Le nouveau représentant personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, le diplomate américain Christopher Ross, est depuis hier dans la région, à la recherche d´une voie susceptible de déboucher sur une solution au problème du Sahara occidental, vieux de 34 ans déjà. Rabat a été, hier après-midi, la première escale d´un périple du diplomate américain de carrière qui le conduira ensuite dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, puis à Alger, avant de se rendre les 25 et 26 février à Madrid et Paris. Le Maroc a déjà implicitement laissé entendre, il y a deux semaines lorsque s´était confirmée cette tournée, que son «plan d´autonomie» pour le Sahara occidental – les «provinces du Sud» pour reprendre l´expression officielle marocaine – constitue le point de rupture de toute négociation avec le Front Polisario. Pourquoi donc ce préalable qui ressemble fort à un avertissement et alors que le représentant de l´ONU ne programmait qu´une prise de contact, après sa nomination officielle, le 7 janvier dernier ? Les Marocains ont, avec le coup de pouce de Madrid et de Rabat, fait de leur plan d´autonomie pour l´ancienne colonie espagnole, inspiré par Miguel Angel Moratinos à partir du modèle des autonomies en Espagne, l´unique «base de travail» à Manhasset. Fuite en avant Ils savent que M. Ross, en parfait connaisseur du dossier sahraoui pour avoir été en poste diplomatique dans la région, pourrait s´en tenir au principe et à son application. Le principe c´est celui de respecter le droit à l´autodétermination du peuple sahraoui, s´agissant d´un problème de décolonisation contrariée. D´une part par le comportement de l´Espagne, ancienne puissance coloniale qui a fui ses responsabilités en ne conduisant pas à la décolonisation le Sahara occidental, territoire colonial placé sous la responsabilité de l´ONU depuis 1958. Plus grave, en disposant de ce territoire sans en avoir la souveraineté. D´autre part, en le rétrocédant à une puissance tierce, pour occupation militaire et annexion, le gouvernement espagnol de l´époque, en 1975, avait violé la charte de l´ONU et le droit des peuples et des territoires coloniaux à disposer d´eux-mêmes. Rabat campe sur ses positions. Il doit la fermeté de sa position à ses plus proches soutiens, certains gouvernements européens. Le gouvernement espagnol en est l´un d´eux. C'est vrai que Madrid évoque du bout des lèvres «le droit du peuple sahraoui à l´autodétermination». C'est vrai aussi qu´il ne peut faire autrement, sachant que la classe politique dans son ensemble, y compris dans les rangs socialistes, est profondément attachée à ce principe. La société civile espagnole, elle, est totalement vouée à la cause sahraouie, et elle le prouve chaque jour, comme elle vient de le faire en dénonçant la visite à Rabat de Mme Elena Valenciano, la représentante du PSOE. Une visite inopportune puisqu´elle précède d´un jour ou deux celle de M. Ross dans la capitale marocaine. De Rabat, la représentante du Parti socialiste a fait les éloges du «plan d´autonomie marocain». Elle s'est même réunie avec le transfuge sahraoui Ould Khenna, président du Conseil royal marocain pour les affaires du Sahara (Corcas). «Un scandale», estime M. José Taboada qui a rappelé au gouvernement socialiste que le seul représentant du peuple sahraoui, c'est le Front Polisario et non ce transfuge nommé par le roi Mohammed VI. En Espagne, on ironise sur les déclarations de Moratinos sur le Sahara occidental. «Il exprime une position à Alger, une autre à Tindouf, une troisième à Rabat», estime l´ancien secrétaire aux affaires internationales du Parti populaire, la principale force de l´opposition, M. Moragas. Magouille politicienne Encouragé donc par la «magouille politicienne» de Madrid qui veut obtenir en échange le silence du Maroc sur Ceuta et Melilla – un leurre – et le soutien inconditionnel d'une partie de la classe politique française qui entend régner sur un ensemble géographique où il n'y a pas de place pour un Etat autre que francophone, le Maroc restera inflexible. Jusqu'à un certain point, disent certains observateurs. Concrètement jusqu'à l'implication des Etats-Unis qui, seuls, peuvent lui faire entendre raison. Washington envoie depuis l'année dernière des signes dans ce sens. Les agences de presse espagnoles ont repris la dépêche de l'APS sur le soutien à l'autodétermination du Sahara occidental, exprimé, lundi dernier à Alger, par la délégation parlementaire américaine conduite par Mme Gabrielle Neville. «Nous, Américains, avons pu jouir du droit à l'autodétermination, il y a 200 ans, tout comme le peuple sahraoui a lui aussi ce droit», a souligné Mme Deville. C´est une position autrement plus claire que celle de Madrid. L´agenda de Christopher Ross qui prévoit deux escales à Paris et à Madrid est significatif. On s'est souvent posé la question de savoir si tel ou tel envoyé spécial de l´ONU est ou non en mesure de convaincre Rabat de plus de souplesse pour faire avancer les négociations directes avec le Front Polisario. En fait, la question est de savoir si Madrid et Paris sont en mesure de faire valoir les principes majeurs du droit international, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sur les intérêts propres des Etats. C´est là le nœud du problème : le jeu des puissances.