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Un levier ignoré par la stratégie de développement du pays
Le secteur commercial
Publié dans Liberté le 03 - 08 - 2010

Pour le dernier numéro du supplément économique de Liberté qui prend congé pour un mois, nous avons opté pour la thématique relative au commerce. Au lieu des traditionnels articles qui essaient de scanner certaines parties de ce secteur important, nous avons préféré une vue d'ensemble qui fait l'historique de cette activité depuis l'Indépendance aux derniers textes de lois. De l'économie centralisée avec l'érection du monopole en tant qu'instrument de gestion à la disparition des derniers circuits de distribution publics, avec l'irruption du marché informel dans les années 1990, devenu presque pratique courante.
M. Ouameur Si Ahmed, actuellement consultant international, est un des rares spécialistes du secteur du commerce puisqu'il y a consacré toute sa carrière. Dans sa contribution, qui se veut constructive, il essaie d'apporter quelques éléments de réponse, en relevant les lacunes et les imperfections de certaines décisions. Sans animosité, il apporte une pierre importante à la construction d'une véritable économie de marché.
Le prochain numéro de votre supplément paraîtra le 6 septembre.
O.A
Préliminaires
Lors de toute démarche ciblant le développement économique et social, d'une région, d'un pays ou d'un groupement de pays, le secteur du commerce, de façon générale, est considéré comme un des leviers stratégiques et sollicité comme tel. Levier dont, l'organisation, l'encadrement, le fonctionnement et la gestion ; en un mot la gouvernance, ont toujours et partout, du moins dans les pays réputés développés, émergents ou réellement en voie de développement, fait l'objet d'une démarche globale appropriée, de soins constants et attentifs, voire particuliers.
À ces sujets et pour notre pays, les contenus de nombreux articles parus dans la presse nationale, les déclarations faites, à différents niveaux (politiques et économiques), les constats que nous pouvons faire quotidiennement sur le marché domestique, comme l'évolution de certains indicateurs macroéconomiques (quantitatifs ou qualitatifs), susceptibles d'aider à caractériser le secteur commercial national, notamment la structure de la balance commerciale, l'absence d'une démarche exportations, le caractère peu adapté des actions censées contribuer à la rationalisation des importations, le développement démesuré et anarchique du marché informel, l'évolution erratique que connaissent les prix, l'insuffisance, voire même l'indigence de l'offre en formations aux métiers du domaine commercial, etc., constituent autant de signaux qui soulignent, à l'évidence, le fait que ce secteur connaît, en Algérie, une situation pouvant être qualifiée, pour le moins, de sérieuse. Situation que la grave crise que traverse le système financier international et ses corollaires, que sont les crises économiques et les crises sociales, qui affectent ou affecteront les pays fortement engagés dans la globalisation des marchés et des finances, rend encore plus préoccupante.
Par ailleurs, il est évident que le contexte dans lequel se situe et se développe le secteur commercial algérien, comme les contre-performances qu'il connaît actuellement, ne sont pas ignorés des autorités.
En effet, ces dernières ont établi, à divers moments plus ou moins récents, par leurs propres moyens ou avec ceux de la coopération, un ensemble d'études, approches, lois et règlements, évaluations et décisions, certes annoncés ou promulgués, mais dont les développements sur le terrain et surtout les résultats, ne sont pas encore apparents. Situation qui fait craindre, et ce serait dommage, que l'effet d'annonce ait, parfois, prévalu.
C'est compte tenu de l'ensemble de ces aspects que le présent propos a été décidé. Propos qui vise surtout à tenter d'appréhender, de façon générale, le concret vécu, au niveau du secteur commercial, dans sa globalité, comme au niveau de ses composantes nationales et internationales et de formuler certains constats et remarques.
Ce propos n'a pas non plus pour finalité de s'inscrire dans une polémique quelconque. De même, le contenu de ce document ne saurait être considéré comme une évaluation, en raison du caractère rapide qui caractérise les observations faites. C'est une simple contribution au questionnement, au demeurant informel, qui semble vouloir s'organiser, ici et là, à travers la presse notamment, sur l'état et le devenir de ce secteur.
C'est à ce seul niveau (contribution à un débat informel) qu'il y a lieu de le situer, tant il est évident que tout avis ou recommandation, en ce domaine, relèvent, selon notre opinion, d'un débat formel qui reste à organiser.
