Mes cheveux �taient en bataille et j�avais le teint livide. J�avais tr�s mal dormi et je ressentais une immense fatigue. Mon patron, remarquant mon �tat, insistait pour que j�aille voir un m�decin. Mais j�avais un dossier � terminer et je voulais d�abord le pr�senter � la commission avant de prendre quelques jours de repos. Dans ce bus qui avan�ait difficilement sur la route d�El-Biar, j�avais une folle envie de dormir, mais comme je devais descendre quelques stations plus loin, j�avais peur de rater mon arr�t et me retrouver � Sidi-Fredj. La belle dame de l�avant du bus, que tous les hommes bouffaient des yeux, se leva calmement et vint vers moi : �Je vais descendre, suivez-moi.� Je re�us un choc ! Mais, comme un automate, je me levai pour l�accompagner. Je ne connaissais pas bien cette station o� l�autobus venait de s�arr�ter. La belle s�engagea dans un petit sentier qui donnait sur un portail en fer forg� plant� au milieu d�une gigantesque muraille qui devait s��tendre sur plusieurs centaines de m�tres. Lorsqu�il s�ouvrit sur une longue all�e de palmiers, je faillis tomber � la renverse. C��tait la maison de mes r�ves : un petit palais mauresque, domin� par une tourelle habill�e d�une charmante toiture verte. Une fois � l�int�rieur, la belle dame me poussa vers un immense hall �clair� par une vo�te en verre multicolore. �Comment vous appelez- vous ?� Elle me regarda froidement de ses yeux verts vides et me fit comprendre d�un doigt pos� sur sa bouche que je devais me taire. Elle ouvrit une porte � deux battants qui donnait sur un immense salon oriental, aux murs orn�s du plus beau marbre et au plafond trac� de judicieuses formes g�om�triques bariol�es. Tout � fait au fond du salon, je crus entendre des voix. Une fum�e opaque couvrait l�endroit. Elle parvenait de l�encens qui br�lait dans de gigantesques urnes dispos�es � gauche et � droite d�un canap� d�mesur� o� se tenait un nain, entour� de jeunes filles. Un vrai lilliputien au teint cuivr� et au visage prolong� par une barbichette. En voyant la dame aux yeux d��meraude, il tapa des mains pour faire le silence et lui lan�a : �Eh, voil� la belle Narim�ne ! Va te changer et reviens vite � mes c�t�s.� Puis, s�adressant � moi : �Chien, � genoux !� Je ne comprenais pas. Je pensais que c��tait un jeu, mais quand l�un des gardes qui se tenait jusque-l� dans l�obscurit� s�approcha de moi pour me jeter carr�ment � terre, je comprenais enfin que cette bande de gredins ne s�amusait pas. Un gaillard, tout aussi fort, me fit agenouiller devant le nabot. Les deux hercules �taient noirs et ne portaient en tout et pour tout qu�un pantalon bouffant de couleur rouge et un gilet en cuir jaune. Leur cr�nes, ras�s et luisants, ajoutaient � leur cruaut�. �Chien ! Je te cause, dit le nain. Nous savons qui tu es. Tu travailles pour le compte du gouvernement et tout ce que nous te demandons si tu veux avoir la vie sauve et �pargner bien des drames � ta famille, c�est de pr�senter un dossier � la commission qui soit favorable � une entreprise dont nous te communiquerons le nom ! �Mais, c�est que�� Je n�avais pas termin� la phrase qu�une gifle magistrale s�abattit sur mon visage. C��tait le gaillard de gauche. Celui de droite me refila un coup de pied aux reins dont je me souviendrai toute ma vie. �On ne t�a pas donn� le droit de parler, chien ! Tu n�ouvriras ta sale gueule que si on t�autorise � le faire, compris !