Alors que l�on comm�more aujourd�hui les massacres voil� 48 ans par le pouvoir colonial fran�ais d�Alg�riens qui manifestaient pacifiquement � Paris contre le couvre-feu qui leur �tait impos� ; alors que cette ann�e, comme toutes les ann�es pr�c�dentes � la m�me date, des rassemblements sont pr�vus pour r�it�rer toujours les m�mes demandes non abouties encore � reconnaissance officielle des crimes commis par l�Etat fran�ais ; acc�s libre aux archives pour les historiens et citoyens et d�veloppement de la recherche historique sur ces questions dans un cadre franco-alg�rien et international � la France continue de refuser de faire face � son pass�. Nous avons pens� utile d��voquer, pr�cis�ment avec un historien, ce pan de notre histoire et de lui demander pourquoi cet autisme de l�Etat fran�ais et o� est-on aujourd�hui dans cette �criture de l�histoire. C�est Pascal Blanchard que nous avons choisi. Historien et chercheur, entre autres au CNRS, il a consacr� toute son �uvre � l�histoire coloniale (45 livres et 4 films) et a travaill� sur une quinzaine d�expositions sur le sujet, parce que, dit-il, �c�est son histoire�. Et de pr�ciser : �Je n�ai pas �pous� une Alg�rienne ; ma femme n�est pas antillaise ; mon petit gar�on est blond ; mes parents n��taient pas pieds-noirs et � la fac, j�ai fait histoire africaine. J�ai trouv� �a int�ressant, c�est mon histoire et j�ai voulu travailler sur mon histoire.� De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed Le Soir d�Alg�rie : Nous sommes � la veille de la comm�moration des massacres du 17 octobre 1961 d�Alg�riens qui manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu qui leur �tait impos� et contre l�occupation coloniale de leur pays. Cette ann�e et comme toutes les ann�es pr�c�dentes, allons-nous assister encore � des d�p�ts de gerbes de fleurs sur la place Saint-Michel et dans quelques municipalit�s, dans le meilleur des cas avec certains maires de gauche ; entendrons-nous encore r�it�r�es les m�mes exigences de v�rit� sur ce qui s�est pass� et continuer � observer que l�Etat fran�ais est toujours sourd et tourne le dos � son histoire ? Pascal Blanchard : Je pense que cette ann�e, nous ne verrons pas beaucoup plus et pas autre chose que ce que l�on a vu les ann�es pr�c�dentes : il y aura quelques d�p�ts de gerbes de fleurs essentiellement � Paris et je rappelle que la plaque comm�morative � Saint-Michel appos�e il y a quelques ann�es est le fait de la municipalit� et pas de l�Etat fran�ais. Les manifestations, cette ann�e, seront beaucoup plus discr�tes. Il y aura naturellement quelques articles dans la presse, mais gu�re plus. Ce n�est pas � proprement parler li� sp�cifiquement au 17 octobre mais cela est � rattacher � un contexte beaucoup plus global en France. En 2005/ 2006 qui a �t� le point d�apog�e de la r�flexion sur la m�moire coloniale dans ce pays � travers la promulgation de la loi de f�vrier 2005, de tr�s nombreux d�bats s�en sont suivis, des num�ros sp�ciaux de grands titres de la presse g�n�raliste et sp�cialis�e relayaient ces d�bats. Cela a �t� un moment o� la question coloniale a �t� au c�ur de la soci�t� fran�aise. Or, aujourd�hui, nous sommes en train d�assister � une immense phase de reflux. Qu�est-ce qui explique ce reflux et comment se manifeste- t-il ? Cette phase de reflux est li�e � trois choses. La premi�re vient du trop-plein dans l�opinion. J�entends tr�s souvent, depuis 1 � 2 ans, des gens nous dire, �non, vous n�allez pas encore nous parler de �a�, 17 octobre, m�moire, histoire� je dois dire que c�est un sentiment assez g�n�ral. En deuxi�me lieu, il y a eu une contre-attaque qu�on pourra appeler le mur de l�Atlantide de la m�moire ou de l�histoire qui s�est lev� � travers de nombreux �crits comme ceux, par exemple, de Max Gallo, de Pascal Bruckner, d�un Paoli ou d�un Daniel Lefeuvre. Ce dernier ayant �t� le crois� de cette campagne qui a donn� le sentiment que parler de l�histoire coloniale c��tait s�attaquer � la nation fran�aise, s�attaquer � sa m�moire, � son histoire, c��tait �tre un repentant, c��tait �tre un mauvais Fran�ais. Cela rappelle d�ailleurs le discours des ann�es 20/30 o� on d�clarait �le communisme, voil� l�ennemi�. Je