Débat devant, toujours de notre opinion, être conduit par (ou en relation avec) les institutions en charge de l'économie du pays. Débat auquel devraient être conviés, selon des modalités et pour des objectifs à préciser, des représentants qualifiés des acteurs concernés et/ou intéressés. Débat dont la tenue, il faut le relever, apparaît actuellement comme nécessaire, voire même urgente.
Ces précisions apportées, il y a lieu de noter que ce propos est proposé en trois temps et visera par son contenu, dans un premier temps, à opérer un rapide et succinct rappel de l'évolution qu'a connu ce secteur ; le deuxième temps sera consacré à la problématique du commerce intérieur, comme il sera suggéré les voies et moyen de sa restructuration et de sa relance ; le troisième volet, pour ce qui le concerne, ciblera le commerce extérieur. Secteur pour lequel, là aussi et au terme d'un rapide état des lieux, comme suite à une première définition de la problématique vécue par ce secteur, il sera suggéré des directions de travail susceptibles de contribuer à la réhabilitation de ce domaine.
L'ensemble, ainsi indiqué, constituera la modeste contribution annoncée..
Le commerce au sein de l'économie du pays
Situer le secteur du commerce au sein de l'économie nationale se fera dans le cadre d'une rétrospective qui tentera d'éclairer le présent vécu par ce secteur, de caractériser et, si possible, de retracer les évolutions antérieures, d'en expliquer, chaque fois que possible, les origines et les motivations, comme d'en évoquer les conséquences possibles.
Aspects généraux
De façon générale, il est à considérer que pour l'Algérie post-indépendance, c'est-à-dire depuis 1962, la fonction commerciale n'a jamais vu sa position, son rôle et son contenu définis de façon claire. De même, lors des différentes phases d'organisation et de développement qu'a connues l'Algérie pendant cette même période (1962-2009), ce secteur n'a pas connu d'objectifs précis qui lui aient été assignés, comme, au demeurant, il n'a pas développé de stratégies, en vue de son développement ou pour améliorer son efficacité.
Certes, il est loisible de constater que ce secteur a, de façon générale, toujours relevé d'un département ministériel. Ce positionnement est supposé, a priori, refléter l'importance qui lui est accordée par les différents gouvernements, dans le cadre de leurs stratégies respectives. Toutefois, il reste dans les faits que le secteur du commerce semble avoir toujours été relégué au niveau des accessoires. Accessoires mis à la disposition des politiques économiques dominantes. Politiques qui :
- de 1965 à 1980 ont concerné surtout le développement des secteurs de production de biens, notamment industriels ;
- lors de la période 1980-1995 ont été centrées sur la réunion des conditions d'une transition vers un “libéralisme réputé sauveur ? et source d'efficacités ?” ;
- pour les années 1995 à 2009, les politiques mises en œuvre tentent de développer l'agriculture et les infrastructures, dans le cadre d'une transition vers une économie dite de “marché ?”.
Il est à noter que cette mise à disposition n'a jamais comporté une définition quelconque d'objectifs propres à ce secteur. Son rôle, de façon générale, se limitait à répondre à certaines attentes, des secteurs socio-économiques dominants. Attentes qui, selon le cas, ont été :
- soit de caractère économique (protection des potentiels de production, comme de l'emploi et allocation réputée optimale des ressources du pays, en moyens de paiements extérieurs (1967-1988) ;
- ou social (répondre à une demande sociale en tenant compte des faiblesses que peut connaître le pouvoir d'achat, suite aux faibles niveaux que connaissaient les revenus distribués (1962-1994) ;
- ou encore dogmatique (libéralisation tous azimuts et laisser-faire 1990-2008), etc.
Ces situations, qui pour l'essentiel reflètent les courants idéologiques dominants qui ont traversé l'Algérie depuis 1962, n'ont pas permis, du fait de leurs différences, voire de leurs antagonismes, l'émergence, au sein du territoire national, d'un marché structuré. Marché qui, suite à la régulation de son organisation, son fonctionnement, sa gestion, comme par ses sanctions (positives ou négatives), aurait pu constituer l'un des tracteurs de l'économie nationale et un référent pour les secteurs et les branches d'activité, comme pour les différents acteurs de l'économie du pays. Il est à noter que cette absence constitue et constituera une des grandes faiblesses du système économique actuel, ceci même si l'on s'évertue à l'appeler “économie de marché”.
