Des experts ont appelé hier à Alger à un débat national approfondi dans l'objectif d' «inventer» un modèle de réforme des subventions qui soit à 100% algérien et conforme à la justice sociale. Intervenant lors d'un séminaire sur la réforme des subventions en Algérie, organisé par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) avec la participation des experts en économie du collectif citoyen NABNI (Notre Algérie Bâtie sur de Nouvelles Idées), ces derniers ont plaidé pour un débat national, voire une consultation nationale, pour sortir du modèle des subventions généralisées et concevoir un modèle de transferts monétaires qui soit conforme à «l'idéal algérien de justice sociale». Ainsi, et sans attendre d'arriver à un système d'information et de statistiques fiable dont la mise en place nécessiterait, selon eux, jusqu'à une dizaine d'années, les économistes de Nabni préconisent d'aller rapidement vers la mise en œuvre d'un «modèle algérien» de transferts monétaires. Pour ce faire, Nabni, qui veut que ce dossier de réforme des subventions soit classé comme le «chantier de la décennie 2020», propose, selon Abdelkrim Boudraa, deux alternatives «made in Algeria» réalisables dès 2019. La première alternative consiste en un «ciblage progressif» de tous les ménages déclarant un revenu inférieur à un certain plafond. En l'absence d'un système d'information exhaustif, avance-t-il, un programme de ciblage administratif exclurait un grand nombre de ceux qui auront le plus besoin de ces aides et couvrira à peine 20% des citoyens. Le ciblage progressif visé devrait, par contre, toucher progressivement 40% des ménages les moins aisés en Algérie (4 millions de ménages), sur une base uniquement déclarative, préconise-t-il. Reconnaissant que les «bénéficiaires indus» seraient nombreux en cas d'application de cette solution, le représentant de Nabni prédit que cette catégorie de bénéficiaires allait être progressivement exclue une fois le nouveau système d'information de l'administration du budget sera opérationnel. Selon Mebrouk Aïb, également membre de Nabni, le coût de ce modèle de subvention sera d'environ 2,4% du PIB contre des subventions directes (budgétisées) de plus de 8% du PIB en 2018. Le transfert mensuel moyen par ménage sera de 12.000 DA en moyenne, selon la même proposition. Quant à la seconde alternative initiée par ce collectif d'experts, et afin d'éviter les erreurs et les complexités du ciblage, elle propose une nouvelle approche de la redistribution sociale qui profite à la quasi-totalité de la population, sauf aux plus riches. Il s'agit de mettre en place un revenu universel individuel, accessible à quasiment tous les citoyens, sur une base déclarative également, poursuit-t-il. «Cette option est plus simple à mettre en œuvre mais elle est plus que deux fois plus coûteuse que le ciblage progressif», estime cet expert qui souligne que cette alternative pourrait être mieux acceptée par la population puisqu'elle n'exclut que les plus riches. Une telle mesure toucherait rapidement plus de 90% de la population pour un coût d'environ 5,5% du PIB et un transfert mensuel moyen d'environ 2.000 DA par personne, précise Aïb. Selon ces deux experts de Nabni, les deux options proposées reviendront moins chères que les subventions généralisées pratiquées actuellement en Algérie et qui ont, selon Mouloud Hedir, expert auprès de CARE, un caractère «anti-économique». «Les subventions actuelles profitent surtout aux importations et aux plus riches. A titre d'exemple, lorsque quelqu'un fait le plein d'essence, soit 50 litres environ, il reçoit indirectement plus de 5.000 DA du budget de l'Etat au titre des subventions aux carburants», estime Hedir. Pour rappel, la loi de finances 2018 a prévu pour les transferts sociaux un budget de 1.760 milliards (mds) de DA, soit 8,4% du PIB. Plus de 60% de ce budget sont réservés aux soutiens des familles avec 183,2 mds de DA pour le soutien des prix des produits de base alors que les subventions indirectes, dites implicites, ne sont pas budgétisées. En incluant ces dernières, le montant des subventions serait de près de 30% du PIB algérien, selon les experts.