La migration des Alg�riens et Maghr�bins vers la Nouvelle- Cal�donie est la cons�quence des insurrections successives en Alg�rie et dans le Sud tunisien, ajoutant le d�bordement colonial apr�s 1883 et la fermeture officielle du bagne en 1895. Les sources d�archives coloniales m�ont permis, de mani�re quantitative, de dresser des listes compl�tes des d�port�s alg�riens en particulier et maghr�bins en g�n�ral. Les r�f�rencer selon les nom et pr�nom du d�port�, le num�ro d��crou, le num�ro de matricule, le lieu de naissance et le rattachement de la tribu d�origine, la date de naissance ou l��ge inscrit, la filiation parentale de rattachement, le lieu de r�sidence au moment des faits insurrectionnels, le m�tier d�origine, la condamnation, la date d�embarquement et la date d�arriv�e en Nouvelle-Cal�donie, la fiche matricule des concessionnaires, mais encore les listes des mariages interculturels entre les d�port�s Alg�riens et les femmes fran�aises et m�lan�siennes, toutes ces donn�es sont disponibles en annexe de l�ouvrage �dit� tr�s prochainement par Editions Casbah et disponible � la prochaine Foire internationale du livre d�Alger 2008 sous le titre Alg�riens et Maghr�bins de Nouvelle- Cal�donie. Anthropologie historique de la communaut� araboberb�re de 1864 � nos jours. Vous d�couvrirez �galement que le travail sur la recherche des noms des concessionnaires maghr�bins d�c�d�s � Bourail a �t� r�alis� � partir des archives � compter de la p�riode 1999 fournies par la commune de Bourail (�tude commandit�e par l�obtention d�une bourse chercheur en collaboration avec le Laboratoire d�anthropologie historique de l�Universit� Paris 8 et le Laboratoire ERASME de l�Institut Maghreb Europe (actuel laboratoire de rattachement). Il r�pond � la demande suscit�e de l�Association des Arabes sur l��dification d�une st�le comm�morative au cimeti�re de Sidi Moulay. Cette liste a servi pour cette �dification exemplaire. Nombre de documents relatifs � la d�portation en g�n�ral ont �t� endommag�s que ce soit en M�tropole (durant la Guerre mondiale) ou en Nouvelle- Cal�donie (inondations). Pour identifier les d�port�s politiques originaires du Maghreb, il nous a sembl� n�cessaire de faire un comparatif des registres de la d�portation, aux registres des lieux de d�tention consult�s dans les diff�rentes archives. L��tat actuel des archives est incomplet. Par ailleurs, les jugements des conseils de guerre et des cours des assises �tant parfois longs, les d�port�s durent attendre plusieurs mois avant leur embarquement dans les convois destin�s � la Nouvelle- Cal�donie. C�est la raison pour laquelle, ces prisonniers furent intern�s dans les d�p�ts ou lieux de d�tention avant leur d�part d�finitif. Fort heureusement, c�est pr�cis�ment dans les fonds d�archives des lieux d�internement que nous avons pu r�pertorier l�origine et la naissance de chacun des condamn�s maghr�bins ainsi que leurs dates d�embarquement convoi naval par convoi naval vers la Nouvelle-Cal�donie. (Cf. annexe du livre : Etablissement g�n�alogique des premi�res listes des mouvements de Maghr�bins condamn�s au bagne cal�donien, 1867-1895). Le premier Alg�rien devenu concessionnaire � Bourail se nomme Isa Khamenza, sa fiche administrative fut endommag�e lors d�un incendie survenu � l��poque. Elle porte le num�ro 6. Fragilis�e, elle se d�cr�pite facilement. On n�identifie plus la filiation parentale, ni m�me la date et le lieu de naissance ou le m�tier d�origine de ce premier concessionnaire. En d�pit de ce manque d�informations, le nom reste lisible et la date de son d�c�s � Bourail (du 15 avril 1872 confirme que le centre p�nitentiaire agricole de Bourail fut investi par ces premi�res vagues de condamn�s alg�riens. D�autres d�c�s figurent durant cette p�riode �galement. (Cf. liste chronologique des d�c�s des concessionnaires maghr�bins de Bourail. 