Rappel des faits et réformes
Un rapide rappel des événements ayant marqué les différentes périodes vécues par le secteur commercial, depuis 1962, permet de caractériser ces dernières, ainsi qu'il est donné ci-après :
S'agissant de la période 1962-1985 deux temps sont à considérer :
Un premier qui, de 1962 (ou plus précisément depuis 1965) jusqu'à 1980, constitue la période d'émergence de l'Algérie indépendante. Algérie qui, sortie exsangue d'une période coloniale sévère et violente, suivie d'une cruelle guerre de libération, devait, quasiment seule, sans préparation aucune, ni appuis, assumer son nouveau statut d'Etat indépendant et, dans ce cadre, tout créer, organiser et gérer, notamment en ce qui concerne le secteur commercial.
Au titre des situations vécues, par le secteur commercial, lors de cette période, on relèvera notamment :
Un développement, relativement marqué, des cadres juridiques, réglementaires et institutionnels, régissant les secteurs socio-économiques. Développement se traduisant notamment par :
- un accès au marché algérien réglementé et faisant ressortir les importations du monopole de l'Etat ;
- les exportations qui relevaient, elles aussi, du monopole de l'Etat étaient soumises, pour l'essentiel, au régime de la licence en ce qui concerne les opérateurs privés, alors que les opérateurs publics agissaient, généralement, dans le cadre de monopoles qui leurs étaient concédés, ou de missions qui leurs étaient assignées. Il est à noter que, pour ce secteur d'activité, il n'a été relevé aucune action d'envergure, touchant à son organisation ou sa gestion, si ce n'est la promulgation de la réglementation édictée en 1974 à travers les décrets 74-12 et 74-14. Réglementation alors annonciatrice d'une approche novatrice. Approche au titre de laquelle une réflexion approfondie avait été conduite, mais dont les propositions ne semblent pas avoir été portées au niveau de l'exécutif, pour leur mise en œuvre ;
- les circuits de distribution ont été, de façon générale, créés et gérés par les entreprises publiques. Entreprises qui avaient en charge l'organisation et la gestion de ces circuits, depuis l'importation ou la production, jusqu'au stade de gros, inclus ou non (selon le cas). Cette organisation laissait la fonction de détail et certaines activités de gros et de demi-gros aux opérateurs privés. Circuits ramifiés et articulés, pénétrant très loin dans les régions du pays, y compris dans les régions reculées du sud et de l'extrême-sud, comportaient des investissements importants en termes de ressources humaines, capacités de stockage commercial ou rapprochées des consommateurs et capacités de transport adaptées aux besoins ;
- le commerce de proximité (détail) relevait pour l'essentiel des agents économiques privés qui opéraient, dans des cadres fixés par l'Etat, notamment en ce qui concerne le droit d'établissement, la qualité des produits, l'hygiène, la métrologie, l'affichage, les prix et marges, etc. La seule intervention du secteur public, en ce domaine, relevait des sociétés opérant dans le cadre de la grande distribution (SNNGA et Souk El-Fellah). Sociétés dont les unités de ventes au détail étaient alors implantées dans la quasi-totalité des principales villes du pays (y compris Tindouf, Adrar, Tamanrasset, etc.). Implantation qui en faisait un secteur témoin, avec possibilité de se transformer, en cas de nécessité, en moyen d'intervention de l'Etat pour influer sur l'évolution du marché.
Le cadre institutionnel restera, pour sa part, relativement sommaire et fortement centralisé, mais comportant les institutions de base que peuvent nécessiter le suivi, l'encadrement et la gestion du secteur commercial (CCI), Institut des prix, Entreprises d'études et de réalisation d'infrastructures (ENERIC et SNREGMA), Centre de traitement Informatique (CETIC), ONPI, OFALAC, Directions de wilaya, Directions centrales, etc.) ;
- le stockage de sécurité et le grand stockage commercial, comme les capacités de transport, sont pour de larges parts assurés par les entreprises publiques. Toutefois, les producteurs, les grossistes et les détaillants, avec l'appui de transporteurs privés, assuraient des niveaux de stockage et des capacités de transport, en relation avec les besoins que pouvaient nécessiter leurs activités ;
- les prix étaient, de façon générale, réglementés, avec pour objectif premier la protection du pouvoir d'achat. De même, les prix avaient aussi pour mission d'assurer une répartition, aussi équitable que possible, des marges entre les différents intervenants et la localisation, chaque fois que possible, d'une part non négligeable de l'accumulation au niveau des producteurs, etc.
