La plus grande entreprise publique en Algérie subit une saignée en ressources humaines qu'elle n'est pas en mesure de stopper. C'est l'aveu du Président-directeur-général (P-DG) de la compagnie pétrolière nationale, Sonatrach. Abdelmoumen Ould Kaddour a reconnu hier que l'entreprise n'a pas les moyens financiers nécessaires pour retenir ses cadres qui la quittent pour d'autres horizons. Des horizons meilleurs. «Au cours des trois dernières années, nous avons perdu 10 000 cadres à Sonatrach», a lâché Ould Kaddour, lors d'une journée d'étude organisée au Sénat autour du thème «l'Algérie entre transition énergétique et diversification économique : défis et perspectives de l'industrie pétrolière nationale». Pour les raisons, il ne faut donc pas aller chercher loin, puisque le conférencier insistera sur le volet financier. Selon lui, «Sonatrach n'a pas les moyens financiers lui permettant de retenir ses cadres». En d'autres termes, lorsque ces derniers reçoivent des offres d'embauche plus intéressantes, allant parfois jusqu'au double, voire le triple de leur salaire, ils n'hésitent pas un instant à démissionner. «Pour les faire revenir dans leur pays, la Chine offre 10% de plus à ses cadres établis à l'étranger. Avons-nous les capacités de faire autant ?», s'est interrogé Ould Kaddour, pour qui la réponse est «non». Ainsi, Sonatrach assiste impuissante face à cette saignée accentuée aussi par des facteurs autres que l'aspect financier. Il y a, en effet, «la suppression de la retraite anticipée», précise Ould Kaddour, et qui a poussé plusieurs cadres à partir en retraite avant l'entrée en vigueur de la controversée nouvelle loi. Ce n'est pas tout. Le P-DG de Sonatrach explique que les affaires de corruption traitées en justice et auxquelles la compagnie à dû faire face ces dernières années ont largement affecté la volonté des cadres à y rester. «Pour ces 10 000 cadres, il n'y a pas que le facteur financier qui est mis en cause. C'est aussi parce qu'ils ont peur et ne se sentent pas en sécurité qu'ils ont choisi de quitter», a déclaré Abdelmoumen Ould Kaddour. Non sans plaider qu'il faudra chercher d'autres moyens pour convaincre. Raffinerie d'Augusta : les arguments de Sonatrach Par ailleurs, l'occasion était pour le P-DG de la compagnie de revenir sur l'achat de la raffinerie d'Augusta en Sicile (Italie), auprès d'Esso Italiana (filiale du groupe américain Exxon mobil). Une transaction sur laquelle de vives inquiétudes et des critiques pèsent depuis l'annonce de l'accord. Des spécialistes parlent, entre autres, de la vétusté de la base et du sol polluant dont la dépollution nécessitera d'autres coûts énormes. Pour Ould kaddour, «Sonatrach est une entreprise économique qui fait du businesse, et c'est dans l'intérêt du pays qu'elle le fasse», a-t-il défendu. Son conseiller, Ahmed Mazighi, a pour sa part fait un exposé sur les étapes de développement et de renforcement des capacités de la raffinerie depuis sa mise en exploitation en 1953. Ce qui lui a valu d'être «classée parmi les meilleures raffineries au monde en termes de maintenance», a-t-il soutenu. Mazighi dira à cet effet, dans une réponse aux critiques sur la vétusté, que «la fiabilité technique de la raffinerie est de 98,1%». Plus encore, le conseiller du P-DG de Sonatrach estime que cette la fiabilité n'est pas mesurée selon l'année de mise en exploitation. «Dire jeune raffinerie ou pas n'a pas vraiment de sens», a insisté Mazighi. Ceci non sans rappeler les capacités de ladite raffinerie à «traiter à la fois du Sahara Blend, du zarzaitime ainsi que du fuel résiduel issu de Skikda». Inévitable schiste Enfin, Abdelmoumen Ould Kaddour, interrogé sur l'investissement dans l'énergie solaire, a reconnu que «notre pays restera dépendant des hydrocarbures pour une longue période encore». Et pour cause, a-t-il justifié, «l'énergie solaire est un travail sur le long terme et nécessite beaucoup d'argent que nous n'avons pas pour le moment». Pour le gaz de schiste, le P-DG a défendu qu'il est indispensable d'y aller «un jour ou l'autre». Cependant, ce n'est pas dans l'immédiat, car à ce stade «on est en train de réfléchir aux moyens et de réunir les conditions», a-t-il indiqué. Quant à la santé économique de compagnie, un cadre a dans son exposé, assuré que «même avec 43 dollars le baril du pétrole, Sonatrach pourra financier ses projets, appliquer son programme et réaliser des bénéfices».