pense que le contre-feu qu�ils ont allum� a �t� particuli�rement efficace, autrement dit l�opinion s�est dit �il y a un danger � aborder ces questions d�esclavage, de m�moire, d�immigration�, et cette contre-attaque a �galement cr�� une crispation des autorit�s publiques qui auraient la potentialit� de comm�morer ou de parler de ces questions. Et, enfin, et je pense que cela va vous surprendre que �a vienne de moi, les d�bats ont chang�. Ce qui �tait de l�ordre du combat de quelques intellectuels et de quelques chercheurs autour des faits majeurs comme la guerre d�Alg�rie, la torture, le 17 octobre 1961, ces combats-l� ont fait leur temps. C�est en effet plus qu��tonnant d�entendre �a. Ces combats sont alors, selon vous d�pass�s. Pourquoi donc ? Ce n�est pas qu�ils sont d�pass�s, ils ont, d�une certaine mani�re fait leur �uvre. Ils ont permis une premi�re strate de prise de conscience : on a d�couvert � travers ces �v�nements que ce qui s�est pass� aux colonies �tait un fait tr�s diff�rent, en termes de traitement de l�histoire, de ce qu�on nous racontait et diffusait dans les manuels et dans les opinions. Cette premi�re strate a permis aux manuels scolaires d��voluer et aujourd�hui les manuels de 2010 ne sont plus ceux de 1990. On peut parler de la torture ; de la guerre d�Alg�rie ; du 17 octobre�Mais l� n�est pas le propos. Aujourd�hui, nous sommes face � la complexit� du pass� colonial � l�aune des pr�sences migrantes sur le territoire national ; � l�aune de probl�mes que certains appellent l�identit� nationale ; � l�aune du comment construire le vivre-ensemble et le devenir, tout cela fait que ces questions vont devoir �tre formul�es autrement, parce que la g�n�ration actuelle n�a pas les codes ou les cl�s de d�codage de la g�n�ration qui est la n�tre. Nous �tions capables de comprendre dans les ann�es 80/90 les enjeux du 17 octobre par exemple, la pr�sence ou la l�gitimit� de l�immigration maghr�bine en France, le devoir de m�moire � travers cette histoire ; l�histoire de nos p�res ou pour certains de nos grands-p�res qui avaient lutt� ici � leur mani�re et avaient rencontr� ici � Paris, l�adversit� et la violence. Cette histoire correspondait � une �poque. Aujourd�hui, il y a besoin de recontextualiser tout cela dans ce qu�a �t� l�entreprise coloniale. Et en remettant tous les �l�ments historiques dans le contexte de l�empire colonial fran�ais, vous pensez �tre plus entendus, plus saisis par la nouvelle g�n�ration ? Quelle approche allez-vous alors adopter pour vous faire entendre ? Ce qu�attend la nouvelle g�n�ration, c�est une autre grille de lecture. Elle ne fonctionne pas avec les codes de la g�n�ration qui a connu le combat des ann�es 70/80/90. Nous sommes � peine en train de repenser la mani�re avec laquelle nous devons retransmettre ce pass�. Pour �tre plus explicite, je vous dirai que c�est ce qui s�est pass� dans les ann�es 70/80 autour de Vichy apr�s ce qu�a �t� l�impact du livre de Julian Jackson, les historiens fran�ais ont mis 10 ans jusqu�au milieu des ann�es 80 pour repenser la mani�re de traiter Vichy. Cela a �t� un choc �norme. Cet historien est arriv� comme un extra-terrestre, personne ne comprenait ce qu�il �crivait sur la France de Vichy et au bout d�une dizaine d�ann�es, les historiens fran�ais ont commenc� � travailler dans une nouvelle appr�hension de cette histoire, loin des mythes et des mythologies, loin des r�sistants et des collabos, en essayant d�appr�hender ce qu�a �t� Vichy autrement que ce que leurs a�n�s avaient fait. Eh bien je pense que le devoir des historiens actuels est aussi de repenser la mani�re de parler de l�histoire coloniale. C�est d�abord la dialectique et l�engagement colonial de la France qu�il faut d�crypter, stratifier dans ce qu�il a �t�. En quoi il nous a influenc�, en quoi il a �t� � un moment donn� partie int�grante de la R�publique. En quoi il a m�me �t� � un moment donn� en phase avec les valeurs de la R�publique pour les gens de cette �poque pour revenir � ce qui est aujourd�hui de l�ordre de l�inacceptable dans les pratiques de la R�publique et par l�inverse. Pour faire simple, la torture n�est pas un acte anormal dans une R�publique coloniale, elle en est