Un matin, on se r�veille sous un ciel brouillon et on s�aper�oit que ce n�est pas la douzi�me lune mais le troisi�me mandat. Alors, en promenant son regard aigu des jours de grande curiosit�, on se demande ce qui a pu, avec ce troisi�me mandat, changer sous le soleil. Rien. C�est la r�ponse qu�on se fait : rien ! Rien n�a chang�. Tout est � la place qui n�est pas sa place. Pis : rien ne va changer. Et c�est �a le hic ! Le m�me pr�sident �lu au m�me score que jadis pr�side aux destin�es du m�me pays depuis maintenant dix ans et rien ne change. �a a peut-�tre quelque chose de rassurant le �hakdha ouala kthar� (ceci plut�t que pire) avec lequel certains �lecteurs sinc�res de Bouteflika prennent patience. Les m�mes ministres, certains vieillissant � vue d��il adoss�s aux maroquins, continuent de squatter, la conscience apais�e, les m�mes minist�res battant haut la main leurs propres records d�impopularit�. Le m�me discours, ray� � force de repasser encore et encore, est d�clin� sur tous les tons, sur tous les modes, dans toutes les langues pratiqu�es sous nos m�ridiens, conjugu� � tous les temps, surtout le mauvais temps, repris comme un tube d��t�, amplifi�, faisant l�objet de variations formelles dans une surench�re du z�le. On continue � za�miser � fond la caisse, confondant de fa�on subliminale la grandeur du pays et celle du guide, m�langeant en tchakchouka les ambitions personnelles � une sorte d�id�al patriotique tellement galvaud� sur le mode mineur qu�il tourne � la chanson connue. Quand ils poussent le couplet d�amour � la patrie dont ils boivent le sang jusqu�� la derni�re goutte d�impudeur, qui les croit ? Qui peut croire cette ribambelle d�affairistes affair�s � ramasser les miettes, ces escouades de courtisans qui hantent la m�me antichambre du m�me pouvoir depuis quarante ans et dont seul l�objet de la d�votion change avec l�homme au pouvoir ? Qui peut les croire ? Tout est pareil. Bien s�r, � un moment ou � un autre, il faudra repeindre la fa�ade, faire croire qu�une �tape nouvelle est entam�e. A d�faut d�un gouvernement neuf, il faut bien un nouveau gouvernement. A l�heure o� je te cause, on se contente de sp�culer. Les desseins de ceux qui d�cident �tant aussi imp�n�trables que ceux de la fortune, il est hasardeux de risquer des pronostics. Mais essayez d�imaginer de jeunes talents sans terre aux semelles entrant au gouvernement plut�t que courant les planches pour se transformer en harraga ? C�est de la fiction. Imaginez des jeunes porteurs d�id�es neuves et non pas des �dent�s du souvenir dont la seule comp�tence reconnue est une sorte de reflexe pavlovien � sauver le syst�me contre le peuple. Tu r�ves, oui ! A croire qu�on ne peut imaginer, dans ce pays, un gouvernement sans Ould-Abb�s et Benbouzid, pour ne citer qu'eux. La mal�diction dont parlait Rachid Mimouni semble comme une donn�e fatidique dans ce pays. On te pr�pare une �lection pr�sidentielle avec un tralala qui a tout de l��v�nementiel (pour puiser dans le pathos du showbiz), et une fois le truc accompli, on revient au statu quo ante. On reconduit les m�mes ou presque, on rechante les m�mes airs, on r�p�te les m�mes gestes, on projette le m�me avenir sans avenir et, en prime, plut�t en d�prime, un prix du p�trole qui descend au-dessous de celui des chaussettes. Il ne serait pas inint�ressant d�entreprendre une sociologie de la gouvernance en Alg�rie. Qui gouverne, il vient d�o� et il propose quoi en comp�tition contre quoi ? Ces questions peuvent donner des r�ponses sid�rantes qui souligneraient ce que l�on sait d�j� de fa�on empirique : les crit�res d�accession m�me aux minist�res techniques rel�vent moins de la comp�tence que de la r�compense. Cette tradition qui consiste � distribuer les portefeuilles minist�riels comme un bien propre n�est pas l�apanage de l�Alg�rie. Mais ailleurs, souvent, la pr�f�rence se porte sur telle personne en r�compense de quelque chose (voyez la France, par exemple) mais il est n�cessaire que l�heureux �lu poss�de une comp�tence et une l�gitimit�. Ici, on te sort des sous-fifres et on te les bombarde, pour des raisons d�appartenance tribale ou de client�lisme, en ministres ou sous-ministres. Il y aurait aussi, et ce serait sans doute plus passionnant, une �tude psy � faire de la gouvernance. Comment soigner le post-traumatisme de l��jection d�un gouvernement quand on y a pass� la moiti� de sa vie ? C�est terrible, cet atterrissage forc� Dans le chapitre �c�est la m�me chanson�, on voit bien le d�pit de Louiza Hanoune s��criant �bahdlouna� en r�action au bidouillage des chiffres de l��lection pr�sidentielle. L�expression de ce rejet est elle-m�me un air connu. Pas moins que tous les Alg�riens, la chef du PT n�ignorait pas, avant m�me que �a arrive, qu�ils peuvent aller loin dans la tbahdila. C�est un bon refrain de jouer puis de crier au match truqu� apr�s. Oui, on se r�veille sous le ciel d�un troisi�me mandat et n��taient les quelques signes qui indiquent que le temps est pass�, peut-�tre m�me � reculons, on se croirait dans cette p�riode d�avant qui faisait esp�rer un apr�s meilleur qu�avant. Mais, non, nous, pas bouger, c�est encore la meilleure fa�on de rester nous-m�mes. A. M. P. S. d�ici 1 : Ainsi, �nos� artistes, celles et ceux qui expriment ce que nous sommes, n�ont pas eu droit au chapitre � la distribution des Tanit. Tu me diras que les Tanit, c�est comme toutes les r�compenses : �a n�exprime que le go�t de deux ou trois personnes qui se croient autoris�es � classer les gens et les genres. Mais quand m�me ! Ce complexe vis-�-vis de l��tranger, du Moyen-Orient en particulier, doit trouver son explication dans une auto-inf�riorisation de certaines de nos �lites. On s�en tanne, des Tanit ! A nos com�diennes et com�diens alg�riens, qui nous font r�ver, rire, r�ler, qui expriment l�essence de notre �tre pluriel, collectif et si singulier, nous disons en ch�ur : �On vous aime�. Ca vaut toutes les r�compenses du monde. P. S. d�ici 2 : Ammi Mohand- Amokrane s�en est all�, en catimini. Il a emport� avec lui la bonne odeur de la terre de l�Alg�rie profonde, honn�te, travailleuse, solidaire, dont il �tait un h�ros ordinaire et involontaire. Toute sa vie, il aura travaill� de ses mains pour �lever ses nombreux enfants, le c�ur aussi vaste que sa patrie. Il a fait grandir ses enfants et son pays par son humilit�. Qu�il repose en paix apr�s cette vie de boulot !