1872- 1968). Les noms des Alg�riens ont �t� transform�s, voir d�coup�s. Il se peut que l��tat civil ait omis de consid�rer l�ordre des noms qui signifie l�appartenance tribale et la naissance. Les scribes administratifs n��tant pas �t� aptes � d�chiffrer le sens exact du mot, souvent, il e�t �t� facile de les r�duire, voire de les supprimer. Il fut supprim� le toponyme puis le nom patriarche (issu du arch) partis du Maghreb. Fort heureusement, nous avons compl�t� ces manques avec d�autres archives sur les noms des embarqu�s dans les diff�rents convois, on voit donc que le nom des Maghr�bins a subi une d�formation � leur arriv�e en Nouvelle-Cal�donie. Maintenant qu�une grosse partie de ce travail a �t� r�alis�, nous poursuivons sur les autres condamn�s � l�origine du d�bordement colonial en Alg�rie, les d�placements de population, leur itin�raire avec mes confr�res universitaires de ces pays. Enfin pour d�signer les cheikhs, le terme darrages �tait souvent utilis� � l�arriv�e de ces d�port�s politiques pour d�valoriser leur statut r�el et donner l�impression que ces hommes furent des sorciers ou des dictateurs aux yeux des autres. La m�connaissance du contexte historique alg�rien ou de l�ancien Maghreb explique des erreurs d�analyse, il a fallu d�chiffrer le vrai sens du terme et retrouver son �tymologie ancienne. Darrages vient du mot compos� arabe Dar el-Hadj et veut dire la maison en tant que communaut�, ouma des anciens, des sages, terme provenant de l�ancienne palmeraie d�Andalousie rappelant les clercs religieux arabo-berb�res. La loi d�amnistie du 3 mars 1879 promulgu�e le 17 mars 1880 en Nouvelle-Cal�donie ne fut pas accord�e aux Alg�riens au statut de d�port�s politiques. Pourtant, nombreux furent leurs actes p�titionnaires. L�amnistie ne sera en revanche attribu�e qu�aux insurg�s de la Commune de Paris. Ces derniers, � leur arriv�e sur Paris, d�termin�s � s�opposer � cette violation de la loi r�publicaine vont s�engager pour la cause alg�rienne (Les communards r�alisent leur journal de d�portation qui a pour titre Le Journal Illustr� dans lequel un article de l�hebdomadaire du 26 octobre 1878 n�2 mentionne la pr�sence d�Alg�riens). Les communards vont chercher s�rieusement � d�noncer les horreurs inflig�es � leurs compagnons de route que furent les Alg�riens, non seulement sur le plan humain et politique, mais �galement sur le plan de l�amiti� qu�on retrouve entre les deux groupes. Les d�port�s politiques, � leur lib�ration et sortis du territoire politique de l��le des Pins et de Ducos, vont regagner Bourail. On estime un total de cinq cents Alg�riens recens�s en Nouvelle- Cal�donie en 1895, dont pr�s de trois cents regroup�s dans la r�gion de Bourail. Sans doute faut-il ajouter au chiffre �nonc� le nombre d��vasions dont ils furent les auteurs dont nous mentionne le Journal officiel n�o-cal�donien du 6 d�cembre 1890 N� 1623 pr�cise : �70 �vasions pour un effectif total de 120 Arabes.� Nous en d�duisons que les deux cat�gories d�hommes, qu�ils �taient jug�s condamn�s politiques ou condamn�s de droit commun, ont eu finalement pour m�me r�sultat d��tre des victimes de l�histoire coloniale. La �peur de l�Arabe� que nous diffusent les journaux de l��poque coloniale de la lointaine M�tropole, avait-elle comme objectif de frapper durement l�identit� des Alg�riens et Maghr�bins et de poursuivre sa ranc�ur jusqu�au bagne cal�donien ? A partir de 1870, la question de leur mise en concession est mise en doute. Il y a dans le centre p�nitentiaire de Bourail une augmentation d�effectifs qui introduit dans le premier groupe de