l�aboutissement normal. Je me rends bien compte qu�aujourd�hui, nous sommes inaudibles et que les gens ont le sentiment que m�me si on fait un travail d�historien, l�on fait un travail de militant. Je n�arr�te pas d�expliquer que je ne fais pas un travail de militant mais une t�che d�historien, mais ce n�est plus compr�hensible dans les codes du temps d�aujourd�hui. Nous sommes en train de reprendre l�apprentissage pour red�coder toute la grille de cette relation coloniale extr�mement complexe qu�a �t� la relation de la France au monde pendant 4 si�cles. Ce n�est pas un hasard si la question de l�abolition de l�esclavage et de ses m�moires a explos� en m�me temps que la question de la guerre d�Alg�rie dans l�opinion, avec le livre d�Aussaresses. Les ann�es 2000, c�est tout cela : la question noire, l�esclavage, la loi Taubira, l�Alg�rie, la m�moire, la torture, la reconnaissance, la guerre� Tout cela en dix ans. Aussi, il nous faut retisser une toile de lecture qui est en quelque sorte en antinomie avec les lectures des g�n�rations pr�c�dentes et en m�me temps nous ne sommes pas dans un terrain neutre� Justement quel est le contexte dans lequel vous travaillez aujourd�hui et �voluez dans l��criture de l�histoire coloniale et quelles forces ou mouvements en pr�sence rendent ce terrain non neutre ? Il y a au moins deux populations qui ont, par rapport � cette histoire, une difficult� d��me. D�un c�t�, ce sont les pieds-noirs qui sont quelque part entre deux histoires, entre deux mondes et qui sont souvent d�ailleurs aujourd�hui les enfants ou petits-enfants de pieds-noirs. Ce n�est pas un hasard si l�on voit que les r�gions o� les st�les ont �t� d�pos�es c�est Toulon, B�ziers, Aix-en-Provence, Marseille, Montpellier o� les m�moriaux et st�les se multiplient et ce n�est pas non plus un hasard si dans les conseils municipaux de ces r�gions lors des comm�morations les enfants de rapatri�s se font entendre au nom de leurs p�res ou grands-p�res et au nom de cette terre que leurs parents auraient quitt�e. De l�autre c�t�, celui des enfants de l�immigration, nous n�avons pas, non plus, un terrain neutre au niveau de la m�moire. Lorsque ces enfants d�immigr�s ont �t� voir le film Indig�nes ils allaient voir un grand-p�re potentiel, une histoire de l�gitimit� potentielle. Les deux sont en quelque sorte dans un mirage d�une histoire dont ils n�arrivent pas � d�nouer le fil et n�arrivent pas � poser leur histoire dans un pays qui ne leur a pas laiss� la place � cette histoire. Je ne parle m�me pas des harkis assis entre deux chaises, entre ces deux m�moires. Toute cette population fait 10 millions de personnes, autrement dit le sixi�me de la population fran�aise. Ces gens agissent sur le ph�nom�ne m�moriel et agissent quelque part sur nous les historiens parce qu�ils nous fabriquent un contexte que j�appellerai non neutre. On est en train de parler d�une histoire qui est encore sur la peau de certains, dans les g�nes d�autres, dans la culture de certains, dans la m�lancolie m�me ou la nostalgie de certains et vous savez comme moi que la nostalgie, l�ADN (je peux me permettre ce mot-l�), la culture, l�identit� la m�moire, la transmission sont des mots qui vont rarement bien avec le mot histoire parce qu�ils am�nent de l�affect, de la frustration, voire de l�id�ologique. Aussi, le 17 octobre ne peut �tre lu et d�cod� que lorsque l�on conna�t tout le processus et notamment le conflit en France entre l�Etat fran�ais et le FLN et � l�int�rieur du mouvement national alg�rien entre le FLN et le MNA. On ne peut comprendre ces �v�nements qu�� travers aussi l��tat d�esprit de la police � ce moment-l� qui, quelque part, a sa derni�re occasion de se venger de 8 ann�es de guerre. Plein de choses tr�s compliqu�es d�une violence coloniale qui �tait tr�s lointaine et qui arrive dans la capitale de cet empire qui n�avait pas connu cette violence si ce n��tait le 14 juillet 1953 mais qui avait touch� tr�s peu l�opinion publique. D�un coup, il se passe ici ce qui se passait dans ce monde colonial l�-bas. On tue ici alors qu�avant, on tuait l� bas, et c�est tr�s lointain. Tout cela est dur � expliquer aux g�n�rations actuelles et quelque part, elles