Une réunion qui se tient au siège de l'état-major de l'ANP, regroupant les commandants des Forces armées, les commandants de la 1re Région militaire et le secrétaire général du MDN, sans que la présidence de la République ne soit représentée, est une première dans les annales. L'Algérie s'est réveillée, hier, sur un déballage public de la guerre des clans qui se déroule au sommet de l'Etat. Ce qui n'était, jusque-là, qu'un débat d'élite et d'une certaine catégorie, notamment les acteurs politiques et militants, est désormais du domaine public. Dans les cafés et dans la rue, les accusations du chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, désignant des «parties malintentionnées» qui cherchent à porter atteinte à l'institution militaire et à détourner la volonté populaire, occupent les discussions. Indépendamment de cela, le «tremblement» qui vient secouer l'Etat est tel que ses répliques risquent d'être fâcheuses pour l'avenir si une solution consensuelle à la crise que traverse le pays n'est rapidement pas amorcée. Et pour cause, entre l'état-major de l'armée et la présidence de la République, c'est la rupture définitive. En effet, il ne faut pas être un fin politicien, un spécialiste ou être dans le secret des dieux pour lire entre les lignes. Une réunion qui se tient au siège de l'état-major de l'ANP, regroupant les commandants des Forces armées, les commandants de la 1re Région militaire et le secrétaire général du MDN, sans que la présidence de la République ne soit représentée, est une première dans les annales. Surtout qu'elle avait pour ordre du jour «l'étude des développements de la situation politique prévalant dans notre pays, suite à la proposition de l'application de l'article 102 de la constitution, en particulier». Dans la Constitution, le président de la République est le ministre de la Défense nationale et chef suprême des forces armées. Mais Gaïd Salah semble avoir décidé de prendre les choses en main et d'agir en cercle restreint. En parallèle, selon les termes du communiqué du MDN ayant suivi la réunion urgente de samedi, un autre groupe se réunissait pour élaborer son propre plan. Ceux que le général de corps d'armée traite d'«individus connus» et dont l'identité sera dévoilée «en temps opportun», cherchaient à «mener une campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les réseaux sociaux contre l'ANP et faire accroire à l'opinion publique que le peuple algérien rejette l'application de l'article 102 de la Constitution». Des informations ont circulé hier sur cette réunion secrète tenue à Zéralda et à laquelle auraient pris part notamment, selon Mohcine Belabbas, président du RCD, le frère cadet du Président, Saïd Bouteflika, l'ancien patron du DRS, Mohamed Mediene dit Toufik. Une autre réunion aurait même été tenue entre Toufik et l'ancien président Liamine Zeroual qu'on tente de convaincre de diriger une période de transition. Face à cette nouvelle donne, le chef d'état-major, bien que sa proposition faite le 26 mars d'appliquer l'article 102 pour destituer Abdelaziz Bouteflika ait été rejetée par les manifestations populaires de vendredi 29 mars, fait valoir la légitimité de l'intervention de l'armée. D'où le rappel de l'article 28 de la Constitution, selon lequel l'institution militaire est «garante de l'indépendance nationale, de la sauvegarde de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale ainsi que la protection du peuple de tout danger». Pour Gaïd Salah, il n'y a pas d'autre solution à la crise que de se référer à la Loi fondamentale, mais avec le peuple comme source de pouvoir. «La solution de crise ne peut être envisagée qu'à travers l'activation des articles 7, 8 et 102», a-t-il souligné durant la réunion. Certes, du slogan «Djeich, chaâb, khawa, khawa» se dégage un consensus national sur un rôle que devra jouer l'institution militaire pour mener la transition. Cependant, le changement radical du système revendiqué suppose aussi le départ de tous les symboles de la gestion des affaires du pays durant ces dernières décennies. D'où la problématique de l'application de l'article 102 et les personnages censés mener le bateau Algérie dès son activation. Et c'est l'objet de la guerre qui se déroule au sommet de l'Etat avec, comme objectif, qui contrôlera la transition. Le peuple mobilisé dans la rue permettra-t-il que soit décidé l'avenir du pays sans lui ? Certainement pas.