Connu pour être un général va-t-en guerre, vétéran des guerres d'Afghanistan et d'Irak, le ministre américain de la Défense Jim Mattis vient d'annoncer sa démission. Le retrait militaire de Syrie, décidé contre sa volonté par le milliardaire, a eu raison de la patience de cet ancien général des Marines de 68 ans, dernier rescapé de ceux que le Président appelait «mes généraux» au début de son mandat. Dans sa lettre de démission, Mattis écrit : «Parce que vous avez le droit d'avoir un ministre de la Défense dont les vues sont mieux alignées sur les vôtres (…) je pense que me retirer est la bonne chose à faire». Le «soldat moine» a été sorti de sa retraite en janvier 2017 pour prendre les rênes du Pentagone. Les rumeurs sur sa démission circulaient depuis des mois, alimentées par le Président lui-même. «C'est une sorte de démocrate. Il pourrait partir», disait de lui M. Trump en octobre. Ce sera finalement le cas fin février. Son influence est d'abord apparue considérable : il a obtenu beaucoup de latitude pour lancer des attaques de drones en Somalie et au Yémen et pour décider du nombre de troupes à déployer en Syrie et en Irak; il a convaincu le Président de revenir sur son idée de retirer les troupes d'Afghanistan et il a sécurisé deux budgets records consécutifs pour la Défense. «Je n'aurais pas accepté ce poste si je n'avais pas pensé que le Président élu serait ouvert à mes suggestions», remarquait-il en janvier 2017, lors de son audition devant les élus qui devaient approuver sa nomination. Mais son poids au sein de l'exécutif a paru diminuer depuis le limogeage brutal, au printemps 2018, de ses deux plus proches alliés modérés au sein du gouvernement, l'ex-chef de la diplomatie Rex Tillerson et le conseiller à la sécurité nationale H.R. McMaster, remplacés par les faucons Mike Pompeo et John Bolton. «Saint-Mattis de Quantico» Sa position a aussi été été fragilisée par la publication d'un livre sur la Maison Blanche de Donald Trump, dans lequel M. Mattis est cité comme jugeant que le Président américain a le niveau de compréhension d'un «élève de CM2 ou de 6e». Au fil des mois, il a dû faire des concessions : renoncer à d'importantes manœuvres militaires en Corée du Sud, œuvrer à la création d'une Force spatiale contre laquelle il s'était exprimé publiquement, déployer des milliers de soldats à la frontière mexicaine, une opération qui allait à l'encontre de son objectif affiché de préparation optimale des militaires au combat. Autre contrariété : le Président a ignoré son avis en choisissant le prochain chef d'état-major américain. Pourtant, Jim Mattis a tout fait pour prévenir toute friction avec le bouillant Président, évitant soigneusement les projecteurs dont M. Trump est friand, et se gardant de tout commentaire personnel sur lui dans ses conversations avec les journalistes. L'annonce, mercredi, du retrait de tous les militaires américains déployés en Syrie pour lutter contre le groupe Etat islamique (EI) a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Le ministre de la Défense répétait dans tous ses discours qu'il n'avait jamais combattu sans des troupes alliées à ses côtés. Pour lui, se retirer avant la chute effective de l'EI équivalait à trahir les alliés des Etats-Unis en Syrie, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabo-kurde considérée comme «terroriste» par la Turquie, mais aussi les 74 pays membres de la coalition antijihadiste dirigée par Washington depuis 2014. «Il faut traiter les alliés avec respect. Nous devons faire tout notre possible pour favoriser un ordre international propice à notre sécurité, notre prospérité et nos valeurs, et nous sommes renforcés dans cet effort par la solidarité de nos alliances», avance-t-il dans sa longue lettre au Président. M. Mattis est très apprécié des Marines, qu'il a dirigés au combat en Irak et en Afghanistan. Ses petites phrases-cultes «Soyez polis, soyez courtois, mais soyez prêts à tuer tous ceux que vous rencontrerez», ou encore «Si vous faites les cons avec moi, je vous tue tous» ornent des t-shirts et des mugs. Des affiches le représentent en «Saint-Mattis de Quantico», en référence à l'Ecole des officiers du corps des Marines, en Virginie.