Chez nous on fait tout faux en matière de football parce que les catégories de jeunes sont presque totalement négligées. Jeudi dernier, Rabah Saâdane était soumis à son premier oral en conférence de presse depuis son installation à la tête de la direction technique national du football algérien (DTN). Il avait choisi de ne pas venir seul et était accompagné de trois de ses adjoints ainsi que du directeur des équipes nationales, Boualem Charef. Ce dernier s'est exprimé en de multiples occasions et on en a retenu une qui mérite un très long débat tellement elle touche au vrai mal dont souffre ce sport dans notre pays. Les vérités de Charef On a vu combien le dernier derby de la capitale entre le Mouloudia d'Alger et l'USM Alger a soulevé de passion. Combien aussi il a été largement couvert par la presse nationale qui y a vu un match de qualité disputé par deux grandes équipes. Un avis que ne partage pas du tout Boualem Charef pour qui ce derby a été sauvé par l'ambiance qui avait dans les tribunes. «Heureusement qu'il y avait la fête dans les tribunes car le public, qui avait compris que le spectacle n'était pas sur le terrain, avait choisi de le créer lui-même et de le transposer à son niveau», a déclaré le directeur des équipes nationales. Boualem Charef venait de dire tout haut que pense tout bas l'écrasante majorité des Algériens, à savoir que nos équipes de football ne savent plus fournir le spectacle auquel le public, qui se déplace au stade, a droit. Plus tard, après la conférence de presse, nous avons pu rencontrer Charef à qui nous avons demandé s'il confirmait ce qu'il venait d'affirmer au sujet du derby de la capitale. «Oui, je le confirme mais attention si les joueurs jouent mal ce n'est pas de leur faute. On ne leur a pas appris à mieux jouer au football», nous a-t-il répondu. On avait compris par là que le footballeur algérien souffre de ne pas avoir reçu le formation requise pour jouer à un niveau appréciable. C'est bien sûr cet aspect de la chose que nous insistons depuis de nombreuses années. Chez nous, on fait tout faux en matière de football parce que les catégories de jeunes sont presque totalement négligées. Or, sans formation il n'y a aucun espoir de voir son élite se renouveler. «Chez nous, on a passé notre temps à former des entraîneurs pour les seniors alors que le plus important est d'en former pour les jeunes», dira Charef. Ce dernier insistera sur le fait que la formation d'un footballeur passe par de nombreuses étapes. «Il faut environ 10 000 heures de travail pour qu'un jeune footballeur puisse atteindre le niveau professionnel», ajoutera-t-il. 1 000 heures contre 200 heures Cette réflexion nous avait vite transposé quelques années auparavant quand l'ex-entraîneur de l'USM El Harrach et de la JS Bordj Menaiel, Brahim Ramdani, nous déclarait que si le jeune Algérien s'entraînait 200 heures par année, le jeune allemand le faisait sur plus de 1 000 heures. «Je pense que le fossé entre les deux va s'agrandir parce que l'Allemand dispose de moyens humains et matériels que n'a pas son homologue algérien», nous avait-il dit. Ramdani était bien placé pour parler de ce problème car il avait eu le privilège d'aller se perfectionner en Allemagne durant quelques années. Ces moyens dont parlait Ramdani sont des maux auxquels on n'a jamais su trouver le remède. Le manque d'infrastructures est suffisamment décrié mais il est toujours d'actualité. Les jeunes catégories continuent à souffrir de la rareté des terrains d'entraînement et à ce jour, en dehors du Paradou AC pas un seul de clubs professionnels ne dispose d'un centre de formation. Dans le domaine de l'encadrement le constat est aussi alarmant puisque les fameux formateurs dont a besoin le footballeur algérien, pour mener à bien une politique de formation, sont inexistants, les jeunes catégories se contentant d'être prises en charge par d'ex-joueurs formés à la va-vite et qui ne savent pas comment apprendre au footballeur comment bien jouer et se mettre au service du collectif. On comprend alors pourquoi Rabah Saâdane a parlé de travail immense qui attend sa structure. Un travail menacé d'échec s'il ne bénéficie pas du soutien et de l'aide de l'Etat mais également et surtout des clubs sans qui rien ne peut être fait en matière de formation. En fait, il s'agira d'aller vers un grande refonte de ce sport dont l'erreur de ceux qui le gèrent à tous les niveaux a été de croire que l'on pouvait jouer au football sans préparer des joueurs pour cela.