� hurla le nain qui venait de recevoir des mains d�une des jeune filles une coupe de vin qu�il avala goul�ment, tachant son beau costume blanc. A ce moment pr�cis, la dame du bus entra d�une porte capitonn�e situ�e au fond de la salle. Elle �tait habill�e d�une robe de satin rouge. Ses cheveux, d�un roux flamboyant, descendaient tout au long de son corps de sir�ne. Elle s�assit � c�t� du nain qu�elle dominait d�une bonne trentaine de centim�tres. J�avais une folle envie de pleurer. Qu�allait-il m�arriver ? Au fond, je ne m�inqui�tais pas trop, car ces clowns avaient besoin de moi pour leurs sales affaires. Ils voulaient arracher un march� qui se chiffrait � des millions de dollars. �Tiens, chien, bois du vin.� Je refusai le verre que me tendait l�une des filles. Mais le nain insistait. Il riait tr�s fort en tapant des mains : �Fais-le boire de force ! Chien, tu verras : ce nectar va te faire aimer davantage Narim�ne ! C�est notre meilleur atout cette belle rousse. C�est la dixi�me fois qu�un imb�cile de ton genre tombe dans le filet. Cinq ont fait ce que nous voulions et cinq autres ont refus�. Ils sont tous morts� Chien, tu br�les d�envie de savoir qui nous sommes ?� Je fis oui de la t�te car j�avais peur de recevoir un autre coup si j�ouvrais ma gueule. �Nous sommes des chefs terroristes ! Voil� devant toi l�un des vrais ma�tres du terrorisme. Chien, je t�autorise � parler ! Que veux-tu savoir encore ?� Rassur�, je balbutiai : �Mais les terroristes vivent dans les montagnes et ne boivent pas de vin�� Un fou rire g�n�ral accueillit ma pi�tre r�flexion. Le nain gloussait plus fort que les autres. Il �tait pratiquement courb� en deux : �Ah, ah, ah ! Les terroristes vivent dans les montagnes ! Ah, ah, ah ! Elle est bien belle, cellel�. Ils ne boivent pas de vin ! Ah, ah, ah !� Puis, se retenant : �Esp�ce d�imb�cile, ceux qui sont dans les montagnes et ne boivent pas de vin sont nos hommes de main, de simples ex�cutants, comme ces deux gros n�gres, comme ces filles, comme cette chienne de Narim�ne ! Tous sont � nos ordres et tu seras bient�t l�un de nos instruments. Tous des chiens, des esclaves dociles, pr�ts � l�cher les pieds de leurs ma�tres ! Allez, l�ve-toi et disparais de ma vue ! Le rapport favorable � notre entreprise ! N�oublie pas !� Je fus soulev� de force par les deux gardes et tra�n� jusqu�� la porte de sortie. Je fus jet� � l�ext�rieur comme un malpropre. Ma t�te cogna le sol� Elle �tait lourde et me faisait mal� J�ouvris les yeux. J��tais toujours dans le bus. Je venais de faire un cauchemar ! Le gars qui se tenait pr�s de moi me dit : �Monsieur, r�veillezvous ! Vous avez d� faire un dr�le de r�ve. Vous �tiez tout agit酻 J�en �tais l� � essayer de remettre de l�ordre dans ma t�te quand Narim�ne s�approcha de moi et me glissa : �Je descends au prochain arr�t. Suivez-moi.� Pourquoi Narim�ne ? Elle pouvait s�appeler Malika ou Rachida� Voil� que je divaguais� Je ne connaissais pas bien cette station o� nous venions de nous arr�ter. La belle s�engagea dans un petit sentier qui donnait sur un portail en fer forg� plant� au milieu d�une gigantesque muraille qui devait s��tendre sur plusieurs centaines de m�tres. Lorsqu�il s�ouvrit sur une longue all�e de palmiers, je faillis tomber � la renverse. Parce que la maison, qui s�offrait � ma vue, au fond de l�all�e, �tait celle de mon cauchemar ! Devant le perron, une question me br�lait les l�vres : �Madame, vous vous appelez comment ? - Narim�ne, chien ! �