A la mémoire des dizaines de milliers de leurs compatriotes, tombés le 8 Mai 1945 sous les balles de l'armée coloniale, des milliers de personnes ont marché, hier à Sétif. La foule s'est rassemblée, comme il y a 73 ans, devant la mosquée Abou Dher El Ghiffari (ex-mosquée de la Gare) avant de s'organiser en carrés, avec en tête des jeunes scouts musulmans algériens (SMA), suivis des ministres de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, des Ressources en eau, Hocine Necib et des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaâlane ainsi que les autorités locales civiles et militaires. Ils étaient suivis talonnés par des représentants des corps constitués (la Gendarmerie nationale et la Sûreté nationale, les Douanes, et la Protection civile), des représentants de la société civile, des Moudjahidine et des citoyens. Le groupe de scouts portait une gerbe de fleurs pour rappeler les événements sanglants qu'ont vécus les martyrs, Saâl Bouzid et ses compagnons. Le même parcours emprunté par les manifestants pacifiques lors du 8 Mai 1945 a été suivi par les marcheurs. La foule a démarré à partir de la mosquée Abi Dhar El Ghafari (ancienne mosquée de la gare ferroviaire) en passant par l'avenue 1er novembre, anciennement George Clemenceau puis la rue «8 Mai 1945» où une halte a été observée devant la stèle commémorative érigée en hommage à la première victime de ces massacres Saâl Bouzid, le jeune scout froidement abattu par le commissaire Lucien Olivieri parce qu'il refusait de baisser le drapeau algérien. Devant cette stèle, où un buste à l'effigie de ce scout de 22 ans a été érigé, la gerbe de fleurs a été déposée avant un long recueillement à la mémoire des 45.000 victimes des massacres, qui s'étaient étendus à Guelma et Kheratta. Durant la journée d'hier, une journée d'étude sur les évènements du 8 Mai 1945, a été organisée également à Biskra. Plusieurs intervenants ont soutenu que les massacres perpétrés par la France coloniale contre les Algériens en cette date 1945 avaient hâté de plus de 20 ans le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954. Dr. Belkacem Misoum de l'université de Biskra a souligné lundi que la défaite de la France face au nazisme au début de la 2ème guerre mondiale avait amené la France à adopter une politique de terreur face aux revendications des peuples des colonies renforçant la conviction des Algériens que la seule voie vers l'indépendance passe par la force. «L'activisme du mouvement nationaliste de 1919 à 1945 avait montré ses limites et la réaction par les massacres de la France à des manifestants pacifiques avait consolidé la conscience des nationalistes en la légitimité de l'action militaire», a ajouté cet universitaire. Dans le même contexte, Nadhir Mesmoudi a souligné que les massacres commis en mai 1945 dans les différentes régions du pays avaient constitué un tournant dans le militantisme en faveur de la liberté en faisant tomber le leurre des principes de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, par la politique génocidaire de la France coloniale. Se référant à des rapports officiels, le même chercheur a assuré l'usage de la force extrême par la police et l'armée d'occupation obéissait à des ordres des plus hautes instances pour éviter l'expansion de l'insurrection.