Les ressources humaines alors présentes n'avaient, à aucun moment, été préparées pour l'encadrement et la gestion du secteur commercial. Elles se sont, de façon générale, formées en cours d'emploi et dans l'action.
Le second temps qui couvre la période 1980 à 1992 a vu, d'abord lors des années 1980, l'amorce d'un mouvement de rupture.
Rupture qui, sous le couvert de réformes, parfois réputées judicieuses, a donné le signal d'une démarche appelée transition vers une économie dite de marché. Transition qui apparaissait, dans les faits, comme une réaction visant la destruction de l'ordre ancien dit “socialiste ?”, pour tenter de le remplacer par un nouvel ordre dit “libéral ?”.
Cette démarche apparaîtra plus tard comme motivée, en fait, par des intérêts purement privés (nationaux et/ou étrangers), souvent sans rapport avec l'intérêt général. Démarche qui aura pour résultat l'introduction en Algérie d'un nouvel ordre qui, à l'instar de ce qui se
passe partout dans le monde dit libéral, privatise les bénéfices et positions de rentes, mais socialise les pertes.
Pour les années 1990 et suivantes
Lors de cette période, le mouvement amorcé, pendant la décennie 1980, va s'amplifier et prendre des proportions très larges et profondes, au point de concerner l'ensemble du tissu économique, y compris certains domaines stratégiques. Ce mouvement sera appuyé par un programme dit d'ajustement structurel (PAS) préconisé, au milieu de la décennie 1990, par le FMI et mis en place par les autorités algériennes, suite à la situation de cessation de paiement qu'a connu le pays à cette époque.
Au rang des mesures majeures décidées, il y a lieu de relever notamment : la libéralisation totale et rapide du commerce extérieur, ainsi que l'abandon, par l'Etat, du monopole qu'il exerçait sur ce secteur ; le retrait de l'Etat des activités économiques, notamment commerciales ; la dérégulation économique et la libération totale des prix. Ensemble de mesures et décisions qui, il faut le relever, constituaient alors une révolution.
Toutefois et malgré leur importance, ces mesures devaient être considérées, par les opérateurs et certains cadres de l'Etat, comme insuffisantes, dans la mesure où le dinar algérien n'était pas convertible et que le contrôle des changes n'avait pas été libéralisé en conséquence. Ces revendications seront rapidement prises en charge et le gouvernement décidera de la convertibilité commerciale du dinar algérien et de l'allégement de certaines dispositions du contrôle des changes. Décisions qui achèveront de conférer aux opérateurs économiques, notamment les importateurs, des capacités d'intervention sur les marchés extérieurs. Capacités pour lesquelles ils n'avaient malheureusement pas été préparés, ni armés, mais qu'ils exerceront dans la confusion. Ceci avec toutes les conséquences, généralement désastreuses, qui pouvaient résulter de telles situations.
Par ailleurs et compte tenu de la volonté de ces opérateurs d'éviter la fiscalité, de larges pans des circuits de distribution, comme de l'importation, ont basculé progressivement, depuis le milieu des années 1980, vers l'informel. Marché informel pour lequel le Conseil national économique et social (CNES) donne, en 2007, une dimension estimée à environ 40% du marché total (estimation portée par certains à plus de 50% en 2009).
Ces chiffres, faut-il le souligner, sont tout simplement énormes et constituent un seuil limite avant le basculement, de l'ensemble du secteur commercial, vers l'informel ou l'économie souterraine. Situation qui relève des dangers majeurs encourus par l'économie nationale.
Cette évolution du marché domestique n'a pas été sans répercussions sur les prix. Ces derniers ont connu une évolution erratique, généralement haussière, au point de constituer, pour le pouvoir d'achat des populations, une menace constante. Menace que les autorités n'arrivent pas à juguler, en raison notamment de l'absence de règlements encadrant les prix, comme en l'absence d'outils et instruments d'aide à l'orientation et à la gestion du domaine des prix.
L'ensemble des situations données ci-dessus se traduit, pour l'Etat et ses représentations, par une absence totale de visibilité du marché et une incapacité, au niveau de ses institutions, à établir la moindre prévision, donc à développer la moindre action de gouvernance.
Concernant l'encadrement institutionnel, les institutions créées et mises en œuvre lors des années 1970 et suivantes vont être progressivement délaissées. L'encadrement et le suivi du marché seront laissés, au fur et à mesure du développement de la nouvelle démarche, aux seules forces en présence, c'est-à-dire en fait aux offreurs, notamment privés. Offreurs qui progressivement vont déterminer un ordre nouveau, peu lisible et dont les objectifs ne transparaissent nulle part.
