La mobilisation des opposants a porté ses fruits, vendredi 10 mai. Un cargo saoudien, qui devait prendre possession du matériel militaire français dans le port du Havre, est reparti sans sa cargaison, alors même que la justice française ne s'y était pas opposée. Vendredi, c'est bredouille, et sans même s'être approché à moins de 30 kilomètres du port du Havre (Seine maritime) où l'attendait son chargement en armes, que le cargo saoudien de 220 mètres de long Bahri Yanbu s'est mis en mouvement, après 48 heures d'attente au large, pour prendre la direction de Santander, sur la côte espagnole du Golfe de Gascogne. «Nous nous réjouissons que le cargo ait renoncé à charger ces armes françaises au Havre, alors qu'il est clair que cette livraison contrevenait au Traité sur le commerce des armes», a réagi Nathalie Seff, déléguée générale de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat-France), se félicitant que l'action d'associations de citoyens s'opposant à ce chargement ait permis d'obtenir une «petite victoire». «Petite» car son ONG, qui avait déposé un référé en justice contre ces exportations, n'a pas obtenu gain de cause sur le plan judiciaire. L'Acat estimait que les armes concernées étaient susceptibles d'être utilisées de façon imminente contre des populations civiles dans la guerre au Yémen, où Riyad conduit une coalition en soutien au président. Pour l'Acat, ce risque rend illégales ces livraisons au regard du Traité sur le commerce des armes (TCA), signé et ratifié par la France. Cette même notion de risque imminent avait du reste conduit le Parlement européen à rappeler, dès 2016, l'interdiction faite à l'ensemble des pays- membres de poursuivre le transfert d'armes vers l'Arabie saoudite où les Emirats arabes unis, également impliqués dans le conflit au Yémen. Et le 14 novembre dernier, une résolution des euro-députés critiquait le fait que certains Etats membres «semblent ne pas prendre en considération le comportement du pays destinataire et l'utilisateur final des armes et des munitions», s'inquiétant que «la fourniture de systèmes d'armes en période de guerre et dans des situations caractérisées par des tensions politiques importantes puisse avoir des répercussions disproportionnées sur les civils.» Arabie saoudite dénoncée pour les crimes de guerre : Les autorités belges prêtes à suspendre la vente d'armes Les autorités belges se sont dit prêtes à suspendre la vente d'armes à l'Arabie saoudite dans le cas où elles seraient utilisées sur des théâtres extérieurs. Cette annonce intervient alors que des armes belges sont suspectées d'avoir servi au Yémen. La Belgique n'exclut pas de suspendre ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite en raison de leur utilisation présumée dans le conflit au Yémen. «Je crois qu'il serait bon que l'on suspende les contrats de livraison d'armes à l'Arabie Saoudite», a plaidé le chef de la diplomatie Didier Reynders au cours d'un entretien à la RTBF. Une décision que soutiendrait le ministre-président du gouvernement wallon, Willy Borsus : «Dès l'instant où il apparaîtrait que des armes n'ont pas, in fine, été utilisées à l'endroit ou dans le pays auquel elles étaient destinées, il y aura effectivement une réaction de la Région wallonne», a-t-il déclaré sur la même antenne, le 11 mai. Et d'ajouter : «Cela peut aller jusqu'à la suspension des licences d'armes déjà accordées, puisque c'est ce dont il est question.» En Belgique, l'attribution de licences d'exportation aux fabricants d'armes ou d'équipements militaires relève de l'exécutif des régions Flandre, Wallonie et Bruxelles. Ces annonces ont été faites quelques jours après la publication d'une enquête dans les colonnes du quotidien Le Soir révélant que le royaume saoudien faisait usage d'armes produites par la fabrique d'armes belge la FN Herstal dans le cadre de ses opérations militaires controversées au Yémen. Principal client du fabricant belge de mitrailleuses et de fusils d'assaut, l'Arabie saoudite est à la tête d'une coalition de pays arabes au Yémen, dont les bombardements sont responsables de nombreux morts civils. Bénéficiant notamment, du soutien des Etats-Unis et du Royaume-Uni, cette coalition tente de remettre en place le gouvernement du Yémen, qui avait été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles houthis.