Ce sujet est tout à fait d'actualité en cette période d'arrêté des comptes de l'exercice écoulé : il mérite une attention particulière. On connaît en comptabilité les comptes ouverts au nom des associés qui sont normalement destinés à enregistrer à leur crédit, le montant des fonds mis ou laissés temporairement, à la disposition de leur société par les associés ou actionnaires. L'expression « compte-courant utilisée en comptabilité est impropre en ce qu'elle n'est pas conforme à la notion juridique : en droit civil, le contrat de compte-courant correspond à l'accord intervenu entre deux personnes qui permet de porter réciproquement en compte, toutes les opérations économiques qu'elles effectuent entre elles. Et du fait que la réciprocité des opérations ainsi réalisées, il se produit des compensations successives qui laissent apparaître après chaque mouvement, un solde dont le règlement définitif intervient habituellement à la clôture du compte courant. Dans son acception comptable originelle, le compte d'associé ou d'actionnaire était normalement destiné à l'enregistrement des seuls impôts de fonds effectués, en plus des apports en capital, à titre de simples prêts consentis à la société. Ainsi considéré, un compte-courant ne saurait présenter un solde débiteur dès lors qu'il ne devrait faire apparaître d'un côté que les sommes prêtées et de l'autre seulement les remboursements effectués à titre d'extinction de l'obligation mise à la charge de la société. Héla, s'il est fréquent, dans la pratique, surtout dans les sociétés de faible importance et dans les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée que l'on fasse fi de cette règle. Le fait pour un associé ou actionnaire d'être redevable d'une somme, peu importe que cette dernière lui a prêté des fonds en numéraire, qu'elle lui a fourni des biens ou des services dont il n'a pas remboursé le montant ou encore qu'elle a payé en son nom et pour son propre compte, un dette privée. On a souvent tendance à user et à abuser de ce genre de mouvements au risque de fragiliser la trésorerie de la société, voire de mettre en péril son fonctionnement avec pour effet extrême, de la mettre en état de cessation de paiement. C'est pourquoi la loi interdit l'utilisation des fonds d'une société au profit de ses associés ou actionnaires à des fins privées. Il y a même risque de déboucher sur le délit d'abus d'abus de biens sociaux. Par ailleurs, il faudra compter avec la législation fiscale qui, dans un esprit répressif, sanctionne pécuniairement tout solde débiteur de compte-courant d'associé ou d'actionnaire qu'elle qualifie de bénéfice occulte censé avoir été distribué, d'où application systématique d'une imposition en conséquence qu'aucun recours ne pourrait faire annuler. Il peut arriver qu'il soit fait usage d'une astuce comptable qui consiste , par un apport fictif en espèces qui sera ensuite remboursé tout aussi fictivement dès la réouverture des comptes en début de l'exercice suivant. Une telle opération effectuée par simple jeu d'écritures n'est pas sans risque : elle est constitutive du délit de fraude fiscale susceptible d'entraîner la mise en cause des associés concernés, des dirigeants sociaux et aussi du professionnel teneur ou superviseur de la comptabilité. Il faut savoir qu'en cas de contrôle fiscal, les vérificateurs sont instruits de ce genre de « tour de main » : ils précèdent habituellement à la reconstitution des mouvements intervenus sur ledit compte un cours d'exercice pour débusquer les éventuelles manœuvres compatibles utilisées dans le but de masquer une position débitrice. Si dans les sociétés importantes il est facile de faire admettre les principes et règles qui régissent le fonctionnement des comptes-courants d'associés ou d'actionnaires, il n'est pas toujours aisé de les expliquer lorsqu'il s'agit d'une société qui, en réalité, appartient à une même personne. Et encore moins lorsque l'on se trouve en face de l'associé unique d'une EURL. L'option pour l'exercice d'une activité économique sous une forme sociétaire implique la connaissance des limites légales à un pas dépasser : l'interdiction du compte-courant d'associé ou d'actionnaire débiteur en fait partie.