Ainsi, la période couvrant les années 1980 à 2000 aura vu le secteur commercial, dans sa partie significative, passer des mains du secteur public au secteur privé. Passation au terme de laquelle l'Etat et ses institutions apparaissent, de plus en plus, comme coupés du concret vécu au niveau des marchés extérieurs et du marché domestique, donc des principaux tracteurs de l'économie.
Cette coupure privera en même temps l'économie nationale d'un manager majeur (l'Etat). Manager que le secteur privé ne pourra remplacer, en raison de sa faiblesse, comme de son inexpérience, car constitué, pour l'essentiel, de primo-entrepreneurs de dimension très modeste, peu ou pas formés et tout à fait inexpérimentés.
Résultats des réformes
Les réformes appliquées à l'économie algérienne, notamment lors de la période 1980-2009, font que après avoir :
- bridé l'action de l'Etat et de ses démembrements, dans les domaines économiques ;
- renoncé à tout système d'organisation et de gestion du secteur commercial, de protection de son marché et partant de son économie ;
- réduit, de façon drastique, l'encadrement juridique, réglementaire et institutionnel, qui régissait cette fonction ;
- laminé le pouvoir libératoire du dinar algérien et par voie de conséquence le pouvoir d'achat des populations, ceci suite à de sévères et répétitives dévaluations ;
- asphyxié, puis démantelé, les entreprises publiques importatrices et exportatrices, comme celles assurant d'importantes missions de régulation du marché ;
- démantelé les circuits de distribution ;
- libéré les prix sans s'assurer des voies et moyens d'une régulation du marché et des prix ;
- réduit au rang de spectateurs, suite aux différentes réformes, les institutions publiques et privées ;
- perdu une large part des ressources humaines qui étaient aptes à animer et à gérer ce secteur ;
L'Algérie apparaît comme un pays dont le secteur commercial comporte de nombreux aléas, voire même des risques sérieux pour sa sécurité.
Toutefois, ces situations ont été certainement considérées, par les concepteurs des réformes, comme constituant des conditions favorables à une démarche de transition vers une “économie dite de marché”.
Par ailleurs, cette transition qui dure maintenant depuis plus de 25 ans (une génération) apparaît comme riche en surprises, pour les acteurs et concepteurs, en raison notamment des résultats qu'elle affiche. Résultats qui peuvent s'analyser pour l'essentiel comme suit :
- le credo (que certains peuvent considérer comme prélogique) relatif au fait que le marché, “infaillible ?”, avec “sa main invisible ?” et en l'absence de toute intervention de l'homme (et encore moins de l'Etat), décide de tout et corrige tout ce qui n'est pas en adéquation avec “la logique économique”. Credo qui, loin d'être une vérité, est au plus un slogan, voire un leurre ;
- l'informel régit, de façon de plus en plus large, les rapports commerciaux sur le marché et entraîne, l'ensemble du marché vers un fonctionnement de type informel ;
- la protection des entreprises, contre la concurrence active ou déloyale (notamment étrangère), devient difficile, ce qui incite de nombreux agents à se détourner de la création de richesses et d'emplois, pour privilégier la spéculation et la vente de produits faits ou contrefaits ailleurs ;
- la protection des consommateurs, devient un problème dont la solution ne peut être administrée par les seuls et dérisoires moyens administratifs, financiers et humains, mis en place ;
- les importations explosent (multipliées par 4 en 10 ans), ce qui est peu commun ;
- les exportations hors hydrocarbures que les opérateurs s'évertuent à essayer de développer pour atteindre difficilement 1 à 1,5 milliard de US$ ;
- la surfacturation et la sous facturation des importations et des exportations ne sont pas contrôlées, ce qui constitue, sans doute, un large canal pour une évasion de capitaux ;
- les circuits de distribution, qui avaient été constitués pendant plus d'une décennie et ramifiés sur l'ensemble du territoire national, avec des capacités de stockage et de transport conséquentes, ont été pour certains fermés, alors que d'autres ont été recyclés, dans l'informel ;
- les prix, loin de répondre à une finalité économique, s'inscrivent dans une logique de profits, à courte vue. Logique dominée par une spéculation effrénée, pour le moins, difficile à tempérer ;
- la concurrence n'est pas au rendez-vous et les ententes, comme les positions dominantes, sont légions ; sans que le Conseil de la concurrence ait donné le moindre avis sur ces sujets ;
- les ressources humaines disponibles sur le marché et mises en œuvre au sein de la sphère commerciale apparaissent, de façon générale, comme disposant de niveaux de formation assez élevés. Toutefois, ces formations restent de caractère académique et les domaines de spécialisation, comme les formations-actions, diplômantes ou qualifiantes, restent à créer ;
- au niveau des institutions et des textes législatifs, de nombreuses nouveautés sont à signaler. Nouveautés qui restent pour l'essentiel, de peu d'application, car peu adaptées au contexte.