concessionnaires une concentration de Maghr�bins suspect�s d��tre des �l�ments douteux, selon le conseil g�n�ral de l��poque d�crit les Arabes comme des bandits et des voleurs mais non comme des insurg�s politiques. Ne pouvant pr�tendre � des actes d�ivrognerie, nous le verrons par la suite, par la foi et la religion qu�ils ont en eux, il sera facile de les traiter de bandits, d�assassins ou encore de voleurs. Si on en croit les jugements discriminatoires, � l��poque port�s sur eux, l�image m�me colport�e de la d�ch�ance, on pourrait presque penser, que le centre p�nitentiaire agricole de Bourail fut form� d�un peuplement essentiellement europ�en et que l�id�e de Maghr�bins mis en concession n��tait pas envisageable. Les influences p�nales de l��poque perdurent n�anmoins aujourd�hui. On voudrait presque effacer l�histoire de la d�portation alg�rienne, ou plut�t en faire des bagnards, des criminels de droit commun, des hommes mis�reux marqu�s par la d�viance. Il suinte toujours une sorte de peur vis-�-vis de cette cat�gorie de population. Il y a pourtant une figure marquante, symbolisant tout le contraire de ce qui est d�crit ci-dessus par le charg� de mission. L�anecdote nous a �t� racont�e par les gens de Nessadiou qui se reconnaissent dans la transmission des valeurs des anciens, qu�ils nomment par respect les �Vieux-Arabes�. Voici le r�cit qui nous a �t� cont� : �C�est l�histoire d�un instituteur de Noum�a qui voulait traverser la vall�e de Nessadiou. On lui conseilla de ne surtout pas s�aventurer dans cette vall�e �meurtri�re� d�crite aussi comme la vall�e des Arabes�. On insista pour le mettre en garde de tout danger r�el dans cette vall�e. Mais le professeur, accompagn� de sa femme et de ses deux enfants, prit sa voiture et traversa la vall�e de Nessadiou. Malheureusement en chemin, la voiture du professeur tomba en panne. Des gens sont sortis. La famille du professeur, n��tant pas rassur�e s�est mise � trembler de peur, et un Vieil-Arabe a dit � sa femme : fais rentrer la femme et les enfants et donne leur des friandises. Je vais aider le mari � r�parer sa panne de voiture. Du coup, le professeur et sa petite famille repartirent la voiture pleine de friandises et de l�gumes du verger, telle fut la coutume alg�rienne et kanake !� D�apr�s les multiples entretiens que nous avons pu avoir lors de nos enqu�tes men�es entre 1999 et 2004, la peine du condamn� transpara�t sous des formes identiques. Le contenu oral est presque le m�me pour la descendance alg�rienne de Bourail, qu�il s�agisse pour les uns de son p�re ou pour d�autres de son grand-p�re selon les g�n�rations interrog�es, tous n��chappent pas � l�histoire qui leur est colport�e. On retrouve parfois des histoires �tonnantes qui semblent avoir �t� colport�es. Les questions que l�on se pose : doit-on comprendre que de tels actes, presque identiques les uns aux autres, avaient �t� accomplis par les officiers eux-m�mes ? Ainsi, pouvaient-ils r�diger � leur aise et porter l�accusation sur des Alg�riens parfois illettr�s ? Longtemps Bourail �tait nomm�e la petite Afrique et plusieurs r�gles coutumi�res furent �tablies par les cheiks de la d�portation. L�individu re�oit un enseignement provenant des chioukh, qui le maintenait en relation avec ses propres racines. La mission naturelle des Dar-el-Hadj va consister � organiser une nouvelle communaut� solidaire, constituant sans doute la raison d��tre dans la colonie. Alors que la colonie devait �uvrer pour la prosp�rit� de la France, les Dar-el-Hadj, sans fronti�re aucune, ont symbolis� le lien socioculturel dans une r�gion, qui a �t� tr�s t�t compos�e essentiellement de couples mixtes (Alg�riens, Europ�ens, M�lan�siens et Asiatiques). V�n�r� dans la