en sont aujourd�hui dans une n�gritude et se demandent o� est l�id�ologie dans le comm�moratif. Je suis � me demander si parler dans ce contexte du 17 octobre n�est pas d�une certaine mani�re avoir choisi un pan de l�histoire. Nous sommes en train de r�gresser sur la mani�re d�appr�hender ces questions, et ce, depuis deux ou trois ans. Je pense que nous sommes avec l�histoire coloniale, l�histoire de la relation franco-alg�rienne dans un flux-reflux permanent et c�est ainsi depuis 30 � 40 ans. Pourtant, on aurait pu imaginer qu�apr�s l�immense production d�ouvrages sur cette question (Benjamin Stora en a recens� 2 500), apr�s les nombreux colloques et expositions, nous aurions d� maintenant rentrer dans la petite bo�te des m�moires conflictuelles pour entrer dans la grande bo�te les m�moires partag�es, travailler avec les historiens alg�riens, produire un savoir commun qui ne devrait m�me plus faire d�bat et qui devrait pouvoir �tre transmis des deux c�t�s de la M�diterran�e. Quelle cl� de sortie alors pour parvenir � cette grande bo�te des m�moires partag�es ? Je n�ai pas les cl�s de sortie, mais j�essaye, en tant qu�historien d��tre souvent � l��coute du temps pr�sent. Et en ce moment, nous avons perdu une bataille face � ce qu�on pourrait appeler les �anti-repentants�. Je pense que la repentance n�existe pas mais les �antirepentants � existent et inventent eux m�mes la repentance. La vague qui s�est lev�e en 2006/2007 et relay�e par de gros titres de la presse a �t� particuli�rement pertinente parce que face � elle, il n�y a pas de pens�e politique en France. Citez -moi un homme politique fran�ais, qui lors de la campagne pr�sidentielle a parl� de la colonisation, en dehors de le Pen qui dans un clip lors de la campagne de 2002, montre des images de paras en Alg�rie et en Indochine. Citez-moi un homme politique qui aurait le courage d�aborder ces questions dans une campagne �lectorale. Il n�y en a pas, � part Christine Taubira et encore, elle a d� mettre un b�mol dans sa campagne parce que c��tait trop complexe. Parce que nous avons affaire � un pays o� il y a encore l�outre-mer ; c�est complexe aussi par rapport � son immigration ; par rapport aussi � sa diplomatie avec l�Afrique, avec le Vietnam, le Laos, le Cambodge, Madagascar, le S�n�gal, l�Alg�rie, le Maroc, la Tunisie� La France est encore dans ce syndrome complexe qui s�appelle la francophonie. Et dans tout �a, le 17 octobre a correspondu � un point d�encrage � la fois de l�embl�matisation d�une m�moire inaudible et d�une histoire qui ne passe pas. En m�me temps, le 17 octobre a trop �t� associ� � de la militance et il est aussi rejet� pour cela. Dans ce contexte-l�, il est plut�t �loign� par le politique et le comm�moratif plut�t que rapproch� comme embl�me qui pourrait �tre une parfaite le�on d�histoire � enseigner aux jeunes g�n�rations. Voil� pourquoi je pense qu�il y aura beaucoup moins de comm�morations ; beaucoup moins de fleurs, un peu moins de plaques et tr�s peu de politiques qui en parleront et d�articles de presse sur cet cette date. Le 29 septembre dernier, � l�occasion de la journ�e nationale d�hommage aux harkis, Hubert Falco, secr�taire d�Etat � la d�fense et aux anciens combattants, a confirm� ce qu�avait annonc� une ann�e et demi auparavant Fran�ois Fillon, � savoir �la cr�ation en cours d�une fondation pour la m�moire de la guerre d�Alg�rie�. Le contexte de cette annonce, en l�occurrence cette journ�e d�hommage aux harkis, ne porte-t-il pas en lui-m�me l�orientation que va prendre cette nouvelle institution. Par ailleurs, est-ce dans ce type de structures que l�on peut produire ou s�appuyer sur des �travaux historiques s�rieux� comme annonc� dans le communiqu� officiel ? Il y a trois aspects dans votre question. Est-ce que l�on peut s�appuyer sur une fondation s�rieuse et d�politis�e, je r�pondrai oui, cela est tout � fait possible. Une fondation qui ne repose pas sur le politique, qui soit totalement ind�pendante, avec un conseil scientifique. Mais en l�occurrence, ce n�est pas le cas. Ce n�est pas une fondation neutre, et ce, pour trois raisons. C�est une fondation inscrite dans une loi tr�s particuli�re � celle de f�vrier 2005 sur les