Ces résultats soulignent, à l'évidence, l'échec d'une approche qui s'est voulue une révolution politique et économique. Révolution déclarée, par ses promoteurs et les institutions de Bretton Woods, comme devant porter les pays qui y souscrivent (donc l'Algérie) vers des sommets en termes de développement et d'efficacité économique. Révolution qui, au terme de plus de deux décennies d'actions de ses promoteurs, sans l'ombre d'une quelconque opposition, place en fait l'Algérie dans une position de fragilité économique, voire de vulnérabilité. Ceci, malgré des paramètres macro-économiques très favorables. Paramètres qui, en fait, masquent des déficits structurels sérieux, voire à terme porteurs de dangers.
à ce sujet, il est à espérer que la crise financière que connaît l'économie mondiale, comme ses corollaires que sont les crises économiques et sociales, qui affectent et affecteront l'ensemble des pays, aideront nos cadres et dirigeants (publics et privés) à abandonner l'approche fondée sur une idéologie de circonstance, pour revenir vers un concret vécu, certes moins rose, mais plus vrai et qui présente l'avantage d'être fondé sur les valeurs sûres que sont l'effort, le travail, la compétence, la transparence et la rigueur. Ensemble de qualités que le discours politique actuel (2009-2010) met en exergue et qu'il importe de mettre, dans les faits, à l'honneur.
Certes, les résultats dommageables, évoqués ci-dessus, n'ont certainement pas été voulus comme tels par les décideurs et cadres du pays (le contraire serait grave). En effet, ces derniers semblaient surtout conduits par leur idéologie (empruntée ou sincère) dite libérale et ignoraient, peut-être, les mécanismes régissant l'économie du pays d'une part et ceux mis en place par les institutions multilatérales et les pays foyers dominants, pour l'organisation et la gestion, à leur profit exclusif, des relations économiques internationales d'autre part.
Par ailleurs, peut-être à la décharge de ceux qui ont conduit ces “réformes”, il y a lieu de considérer que les injonctions et pressions des institutions de Bretton Woods, alliées à celles développées par de nombreuses institutions multilatérales et les ambassades des pays “majors” accréditées à Alger, conjuguées avec les pressions impatientes des lobbies du secteur privé national, ont, certainement, achevé de convaincre les responsables concernés de la nécessité de remplacer l'existant par un ordre nouveau (libéral). Ce dernier étant présenté comme “la Solution” à tous les problèmes de développement et de croissance économique (ce qui est une autre promesse de miracle).
Ceci étant, il reste que les déficits et les contre-performances sont là et qu'il n'est pas possible de les ignorer, sans risques sérieux pour tous, y compris par certains aspects pour des pays partenaires. Dès lors, il est important que la rupture avec ce passé récent soit assurée et assumée. Ce qui, il faut le relever, semble reflété par certaines déclarations et décisions du gouvernement.
Problématique générale
Les évolutions retracées par le présent propos comme les résultats indiqués ne reflètent pas une adéquation particulière à la démarche officielle. Démarche qui, selon le discours dominant, est orientée vers le développement économique et social du pays.
En effet, les différentes fonctions relevant du secteur commercial, loin de s'inscrire dans le cadre d'une démarche favorisant ce développement, affichent des caractéristiques se situant, parfois, voire souvent, en contradiction avec cet objectif. Caractéristiques qui, pour l'essentiel, reflètent surtout les contre-performances et les régressions enregistrées au niveau des fonctions relevant de ce secteur. Aspects qui seront développés lors des chapitre consacrés au commerce domestique, puis au commerce extérieur.
Sur un autre plan, il est à considérer que, face à cette situation, les rares actions concrètes qu'il a été possible de relever sur le terrain concernent l'intervention, lors de ces trois dernières années, de projets d'appui et d'assistance aux entreprises et institutions du secteur commercial. Projets développés et financés par les coopérations internationales.
