On aurait tendance � croire que la vie d�artiste � tous genres confondus � est un long fleuve tranquille sur lequel, � fleur de courant, flotte ind�finiment ce parfum enivrant qu�aiment � respirer fans et scotch�s de la t�l� En fait, entre envies et jalousie, entre int�r�ts sordides et x�nophobies absurdes, ces parcours sont pleins d�emb�ches et cachent de dr�les de r�cifs. Certain noms, plus ou moins cabotins, y �chouent rapidement sous l��il amus� et parfois cruel d�une t�l� toujours press�e de devoir renouveler �son cheptel de stars�. D�autres, non. C�est pr�cis�ment le cas de deux monstres sacr�s, toujours en haut de l�affiche, contre vents et mar�es. Ils r�sistent aux sir�nes de l�oubli en narguant le compteur des ann�es et d�rangent assur�ment par leur talent, leur sinc�rit� et par ce qu�ils ont en commun : l�amour d�un pays nomm� Alg�rie ! Oui, Warda El- Djaza�ria et Guy Bedos que rien ne pr�dispose apparemment � la rencontre m�diatique dans ce fouillis o�, parait-il, se retrouvent dans la rime intime qui se dispute d�s qu�avec enfance r�sonne errance� Warda, et les ��gypti�neries� R�cemment, � Alger, pour la comm�moration du 1er Novembre 1954, dans un concert � la salle Atlas curieusement snob� par nos gros m�dias t�l�command�s, la grande dame au r�pertoire exceptionnel s�est retrouv�e, encore une fois, en bas de l��chelle car �oblig�e� de broder sur les bassesses �gyptiennes li�es au ballon rond. De retour en �gypte, m�me traitement r�ducteur devant une journaliste qui a d� apprendre son m�tier dans une �cole h�teli�re. C��tait lundi dernier, en matin�e, sur une cha�ne estampill�e Mazzika et l�, exit le projet du nouvel album de la diva en contrat avec Rotana, exit l��tat de la chanson arabe envahie par la techno et la �jeel music �, exit l��ventualit� d�un nouveau feuilleton � la t�l� : la pseudo journaliste (pr�pos�e pourtant � une �mission dite artistique) tenait mordicus � des �takahounettes� (pronostics) en pr�vision du chaud �gypte-Alg�rie d�aujourd�hui. Visiblement mal � l�aise devant pareilles fadaises visant � engager la grande Warda dans le caniveau pol�miste, notre ambassadrice de charme s�est content�e de recadrer gentiment sur la m�chancet� gratuite d�une Mayada El-Hanaoui, sur ses exp�riences artistiques (Baligh Hamdi, Marwan Khouri�), sur le monde artistique tel qu�il est aujourd�hui. L�aplomb de la cantatrice aura donn� de l�int�r�t � ladite �mission de promotion, mais un go�t de cendre nous est rest� en travers de la gorge ! Nous aurions aim� r�entendre des extraits de �Khalik Hina�, �Min Ba�d�, ou �Haramt Ahibek�. Nous aurions aim� aussi quelques v�rit�s sur l�animosit� v�cue en terre d�Egypte par celle qui n�a jamais voulu jouer (par respect !) sur le registre d�Oum Keltoum. Nous aurions aim� enfin r�entendre l�intime confession d�une artiste tiraill�e par des sentiments d�appartenance riche, vari�e et� jalous�e. Fille d�un p�re alg�rien originaire de Tiffech, pr�s de Souk-Ahras et d�une m�re libanaise, Warda est n�e � Paris o� elle a des inconditionnels capables de venir remplir le stade de France, rien que pour ses beaux yeux. Mais de tout ce parcours noble et appr�ci� par les puristes de la chanson dans sa dimension universelle, l��mission en question n�avait cure que pour des �gypti�neries. Guy Bedos, l��corch� vif L�autre nom qui aura retenu l�attention d�un ��il en coin�, pas forc�ment ali�n� par la seule et unique �fen�tre sur cour� ne donnant que sur le Cairo Stadium, est Guy Bedos. Humoriste, homme de th��tre, de t�l� et de cin�ma, le natif de Souk-Ahras aura bien rempli la case hebdomadaire du vendredi soir sur France 5. �Empreinte� est le titre de l��mission qui suintait de sinc�rit�, ce jour-l�. Pas d�interviewer, pas de commentateur, rien qu�une cam�ra et un micro r�v�lateur d�une sensibilit� � fleur de peau pour un saltimbanque pourtant jamais avare de propos graveleux. Guy Bedos ne tarie, bien s�r, pas d��loges quand il nous fait visiter son coin de paradis, la Corse, o� il poss�de une maison et qui lui rappelle les senteurs de sa prime jeunesse� Une prime jeunesse que de fois �voqu�e entre une m�re juive �invivable� et un p�re chr�tien, fort en gueule, bagarreur mais trop �l�che� pour n�avoir pas foutu une trempe � son �pouse, de temps � autre. Cela se passait entre Souk-Ahras et Constantine, les deux villes o�, dit-il, il s�est forg� une personnalit� qui lui interdira d�aller combattre �les Arabes avec qui il vivait�, � l�or�e des ann�es de guerre de Lib�ration. Se faisant reformer pour troubles psychiatriques (�), l�objecteur de conscience entamera alors une carri�re qui n�en finit pas de d�rouler un humour corrosif � la mesure d�un talent refusant la compromission, le l�che-bottes et les joyeuset�s d�un syst�me plus x�nophobe qu�homophobe ! Et l�, Bedos en g�ne plus d�un avec ses sketches, ses revues de presse et ses prouesses artistiques. Ainsi donc, sous l�aimable fondation des jacinthes d�eau, le long fleuve n�est jamais tranquille pour les artistes confront�s � l�absurdit� du chauvinisme primaire. Sorte de citoyens du monde, Warda et Guy ont malgr� tout l�Alg�rie au c�ur et, rien que pour cela, ils m�ritent respect et consid�ration en ce jour o� la fi�vre du samedi soir n�est pas un vain mot.