r�gion de Bourail, le terme de �Vieux-Arabes� marque la profonde estime que l�on porte � ces hommes. C�est aupr�s d�eux dans le cimeti�re des �Vieux-Arabes� que l�on se r�unit et qu�on �fait la coutume alg�rienne�. Les �crits coloniaux ont � dessein soulign� les divergences des int�r�ts en jeu opposant l�Alg�rien � l�Europ�en ou grossissant des situations conflictuelles entre Alg�riens. Pourtant, les faits observ�s et le recueil d�informations historiques montrent la profonde solidarit� des Alg�riens sous l�autorit� coutumi�re des chefs de tribu, qui se chargeaient de faire r�gner l�ordre dans les concessions. Ils �tablirent un droit coutumier qui devait avoir un sens pour l�ensemble des Alg�riens de Nouvelle-Cal�donie. Il n�y a pas de contr�le pour surveiller l�essor de cette reformulation subjective. Le droit coutumier symbolisait d�j� l�esprit de libert� et la force de r�sistance qui continuait d��tre un point d�ancrage de ce syst�me qu�on retrouve dans le syst�me de douars en Alg�rie. Ce droit coutumier s�est reproduit dans les vall�es de Bourail o� le pr�t s�est effectu� dans un syst�me d��changes et de solidarit�. L�exil est souvent douloureux, la descendance se sent victime de l�histoire, est quelque chose � valoriser � tous les niveaux. La m�moire des parents pour �viter le complexe. L�origine dit quelque chose sur l�identit� m�me si elle est fran�aise ou cal�donienne. L�environnement ne sert � rien s�il n�y a rien de fait au niveau historique. L�environnement social nous impose � intervenir sur de grands domaines. Il faut simuler une valorisation de l�histoire et non apporter un regard d�valorisant, car on risque de d�valoriser le regard qu�on a sur les parents venus en d�portation ou en migration. En Occident et Orient, M�diterran�e et Afrique, l�historiographie a malencontreusement investi une image n�gative sur les Alg�riens et Maghr�bins et ceci depuis des si�cles d�histoire m�diterran�enne. Pourtant, l�anthropologie historique et d�mographique nous d�montre le contraire, elle donne une image valorisante sur l�histoire et ses populations, sur la base de leurs propres valeurs, et ceci implique une trame de recherche qui ouvre au recueil de la tradition orale et l�apport d�objets sp�cifiques en provenance de l�ancien Maghreb (coutumes, traditions, architecture, technique, botanique) op�r�e essentiellement sur le terrain ou les terrains de recherche (Alg�rie, Maghreb, M�diterran�e, Nouvelle- Cal�donie et Kanaks). Ainsi, selon la r�cente publication qui porte sur M�tissages Maghr�bins (mentionner la r�f�rence de l�ouvrage). Ouvrage alg�rien collectif r�alis� dans le cadre d�une position de recherche et d�ateliers de travaux universitaires auxquels je participais, �(�) penser les m�tissages en maghr�bins en termes de carence, de tare, voire de d�voiement, c�est non seulement r�futer la richesse des �volutions historiques au nom d�une forme d�int�grisme mais surtout s�interdire l�acc�s aux diff�rents processus � souterrains souvent silencieux � r�sistance, de d�tournements, de recr�ation et d�innovation qui se sont accomplis et continuent de s�accomplir au quotidien dans les pratiques, les milieux et les moments les plus divers�. M. O. (*) Docteur en anthropologie historique InsaniyatN� 32-33 04/09/2007. Revue alg�rienne trimestrielle publi�e par le Crast (Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Oran- Alg�rie). Citation p. 8. Ouvrage collectif : Mourad Yelles, Toni Marani, Fatima Ouachour, M�lica Ouennoughi, Mich�le Vatz- Laarousi, Lilyane Rachedi, Mohamed Daoud, Rachid Aous, Zoulikha Mered, Herv� Sanson, Christiane Chaulet-Achour, Anissa Bouayed, Medhi Nabti, George Mifsud-Chircop, Zahia Teraha, Ahmed Khouaja, Imad El Mighri, Elise Miles.