Non, je n'ai pas chang� ! Arm� de la patience de Job, j'habite toujours � la m�me adresse, ce bidon-douar o� ma baraque se trouve. Mon courrier m'�tant rapport� par l'�picier du coin, qui me fait cr�dit sur mes trois mille dinars de baril social. Heureusement ! Sinon comment aurais-je pu recevoir ma majestueuse lettre recommand�e officielle, qui m'a r�confort�, m'a soulag�, m'a fait sentir que j'existe d�sormais ! Le p�trole national me conna�t, je suis comptabilis�, mon nom figure sur les listes parmi les barils... Non, je n'ai pas chang� ! Bien qu'ayant �t� assomm� par le syndrome anesth�siant �Khalifa et consorts�, j'avais commis cette maladresse de n'avoir pas sign� sur les listes �lectorales, je suis toujours cet humble et simple citoyen qui, �tant forc� de croire au p�re No�l distribuant : couffins de Ramadan, tabliers et cartables ... conserve jalousement sa pr�cieuse et imposante carte de vote pour d'�ventuels avantages p�trol�s... Non, je n'ai pas chang� Je suis toujours ce na�f et fid�le cha�b lekhdim que le souvenir des millions de chouhada fait battre le tambour de son c�ur meurtri par les sacrifices des ann�es de braise et paradoxalement d�sorient�, perdu, ahuri et stup�fait par celui des milliards qui �chappent aux caisses et atterrissent sur les colonnes des journaux ? ! Non, je n'ai pas chang� ! Je pleure toujours mon fils dissout dans le brouillard des haraga, faute d'avoir des sachets imperm�ables de Khalifa Airways ? Non, je n'ai pas chang� ! J'ai continuellement le nez cass� par les dos-d'�ne de ma p�nible vie quotidienne, r�duite � la mendicit� p�riodique aupr�s de ces bureaux o� pour pr�tendre aux 3 000 DA de la rentr�e scolaire comme aux 3 000 milliards, il suffit de pr�senter un �dossier� comme Mme Dalila...? Non, je n�ai pas chang� ! Je suis et demeure ce Numidien,� cet Alg�rien, au nif d�acier durci et au c�ur r�volt� par les battements de la libert�, g�n�reux jusqu�� la derni�re goutte rouge�tre, � s�offrir, en offrande � r�p�tition, sur l�autel des martyrs �inconnus� pour purifier la terre sacr�e de mes a�eux� Non, je ne changerai jamais ! Tant que je respirerai l'air du pays d'Apul�e, de Jughurta, d'Abdelkader, de Bou�mama, de Zabana, de Ben M�hidi et leurs semblables. Je me contenterai de mon couscous quotidien au pseudo lait bouilli � pr�par� par madame A�ni Lekhdima, avec un oignon et aromatis� par une pinc�e de poivre noir �, en racontant � mes enfants les contes de la m�chante sorci�re...