Toutefois, il y a lieu de relever que ces projets interviennent dans un cadre peu lisible et pour des objectifs encore flous, du fait que le pays ne s'est doté d'aucune stratégie en ces domaines, comme il ne s'est fixé aucun objectif. Par ailleurs, il est à craindre que les capacités d'absorption, en termes de savoir-faire comme d'appui des administrations et institutions auprès desquelles ces projets sont domiciliés, soient vite saturées, ce qui réduirait d'autant l'utilité de ces projets.
Aussi et à ce stade, il apparaît, à l'observateur externe, que les situations prévalant au sein de ce secteur rendent nécessaire et même urgent le fait que les autorités décident de procéder à un réexamen de l'ensemble du secteur. De même devraient-elles développer, en conséquence, des actions de nature à faciliter l'adaptation de ce secteur aux contextes vécus et l'aider à s'inscrire dans la perspective des objectifs de développement que s'assigne le pays. Ceci, suite à sa restructuration et sa mise à niveau ou, ce qui est fort probable, voire même certain, son réingéniering.
Le commerce intérieur
Le vocable commerce intérieur désigne le regroupement d'un ensemble de fonctions économiques et sociales, d'institutions et opérateurs, de cadres juridiques et réglementaires, mettant en œuvre des politiques convergentes, dans le cadre de stratégies adéquates, avec pour finalité l'organisation, le fonctionnement, l'orientation et la gestion du marché domestique d'un pays ou d'une entité régionale. Marché au sein duquel se rencontrent des offreurs et des demandeurs, échangeant des biens et des services, pour des quantités et qualités admises comme suffisantes, à des prix reflétant, soit les rapports existants entre l'offre et la demande, ou traduisant des rapports économiques et/ou sociaux, convenus ou arbitrés par la puissance publique.
Au plan économique et pour tous les pays, le commerce intérieur constitue un des principaux tracteurs de la croissance économique. De même qu'il apparaît pour l'observateur un indicateur du niveau d'organisation et de développement d'une économie, ou d'une société, comme il informe de l'état de bien-être ou de mal-vie, des citoyens du pays considéré.
En Algérie, le commerce intérieur connaît, en 2010, une situation a priori difficile à caractériser ou à définir. En effet, ce domaine de l'activité économique du pays apparaît comme ouvert à tous les vents et connaît souvent des actes et pratiques pouvant, sans conteste, être qualifiés de préjudiciables à l'économie, aux institutions, comme aux citoyens du pays.
Rétrospective (rappel)
Le commerce intérieur de l'Algérie était considéré, jusqu'en 1962, comme partie intégrante du marché français. De ce fait, il affichait, pour l'essentiel et sous réserve de certaines spécificités, une organisation, un système de fonctionnement et un encadrement identiques à ceux prévalant sur le marché de l'ancienne “métropole”.
Après 1962, suite au fait politique que constitue l'Indépendance du pays, les autorités algériennes ont eu la charge d'organiser, de façon aussi efficiente et rapide que possible, le marché domestique. Objectif dont la réalisation s'est révélée, dans les faits, peu aisée, voire ardue, en raison notamment de la complexité de la tache, comme de l'absence totale de capacités techniques et d'expériences, tant au niveau de l'encadrement que des opérateurs économiques présents.
Certes, de 1962 à 1965, on a assisté à de timides tentatives de régulation et de gestion, dans le cadre des institutions et du cadre juridique hérités. De même, certaines actions d'organisation ont été conduites dans l'urgence, notamment en ce qui concerne le commerce de certains produits de base. Toutefois, l'ensemble du domaine du commerce intérieur restait d'une efficacité toute relative et nettement en deçà des besoins du pays, des attentes des populations et des opérateurs, comme des implications que comportait le nouveau statut du pays.
C'est après 1965 que les concepts, d'organisation, d'encadrement et de régulation du marché ont été considérés comme des objectifs importants. Objectifs dont la concrétisation allait, pendant longtemps, buter contre des obstacles majeurs tels l'absence d'expériences, voire de compétences, des ressources humaines (publiques et privées) intervenant dans ce domaine, les faiblesses structurelles du secteur privé resté cantonné dans la petite distribution traditionnelle, le caractère atrophié des circuits de distribution, la faiblesse des moyens et des infrastructures.