bienfaits de la colonisation � en m�me temps d�ailleurs que le m�morial de Marseille. Tout le monde se polarise sur cette fondation, mais il faut souligner au passage que le m�morial qui a �t� �rig� � Marseille l�a �t� en partenariat avec l��ducation nationale, ce qui est plus grave car si les adultes historiens sont capables de prendre leur distance, c�est plus difficile pour les enfants des �coles. Ce m�morial, comme la fondation, est li� � cette loi et de ce fait, on d�j� un boulet au d�part. En �tant associ�e � cette loi, cette fondation est n�e avec le signe de la mort. En deuxi�me lieu, en associant cette cr�ation aux harkis, on joue sur une relation ambigu�, sur ce que l�on peut appeler l�affect. Si la question harki n��tait pas aussi probl�matique dans la soci�t� fran�aise, il y a longtemps qu�on en parlerait plus. Le fait d�associer cette fondation � la m�moire harki, c�est une certaine mani�re se d�douaner sur une valeur dite positive sur le sort des harkis. Une fondation dont le seul et l�unique but est de neutraliser d�une certaine mani�re la lecture de l�historiographie du pass� de la France en Alg�rie. En associant la question harki � cette fondation, on veut donner le sentiment qu�on se pr�occupe de tout le monde. A cet effet, ce n�est pas seulement scandaleux, c�est totalement manipulatoire, y compris d�ailleurs pour la m�moire et la population harki de France. Et en troisi�me et dernier lieu, la mani�re et la m�thode avec lesquelles cette fondation a �t� cr��e est tr�s r�v�latrice. Ce n�est pas l�ensemble des historiens qui ont �t� invit�s � la r�flexion. L�on voit bien que c�est un clan, pour ne pas dire plus, qui est en train d�avoir la mainmise sur cette fondation et qui va d�ailleurs y arriver. Ce clan, vous le retrouvez par exemple dans le dernier num�ro de la revue mensuelle Historia (que Blanchard nous montre) et qui titre, �a ne s�invente pas ! �Colonisation, pour en finir avec la repentance�. Ce que je veux dire par l� c�est que pour ces trois raisons, cette fondation est non pas appel�e � ne pas exister, elle sera, ne r�vons pas, parce que dans le contexte �lectoral, c�est dans la pure continuit� du discours de Toulon, de la campagne �lectorale de 2007 de Nicolas Sarkozy. Il fait une aude et un hommage � la colonisation fran�aise et �lectoralement cela lui co�te moins cher que de construire des routes, des �coles et des dispensaires. C�est plus facile pour aller chercher les voix les plus ultras, et cette fondation est la voix la moins ch�re pour tenter de gagner des voix � la veille d��lections r�gionales qui s�annoncent difficiles. La loi sur les archives vot�e en 2008 permet-elle aujourd�hui d�avancer dans l��criture de l�histoire ? Aujourd�hui, sur la question coloniale, les archives sont souvent la couverture par laquelle se parent certains chercheurs pour dire qu�on les emp�che de travailler. Il faut un devoir de v�rit� sur ces questions parce qu�il y a des faux semblants qui perturbent. Le probl�me ne se situe pas aujourd�hui au niveau de l�acc�s aux archives. Cela ne veut pas dire que toutes les archives sont ouvertes. Il y a � se battre pour que de nouvelles archives soient ouvertes sur la guerre d�Alg�rie, sur la politique de r�pression, sur le contr�le des travailleurs maghr�bins en France et encore, globalement, nous y avons acc�s jusqu�aux ann�es 1970. Ce n�est pas cela qui nous emp�che de travailler. Ce n�est pas l� qu�il y a le point le plus complexe de notre probl�matique. Et pour revenir � votre premi�re question sur le 17 octobre, ce qui est essentiel dans le 17 octobre, c�est ce qui s�est pass� ici mais c�est aussi et d�abord ce qui s�est pass� depuis 130 ans l�-bas. Il faut rendre hommage � ceux qui sont morts, qui ont �t� tortur�s mais au-del� expliquer que ce qui s�est fait en ce 17 octobre 1961 se faisait l�-bas et si l�on arrive � comprendre cela, on comprend ce qu�ont endur� les Alg�riens pendant 130 ans et tant que cette date n�est pas reconnue officiellement comme date comm�morative de massacres ce sera toujours un acte militant de d�poser une gerbe de fleurs. Tout le probl�me est de savoir quand se fera cette reconnaissance. A mon avis, pas avant une vingtaine d�ann�es.