Des signes d'enlisement. Trois ans après avoir été désigné pour organiser la Mondial 2022, le Qatar traverse une forte zone de turbulences. Epine dans le pied de la Fifa, la Coupe du monde dans l'Emirat du Golfe n'en finit plus de diviser le monde du foot. Le président de la fédération internationale, Sepp Blatter, qui avait voté pour la candidature des Etats-Unis en décembre 2010, a laissé entendre récemment que son organisation avait commis «une erreur» en confiant le Mondial au Qatar avant de mettre en lumière «des influences directes de chefs de gouvernement européens» sur ce vote de la discorde. Le président des Etats-Unis, Barack Obama, qui soutenait alors la candidature de son pays, n'avait pas hésité à qualifier le choix de la Fifa de «mauvaise décision.» Le spectre d'un nouveau vote En dépit des recommandations du rapport d'inspection de la Fifa, qui avait classé le dossier qatarien «à haut risque» pour les joueurs en raison des fortes chaleurs (plus de 50°), quatorze des vingt deux membres siégeant à l'époque au comité exécutif de la Fifa avaient choisi le Qatar. Cinq d'entre eux en ont depuis été évincés pour avoir trempé dans des affaires de corruption. Depuis les promesses qatariennes de climatiser l'ensemble des stades n'arrivent pas à convaincre les acteurs du football que la compétition ne sera pas altérée par les fortes chaleurs des mois de juin et juillet. Equation insoluble Réunis à Zurich afin de se prononcer sur la possibilité de déplacer le tournoi en hiver, le Comité exécutif de la Fifa devrait annoncer vendredi en début d'après-midi le report de sa décision et la mise en place une commission ad hoc pour étudier les conséquences d'un bouleversement du calendrier. Loin de résoudre le casse-tête du Mondial 2022, le changement de dates ouvre au contraire sur une équation insoluble. Dans un rapport confidentiel, l'association des Ligues européennes (EPFL) a pointé les conséquences désastreuses notamment d'un point de vue économique d'un tel chambardement, qui concernerait trois saisons. Richard Scudamore, le patron de la puissante Premier League anglaise, a manifesté une ferme opposition au projet ? : «Si on ne peut pas jouer l'été au Qatar, alors il faut changer de lieu.» Son homologue de la Football League (les divisons inférieures anglaises) a jeudi invité la Fifa à revoter?: «Si le processus n'était pas valide. Il en faut un nouveau.» Campagne de sensibilisation Face à la campagne de sensibilisation mondiale sur le statut des travailleurs étrangers au Qatar, le comité exécutif de la Fifa n'a d'autres choix que de gagner du temps. «Même si ce n'est pas relié aux stades de la FIFA, parce que nous n'avons pas commencé à travailler, chaque mort est un mort de trop. Cela nous inquiète mais je suis sûr qu'avec l'implication de tout le monde, on parviendra à changer une situation qui n'est pas acceptable», a indiqué jeudi Walter de Gregorio le directeur de communication de la Fifa, avant d'assurer que la candidature qatarienne n'était pas menacée : «Il n'y a aucun doute. Le Mondial 2022 se déroulera au Qatar. Il s'agit seulement de savoir si ce sera en été ou en hiver.» Pour l'heure aucune décision n'a été prise puisque le cas du Qatar n'a pas été discuté lors de la première journée de la réunion du cénacle du football international. C'est tout du moins ce que le président de l'UEFA Michel Platini a indiqué jeudi en quittant le siège la Fifa à Zurich. Pression des télés américaines La probable création d'une commission ad hoc (cela devait se passer hier) pour étudier la question laisse néanmoins penser que l'inversion du calendrier a du plomb dans l'aile. Cette décision s'explique en large partie par la pression des sponsors et diffuseurs, notamment nord-américains, de la Fifa. Les télés américaines, qui ont dépensé de grosses sommes d'argent pour acquérir les droits des Coupe du Monde 2018 et 2022 (314 M€ pour Fox News) ne veulent pas que les dates estivales des tournois soient changées (une clause de leurs contrats avec la Fifa leur donnent un droit de regard sur la temporalité des événements). Déplacer le Mondial 2022 en janvier ou février reviendrait à se heurter à la concurrence des Jeux olympiques d'hiver, choisir le mois de novembre ou d'avril reviendrait à mordre sur le calendrier des grands sport US (NFL ou NBA). Devant cette équation insoluble, la Fifa préfère attendre. En espérant, pour certains de ses membres, que le rapport d'enquête en cours sur les conditions d'attributions des Mondiaux 2018 et 2022 ne finisse par terrasser le projet qatarien.