Le Parlement réuni hier, a désigné Abdelkader Bensalah comme président d'Etat pour assurer l'intérim d'Abdelaziz Bouteflika, pour une durée maximale de 90 jours. Sans surprise, le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, a été investi chef de l'Etat par intérim, conformément aux dispositions de l'article 102 de la Constitution. Dans la matinée, le Parlement siégeant en Chambres réunies a officialisé la vacance du poste de président de la République notifiée par le Conseil constitutionnel mercredi 3 avril, après la démission du Président Bouteflika la veille. A 10h55, les parlementaires ont acté la vacance par un vote à main levée, de 453 oui sur 477 présents. La cérémonie d'investiture de Bensalah à la tête de l'Etat s'est déroulée dans une atmosphère très tendue. Dans son discours après son investiture, Bensalah a affirmé que «le devoir national m'impose d'assumer cette lourde responsabilité de conduire une transition, pour permettre au peuple algérien d'exercer sa souveraineté en choisissant son Président». Sollicitant «le sens de responsabilité des Algériens», Bensalah a promis qu'il œuvrera à répondre aux revendications du peuple, feignant d'ignorer que l'une de ces exigences est le départ de Bensalah lui-même. «On va travailler pour rendre la parole au peuple, et pour l'organisation des élections présidentielles dans les plus bref délais», a-t-il annoncé. La cérémonie à laquelle ont assisté les partis de la coalition présidentielle (FLN, RND, MPA, TAJ) a été notamment marquée par l'absence de la plupart des partis de l'opposition, comme le FFS, le RCD, le parti des Travailleurs, le Mouvement de la Société pour la Paix et El Adala. Le Front El Moustakbal se range du côté du peuple Les parlementaires indépendants se sont retirés de la séance, pour contester la désignation de Bensalah comme chef de l'Etat par intérim. Interrogé, Lamine Osmani, chef du groupe parlementaire des Indépendants, a réitéré sa position en faveur du peuple. «Les millions d'Algériens sortis dans la rue pour exiger le départ du système et de ses symboles, ont clairement exprimé leur refus que Bensalah gère la transition. Les articles 7 et 8 de la Constitution imposent le respect de la souveraineté et la volonté du peuple. Ces deux articles passent avec le 102, qui est une disposition de procédure, pas de principe. Il se trouve que le peuple algérien refuse les symboles du régime de Bouteflika», a-t-il expliqué. Pour Belkacem Benbelkacem, «il s'agit d'une énième supercherie. Ceci relève de la mascarade. Le peuple est dans une rive et eux dans une autre. Au lieu de passer directement à l'application de l'article 7 et 8 de la Constitution, ils tentent de nous leurrer encore une fois par la ruse», s'est-il indigné. Il a ensuite, appelé tout le monde à prendre ses responsabilités, notamment l'institution militaire. Les députés du groupe parlementaire du Front El Moustakbal ont quitté à leur tour la réunion du Parlement, en signe de protestation, contre ce qu'ils ont appelé «le fait accompli». «On est sorti pour exprimer notre refus de voir Bensalah présider l'Etat. Il doit démissionner pour répondre à celui qui détient le pouvoir : le peuple», a estimé un élu du Front El Moustakbal. «Nous refusons que ce pouvoir continue à nous leurrer, en nous mettant devant le fait accompli», nous a indiqué un autre. «Comment peut-on s'entêter à ce point, et violer encore la Constitution ?», s'est interrogé Hadj Belghouthi. «Actionner l'article 102 de la Constitution sans prendre en considération les articles 7 et 8, stipulant que le peuple est source de tout pouvoir, et que c'est lui qui doit choisir ses institutions constitutionnelles, renseigne sur le degré de méprise du peuple par ce régime», a-t-il déploré. Il soulignera par la suite, la nécessité d'organiser des élections présidentielles dans les délais constitutionnels. Une dizaine de parlementaires issus des partis de l'alliance (RND et le FLN), ont également exprimé leur refus à cette investiture. «Cette mascarade doit s'arrêter. La volonté du peuple doit être appliquée. On s'attendait à ce que Bensalah démissionne, sauf que ce n'est pas le cas», nous a indiqué Slimane Saadaoui. «Il est temps, selon lui, de passer aux solutions politiques, vu que la Constitution n'a pas été respectée dans son intégralité, et les droits du peuple encore une fois bafoués», a-t-il estimé.