A partir de l�Egypte, le football continue � jouer les prolongations alors que l�Alg�rie officielle s�efforce de botter en touche � chaque offensive m�diatique. Dans cette 3e mi-temps impos�e unilat�ralement, le vainqueur loyal du 18 novembre n�est, assur�ment, pas serein quoiqu�il l�affirme mais du bout des l�vres. Il se veut, certes, digne face � l�abjection dont fait preuve �l�autre� quand il recourt aux armes prohib�es de l�insulte mais pourra- t-il demeurer plus longtemps indiff�rent aux dommages collat�raux inflig�s � son peuple � travers les atteintes � son honneur ? Sous peine de dilapider en peu de temps un capital patriotique reconstitu� gr�ce au sport, l�Alg�rie n�a d�autre perspective imm�diate que celle de tirer clairement les cons�quences d�un tel m�pris malgr� la d�f�rence de sa diplomatie et le calme feint de ses dirigeants. Il importe peu � l�opinion qu�on lui explique les outrances guerri�res du Caire par les difficult�s de son r�gime. Ce qu�elle exige dor�navant est : comment � la fois changer nos rapports avec ce panarabisme du complot puis le d�cr�ter ici et le faire- savoir hors de nos fronti�res ? Une attente tout � fait � la mesure du troublant sentiment de faiblesse qu�elle impute au pouvoir ou du moins n�en conna�t pas les raisons. En continuant � parier sur une riposte de la m�me magnitude que les r�pliques adverses ne fait-elle pas preuve d�une lucidit� de strat�ge meilleure � celle que l�on continue � appliquer ? �Quand une bataille est gagn�e, il faut encore la gagner�, enseignent les grands ma�tres du jeu d��checs. Or par cet effacement, suppos� apaisant, l�Alg�rie ne se bonifie pas. En effet, puisque notre cause est d�finitivement entendue aupr�s des Savonarole cairotes pourquoi devrions-nous encore h�siter � dire leur fait � ces imposteurs de la �fraternit� panarabe� ? D�chus de notre �arabit�, parce que nous se serions que des locuteurs bafouillant cet idiome, qu�attendons-nous � notre tour pour repenser par nous-m�me notre identit� en dehors de ce pr�suppos� crit�re linguistique ? Celui qui, comme on le sait, avait exclusivement servi de ciment id�ologique au nass�risme h�g�monique au milieu des ann�es 50. Certes le d�bat autour de la langue nationale est aussi vieux que le mouvement de lib�ration sauf que toutes les fois o� il en a �t� question, il fut frapp� du sceau de l�inquisition. Ce que les �lites politiques se sont obstin�es � imposer comme un tabou (depuis la fameuse injonction de Benbella en 1963) nous est aujourd�hui d�ni� et retir� � partir du magist�re �gyptien avec une telle ind�cence dans l�argument qu�il ne nous reste plus qu�� refaire l�inventaire de notre patrimoine identitaire � la lumi�re de cette salubre exclusion. En effet, le communautarisme (oumma) arabe qui pr�tend faire de l�inalt�rable partage d�une langue son alpha et son omega ne nous renverrait-il pas � nous-m�mes et � nos singularit�s idiomatiques ? Les clercs locaux qui durant un demi-si�cle souscrivirent, avec un enthousiasme de revanchards, � cette condition draconienne ayant mutil� notre identit�, ne sont-il pas en devoir d�avouer cette faute originelle dont ils ne mesur�rent jamais les cons�quences tant que la d�magogie politique servait de cache-mis�re civilisationnel ? Eux qui irrigu�rent notre credo �nationalitaire� � partir de la source de la langue jusqu�au culte d�un panarabisme matriciel ne se retrouvent-ils dans la condition de r�pudi�s au m�me titre que la foule authentique du 18 novembre dont la langue h�rissa les puristes �azhariens� qui inspir�rent le d�cret de notre d�ch�ance ? Or c�est cette alg�rianit�, perdue en cours de route, que nous avons r�entendue � partir des stades. Faite �d�alt�rit�-diversit�, elle s�est construite sur une volont� de confluences quand les doctrinaires de l�arabisme voulurent � tout prix la priver de plusieurs si�cles de m�moires. Ainsi pour avoir laiss� aux �officiers libres� du Caire et aux ba�thistes de Damas et Bagdad le soin d�indexer l�appartenance � un ensemble civisilationnel au strict usage d�une langue, ne sommes-nous pas laiss�s pi�ger par cet �motif miroir aux alouettes ? Incapables par la suite de nous red�finir n�avons-nous pas finalement amput� la personnalit� alg�rienne de l�essentiel de son originalit� ? Une longue occultation que l�essayiste A. Laroui (1) d�crit comme l�image d�une histoire inaccomplie, d�une histoire-�chec. Puis dans le m�me ordre d�id�es, il citera Kateb Yacine au sujet duquel il dira m�taphoriquement que cet �homme a parl� dans le d�sert et ne fut pas �cout� notamment lorsqu�il �crivait ceci : �Ils ont banni � jamais le seul d�entre eux qui s��tait lev� un matin pour leur confier son r�ve d�obscure l�gende. � Ce �seul d�entre eux�, dans l�espace profane de ce panarabisme de la trahison, pouvait �tre, all�goriquement, ce peuple-proph�te d�Alg�rie qui voulait, aux temps des humiliations, �clairer la route de leur combat et qu�aujourd�hui l�on accable d�injures. Inf�me indig�ne dont la parole est diff�rente et que l�on rel�gue � la marge d�une fantasque arabit� dont l�Egypte serait la gardienne des tables de la filiation. Ainsi, apr�s s��tre impos�e comme l��toile polaire d�un Orient� d�sorient�, cette Egypte-ci en est r�duite � admirer son nombril. Un narcissisme pathologique dont l�Alg�rie doit s�en �loigner et contester. Elle qui ne sait donner le cap qu�en le calculant au sextant de ses obsessions de grandeur peut-elle encore d�crypter le ciel et les horizons autour d�elle ? A-t-elle suffisamment de mesure politique et de vitalit� intellectuelle pour appr�cier la diversit� d�une communaut�, d�un peuple � la mani�re de ces �crivains ayant v�cu en berb�rit� ? Ceux qui, comme Dib, Mameri et Kateb, ont pr�f�r� de leur vivant arpenter les chemins qui vont � t�tons et noter avec scrupule l�exp�rience prodigieuse, parce que hasardeuse, des hommes de leur pays sans �tre tent�s par la sublimation qui est la n�gation de l�humilit�. Non, l�Egypte ne conna�t que les artifices pour bricoler de la majest�, l� il n�y a que plate servilit�, mensonge et manipulation. Nation-baudruche elle pr�tend d�livrer de la lumi�re au moment o� le cr�puscule obnubile sa conscience. L�Egypte utopique a v�cu. B. H. (1)- Abdallah Laroui : �L�id�ologie arabe contemporaine �, �dition Maspero- 1967.