1er Yennayer 2968. Demain sera la première fois où le premier jour de l'an amazigh sera célébré à l'ère de sa consécration journée officielle. Une consécration considérée comme étant la réparation d'une lourde injustice infligée à l'identité nationale. Les Algériens célèbrent donc demain le 1er Yennayer 2968, une date historique reconnue enfin par l'Etat et ce, après des décennies de luttes pour la cause amazigh. Il sera fêté dans toutes les wilayas du pays à travers des activités concoctées par les pouvoirs publics et d'autres programmées par le mouvement associatif. Cette date marque l'anniversaire de l'intronisation de Chachnaq comme 1er prince de la XXIIe dynastie pharaonique, après avoir conquis l'Egypte, 968 ans avant notre ère. Fait symbolique, à la veille de Amenzu n Yennayer, un communiqué en tamazight a été rendu public pour la première fois dans l'histoire par une institution officielle, à savoir le ministère de l'Intérieur et des collectivités locales. Les vieux routiers qui ont milité pour la cause amazigh étaient loin de penser qu'ils allaient assister un jour à la reconnaissance du fait amazigh de manière officielle et constitutionnelle. «Nous ne pouvions, raisonnablement, pour l'époque, imaginer pouvoir assister à cela. L'Algérie d'avril 80 était celle de la sectarisation partisane de l'Etat, celle où les apparatchiks de l'Armée des frontières arabisaient à tout-va, entamaient ouvertement l'officialisation de la réécriture de l'Histoire au profit de leur groupuscule ; l'époque de l'émergence massive de l'Islam politique et de son alignement violent sur le déni anti amazigh prôné par le régime de la pensée unique jusqu'à la proclamation publique de leur Grande Alliance contre l'amazighité et la démocratie», a résumé Ali Brahimi, ancien détenu du Printemps Berbère de 1980, dans un entretien qu'il nous a accordé il y a quelques jours. Toutefois, M. Brahimi qui n'a jamais cessé son engagement pour la cause a précisé que «depuis le début, nous étions certains de l'aboutissement inéluctable de la cause amazigh». Et aujourd'hui, le combat a abouti après des décennies de lutte et de sacrifices : tamazight est consacrée langue nationale en 2002 dans le sillage du Printemps noir de 2001 où 126 jeunes ont péri. En 2016, elle sera consacrée langue officielle. En 2017, le premier jour de l'an berbère sera inscrit dans la nomenclature des journées officielles. Le nouvel an amazigh, Yennayer, coïncidant avec le 12 janvier du calendrier julien, est l'une des fêtes populaires les plus anciennes de l'humanité encore célébrée au 21e siècle sur une vaste sphère géographique, de Siwa en Egypte jusqu'aux îles Canaries et du nord de l'Algérie jusqu'au sud du Mali et du Niger. Selon des historiens, Yennayer est vraisemblablement la fête la plus ancienne de l'humanité encore fêtée de nos jours dans toute l'Afrique du nord. Sa reconnaissance au même titre que les autres journées nationales est l'aboutissement d'un combat. Celui de la conquête de la place de tamazight dans son espace géographique naturel n'est pas terminé même si des acquis sont arrachés l'un après l'autre. Les acquis se suivent La prochaine étape sera la création de l'Académie de la langue amazigh et la généralisation de son enseignement. En fait, la traduction sur le terrain du fait constitutionnel. L'article 4 de la Constitution de mars 2016 édicte : «Tamazight est également langue nationale et officielle. L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la Langue Amazighe, placée auprès du président de la République. L'Académie qui s'appuie sur les travaux des experts est chargée de réunir les conditions de la promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique». Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a réuni il y a trois jours un conseil interministériel consacré à la dynamisation de l'enseignement de Tamazight et à la préparation du projet de loi organique portant création d'une Académie algérienne de la langue amazighe. Ce Conseil interministériel a débouché sur une série de mesures, notamment l'allocation de postes budgétaires supplémentaire, pour renforcer l'enseignement de tamazight dans le secteur de l'Education nationale, et pour élargir la formation et la recherche en tamazight au niveau des universités. Un groupe de travail sera installé auprès des services du Premier ministre pour s'atteler à la préparation d'un avant-projet de loi portant création de l'académie de langue amazighe. Liste des fêtes légales: Un amendement pour inclure Yennayer Le gouvernement a endossé un amendement à la loi fixant la liste des fêtes légales qui inclura ainsi le jour de l'An Amazigh correspondant au 12 janvier, a indiqué, hier, un communiqué des services du Premier ministre. «Lors de sa réunion du mercredi 10 janvier, le gouvernement a endossé un amendement à la loi fixant la liste des fêtes légales qui inclura ainsi le jour de l'An Amazigh correspondant au 12 janvier. Cet amendement poursuivra son parcours à travers le Conseil des ministres pour aboutir bientôt au Parlement», a précisé la même source. «Il est à préciser que conformément à la décision de M. le président de la République, la décision de décréter le 12 janvier 2018 premier jour de l'An Amazigh, journée chômée et payée, a été exceptionnellement prise par le Conseil des ministres en attendant son encadrement par la loi», a ajouté la même source. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait annoncé, mercredi 27 décembre 2017, lors de la réunion du Conseil des ministres, sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier 2018.