Pots-de-vin ici, passation opaque de march�s l� et d�lits d�enrichissement personnel ailleurs. Les organismes publics sont litt�ralement mis � sac par ceux-l� m�mes qui les dirigent. Une mise en coupe r�gl�e annonciatrice de l�effondrement, � terme, de l�Etat et dont il ne se passe pas un jour sans que les journaux, les plus hardis, ne relatent une nouvelle s�quence de sa pr�dation. Grands P-dg et cadres de minist�res y sont r�guli�rement cit�s en tant qu�acteurs d�lictueux. Parfois, aussi, quelques ministres en sont �clabouss�s. Mais ceux-l� plaident toujours l�ignorance des m�faits qui se sont accomplis � leur �insu�. �Ils ne savaient rien� des pratiques de leurs subalternes, ont r�cemment affirm� les ministres des Travaux publics et de l�Energie. Une justification incantatoire qui leur sert d��chappatoire aux soup�ons de l�opinion. En fait, des postures de dissimulateurs battues en br�che par quelques journalistes dont les r�cents articles apportent de cinglants d�saveux. Simultan�ment, deux quotidiens consacr�rent leur �une� de jeudi � ce sujet. L e Soir d�Alg�rie titrant �Voici pourquoi Chakib Khellil savait� au moment o� El Watan �pinglait Amar Ghoul en soulignant qu�il est clairement �mis en cause�. Des r�v�lations journalistiques qui insistent sur leur complicit� passive dans ce qui s�est pass� dans leurs secteurs respectifs. Or, nos ministres ne savent pas s��mouvoir du parjure m�me quand leur probit� morale est mise � mal. Ils continuent � se r�fugier derri�re l�obligation de r�serve, li�e � leurs hautes charges en se justifiant par le respect qu�ils doivent aux enqu�teurs et la confiance aveugle qu�ils mettent en la justice. Une rh�torique qui a tout l�air d�une d�robade. Or, les turpitudes de Sonatrach et de l�autoroute sont bien r�elles pour exiger d�eux qu�ils se mettent honorablement en cong�, le temps des proc�dures p�nales. En effet, des pr�c�dents semblables, ayant fini par provoquer des aveux compromettants, il se dit, un peu partout, qu�une fois de plus, les futurs proc�s tourneront �galement aux simulacres. Toutes les fois o� la justice a eu � trancher dans des scandales de corruption et de d�tournements financiers (Khalifa, BRC, BCIA), la concussion du personnel politique a toujours emp�ch� le bon d�roulement des proc�dures. L�imbroglio politicoaffairiste rend justement inop�rante la th�rapie de la justice qui non seulement ne dit pas strictement le droit, mais escamote les noms des puissants afin de les �pargner. Le pourrissement de l�appareil d�Etat est tel, apr�s la d�couverte de ces deux scandales majeurs, qu�il appara�t insens� de reconduire les m�mes r�seaux du pouvoir sans qu�� tr�s court terme, l�Etat lui-m�me ne devienne mafieux. Faire table rase des solidarit�s anciennes qui contr�lent les appareils de l�Etat devient un imp�ratif, car la corrosion des digues �thiques a d�finitivement vid� les institutions de la R�publique de toute respectabilit�. La m�fiance de la soci�t� � leur �gard t�moigne de cet abaissement. M�me la catharsis des tribunaux, � laquelle l�on fera encore appel, ne sera pas d�un grand secours pour r�tablir la confiance et redonner de la majest� � ce qui incarnait l�Etat. Une justice d�ficitaire d�ind�pendance est pire que la loi de la jungle. Elle est un exercice de rebouteux qui aggrave son cas par la sc�l�ratesse de ses verdicts. Or ce sont ces �grands� proc�s, amput�s de l�essentiel de la v�rit�, qui r�activent, dans l�opinion, le souvenir d�une promesse non tenue par le r�gime actuel. Celle de lutter, sans merci, contre la corruption et qu�il imputait sans discernement � ses pr�d�cesseurs. �Ces cliques, disait-il, qui n�ont eu de cesse de piller et de rabaisser la dignit� de la nation.� H�las, ce n�est pas tant que l�on n�ait pas tenu parole, dix ann�es plus tard, mais d�avoir �t� permissif plus qu�il n�en faut dans ce domaine. En effet, jamais auparavant, la d�linquance financi�re n�a atteint de telles proportions. M�me la notion �d�abus de biens sociaux� devint un euph�misme pour qualifier un pillage � ciel ouvert. Dans ce cas-l�, lorsque l�ultime scrupule moral vient � manquer � des ministres pour s�opposer � des op�rations douteuses ou, du moins, alerter la haute hi�rarchie, peut-on encore parler d�Etat de droit ? Une bonne R�publique s��difie exclusivement sur une somme de valeurs �thiques vis-�-vis desquelles la d�rogation rime avec entorse � la r�gle. Et que constatons-nous actuellement si ce n�est le contraire ? Plus d�un dirigeant s�en est �cart� au pr�texte qu�il �tait tenu par des devoirs d�ex�cutant ou qu�il �tait fonci�rement de bonne foi lorsque des reproches publics lui sont faits. A ce sujet, n�avait-on pas eu l�occasion d�entendre la repentance d�un grand argentier de l�Etat qui, en guise de justification, �tait venu battre sa coulpe � la barre du proc�s Khalifa (2007) quand il fallait qu�il remette sa d�mission ? Depuis, il b�n�ficia d�une promotion pour avoir avou� son manque de vigilance ! Curieuse R�publique, n�est-ce pas ? S�auto-innocenter est une chose et donner de soi une image respectable en est une autre. Dans les hautes fonctions de l�Etat, le rapport � l�argent et aux affaires est moralement inacceptable, m�me si l�absolution de tous les tribunaux du pays est acquise. C�est l�unique sens � donner � l�action politique et � la vocation du bien public, car tout le reste n�est que tromperie et presque trahison. Changer d�hommes en esp�rant qu�un jour cette R�publique se r�nove, c�est ce � quoi aspire simplement cette soci�t� clairement m�contente de ses dirigeants. Faire la guerre � la corruption ne se r�sume pas � condamner les lampistes et les seconds couteaux de l�affairisme. Il faudra remonter aux sources et aux �deus ex machina� qui commanditent et tirent les ficelles du pillage. Mais �tait-ce encore possible dans l��tat actuel de� l�Etat ? Vaste question.