Le domaine fiscal est assurément des plus délicats, en termes de réglementation et d'application. Et lorsque suspicion de fraude il y a, il n'est pas aisé d'apporter des preuves concrètes de falsification et encore moins de dégager les responsabilités des parties impliquées. Ainsi, deux fonctionnaires de la direction des impôts de Draria ont comparu hier devant le tribunal correctionnel de Chéraga pour répondre d'accusation de faux et usage de faux, de corruption et de complicité de fraude fiscale. Au banc des accusés était également présent un commerçant accusé d'évasion fiscale. Le principal inculpé dans cette affaire, H. B., est accusé d'avoir, pour arranger les «affaires» de son ami commerçant, trafiqué les quittances des sommes dues par ce dernier à l'Etat. Pour ce faire et dans un premier temps, il a modifié le montant des dettes de son ami, qui s'élevaient à plus de 40 millions de centimes, pour les transformer en 1,6 million de centimes. Ensuite, il a établi de faux certificats attestant que le commerçant avait bel et bien réglé ses impôts. Pour dissimuler son forfait, il «transférait» la différence sur les numéros de registre d'autres contribuables, en trafiquant le numéro de série des extraits de rôle. D'ailleurs, la partie civile était représentée par une victime de ces trafics. Propriétaire d'une clinique, elle s'est retrouvée du jour au lendemain avec près de 36 millions d'impôts impayés. Un autre fonctionnaire, accusé de complicité pour avoir signé ces reçus, déclarait toutefois n'avoir rien fait d'autre que son travail. «D'ailleurs, c'est moi qui ai signalé à mes supérieurs une anomalie, une différence entre le numéro de série et la date sur les extraits de rôle qu'il m'avait donnés.» Durant l'audience, les différentes parties usèrent à outrance de terminologies et de procédures, au point où les magistrats assistèrent à un véritable imbroglio, confondant entre receveur, guichetier, factures, quittances, reçus... Et les explications des cités n'y changèrent pas grand-chose tant «la bureaucratie est légion, les méthodes de travail archaïques et les intervenants ne connaissant pas ou n'assumant pas leurs responsabilités respectives», plaida l'un des avocats de la défense, ajoutant que les deux fonctionnaires accusés dans cette affaire étaient avant tout «des victimes du système et de leur travail et tâches». Tous les magistrats plaidèrent l'innocence de leur client, arguant que les parties civiles et le procureur n'avaient avancé aucune preuve concrète des délits, et qu'au cours de l'audience, ce sont les mêmes présomptions qui avait été réitérées. «Un soupçon ne peut pas mener un homme en prison», lança l'un d'eux. Le procureur de la République réclama dix ans de prison pour le principal accusé H. B. et cinq ans pour chacun des deux autres inculpés.