Un tribunal militaire égyptien a condamné mardi, pour la première fois depuis la destitution début juillet du président islamiste Mohamed Morsi, 56 membres des Frères musulmans, dont 11 à perpétuité, pour l'agression de militaires à Suez mi-août. Cette décision intervient deux mois jour pour jour après l'arrestation le 3 juillet par l'armée de M. Morsi et alors que huit combattants islamistes ont été tués mardi dans des frappes militaires aériennes dans le Nord-Sinaï, où des groupes radicaux ont multiplié ces dernières semaines les attaques contre les forces de l'ordre. Selon des responsables de la sécurité, il s'agit de l'opération aérienne "la plus importante de ce type dans le Sinaï". Les condamnations prononcées par la justice militaire concernent des violences s'étant produites après la dispersion sanglante de partisans de Mohamed Morsi au Caire le 14 août, journée la plus meurtrière de l'histoire récente du pays, avec des centaines d'islamistes tués. Cette répression dans un bain de sang avait enflammé le pays, provoquant des heurts, notamment à Suez. Les islamistes jugés étaient accusés d'avoir tiré à la chevrotine et jeté des pierres sur les soldats. Onze d'entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, tandis que 45 autres ont écopé de cinq années de prison, au terme de trois audiences d'un procès militaire entamé le 24 août. Il s'agit des premières condamnations prononcées contre des membres des Frères musulmans, qui ont appelé mardi à manifester en masse pour dénoncer le "coup d'Etat" contre M. Morsi, deux mois jour pour jour après le coup de force des militaires qui s'étaient appuyés pour ce faire sur les millions de manifestants réclamant son départ le 30 juin. En prévision de ces rassemblements, des blindés de l'armée et de la police étaient déployés aux abords de deux places emblématiques de la capitale: Tahrir, épicentre de la révolte de 2011, et Rabaa al-Adawiya, théâtre le 14 août de la dispersion sanglante des pro-Morsi. Les islamistes peinent cependant à mobiliser, car les autorités installées par les militaires ont lancé une vaste campagne de répression à leur encontre. Plus de 1.000 personnes, en majorité des pro-Morsi, ont péri depuis la mi-août, et quelque 2.000 membres de la confrérie ont été arrêtés. Le Guide suprême de la confrérie Mohamed Badie et plusieurs de ses principaux dirigeants répondent actuellement devant la justice d'"incitation au meurtre" de manifestants, tout comme M. Morsi, toujours détenu au secret. Les Frères musulmans semblent désormais retourner à la clandestinité, après avoir remporté les législatives puis la présidentielle tenues ces deux dernières années à la faveur de la révolte populaire qui avait renversé Hosni Moubarak début 2011 au terme de trois décennies de règne sur le plus peuplé des pays arabes. En outre, la justice a ordonné mardi la fermeture définitive de quatre télévisions, dont l'antenne égyptienne d'Al-Jazeera --Al-Jazeera Mubasher Misr-- et la chaîne des Frères musulmans, Ahrar 25. Deux autres chaînes, Al-Quds et Al-Yarmouk, considérées comme proche de la mouvance des Frères, ont également été privées d'antenne au lendemain de la fermeture par décision de justice d'Al-Hafez, dont plusieurs présentateurs avaient provoqué l'ire des Coptes, les chrétiens d'Egypte, et des libéraux pour leurs discours virulents à leur encontre. La diffusion d'Ahrar 25, ainsi que de plusieurs autres chaînes islamistes, avait été interrompue dès le 3 juillet, au moment où les locaux de la chaîne satellitaire qatarie étaient fouillés après qu'elle eut diffusé une vidéo dans laquelle M. Morsi se disait le seul président "légitime" d'Egypte juste après sa destitution par les militaires. Dimanche, trois journalistes indépendants étrangers travaillant pour la chaîne qatarie en anglais avaient été expulsés d'Egypte, tandis que les locaux d'Al-Jazeera Mubasher Misr, étaient de nouveau perquisitionnés et que du matériel était saisi. Les autorités et les médias locaux accusaient Al-Jazeera de couvrir de façon partiale les événements sanglants qui ont suivi la destitution de M. Morsi. Ce reproche a d'ailleurs été étendu par les autorités à toute la presse étrangère.