro�t l'influence des propri�taires appel�s � r�sorber leurs dettes. Le fondateur de Lib�ration, Serge July, a �t� pouss� � la porte de sortie sans m�nagement par le principal propri�taire du titre, le banquier Edouard de Rothschild, qui a, comme tant d�autres avant lui, l�audace de croire que chaque id�e qui fait produit a n�cessairement un prix, qu�elle soit de droite ou de gauche. Un autre industriel est propri�taire de nombreux m�dias en France : M. Arnaud Lagard�re. Il contr�le une brochette de publications (de Paris Match au Journal du Dimanche), plusieurs radios (dont Europe 1, o� le principal studio se nomme Lagard�re), ainsi que des participations au capital de plusieurs titres ind�pendants (dont Le Monde). L� aussi, les soup�ons de d�lit d'initi� qui p�sent sur certains actionnaires importants de l'entreprise a�ronautique, dont le copr�sident d'EADS, M. No�l Forgeard, ses enfants, et le groupe Lagard�re ont fini par consommer les derni�res r�serves de cr�dibilit� des m�dias fran�ais. Les choses ne vont pas mieux lorsque l�Etat ou le pouvoir politique se substituent aux industriels et banquiers priv�s. La pression des actionnaires publics affecte �galement l�audiovisuel public. Dans les deux cas, les r�sultats de m�diam�trie cens�s d�terminer les programmes en fonction de sondages d�audience sont pour les nouveaux patrons ce que la demande est pour les marginalistes : un besoin qu�on cr�e. Adieu presse d�opinion.