Par ailleurs, la dimension du pays (espace géographique très large et profond avec plus de 3,381 millions de km2 de superficie), conjuguée à l'importance et à la dimension des frontières (plus de 6340 km de frontières avec 7 pays voisins et plus 1 620 km de façade maritime), complétée par la diversité des situations que présentent les différentes zones (rurales, semi-urbaines, urbaines, de montagne, hauts plateaux, sahariennes…), rendaient encore plus ardus les problèmes vécus.
Aussi et pendant la période 1965-1985, les autorités vont, à travers différentes approches et avec des moyens de plus en plus importants, organiser et structurer le marché intérieur, réguler son fonctionnement, pour l'inscrire progressivement dans l'exercice de ses fonctions naturelles de collecte et de distribution des biens et services. Ceci, tout en veillant à rassembler et à organiser les voies et moyens nécessaires pour déployer une protection optimale au profit des entreprises productrices de biens et de services, de l'emploi, des ressources financières et fiscales du pays, comme des populations les plus faibles.
Certes, l'ensemble des actions conduites a connu des difficultés, tant au niveau de leur conception que de leur mise en œuvre. Du fait notamment de la faible expérience et savoir-faire des cadres et personnels en charge de ce domaine. Toutefois et malgré ces handicaps, le domaine du commerce intérieur a connu, lors de cette période, une certaine stabilité, suite à une protection du pouvoir d'achat des populations et réservé une large part de la demande à la production nationale.
C'est lors des années 1980 qu'un vent de réformes a commencé à souffler en Algérie, suite à l'arrivée aux commandes du pays de nouvelles équipes de cadres et dirigeants. Aussi et lors de la période 1985-2008, le commerce intérieur algérien, à l'instar d'autres secteurs et branches de l'économie, connaîtra des mutations profondes, dans le cadre des réformes développées à la demande de l'environnement international, notamment des institutions de Bretton Woods. Demande qui a trouvé, en écho, une volonté des autorités de réformer l'organisation et le fonctionnement de l'économie du pays.
Réformes qui se sont traduites par des modifications sensibles dans le système d'organisation et de gestion du commerce intérieur, avec pour conséquences notamment : la liberté de commerce s'est traduite par l'arrivée sur le marché d'une multitude de nouveaux opérateurs qui, malgré l'absence de moyens et sans expérience dans le domaine, parfois même en méconnaissance des produits à opérer, se sont improvisés grossistes, importateurs, mandataires, détaillants, etc.
Cette situation connaîtra, à la faveur de la liberté d'importer, des développements encore plus importants grâce aux financements que procuraient les crédits bancaires (généreusement accordés par les banques pour l'importation) et les actions de blanchiment d'argent.
À la liberté de commerce viendra s'ajouter la liberté des prix qui favorisera le secteur spéculatif et celui de l'informel. Deux domaines qui peuvent désormais opérer en toute liberté et au grand jour, justifiant même leurs actions par le sacro-saint jeu de l'offre et de la demande.
S'agissant du retrait de l'Etat des activités économiques, il s'est progressivement traduit par : la destruction des circuits de distribution créés. De même que l'on assiste à la disparition progressive des entreprises publiques et le licenciement des cadres et personnels opérant en ce domaine, la mise en vente des infrastructures et équipements créés ou acquis lors des périodes antérieures ou parfois l'abandon pur et simple de ce patrimoine.
Etat des lieux et problématique
De façon générale, compte tenu de la rétrospective opérée et des constats pouvant être opérés, en ce qui concerne l'état du commerce intérieur, il est patent que les différentes réformes décidées et mises en œuvre, sans analyse, ni évaluation (liberté de commerce, liberté des prix, liberté d'établissement, retrait de l'Etat des activités économiques, privatisation des infrastructures commerciales, etc.), associées à la levée de l'ensemble du système de protection de l'économie nationale, ont provoqués de sérieux dégâts, au plan économique, comme au niveau social.
Pour la partie économique, les dégâts résultent notamment d'une marginalisation de plus en plus grande de la production nationale, avec comme corollaires la réduction des taux d'utilisation des capacités de production et le développement du chômage, les pertes fiscales que le développement de l'informel implique, la fuite de capitaux que la libération sans contrôle des importations à certainement engendré, etc.
Au niveau social, il y a lieu de relever les menaces qui pèsent sur l'emploi et le niveau d'érosion sensible que connaît le pouvoir d'achat des populations, suite aux activités spéculatives et au commerce informel. Deux types d'activités qui, en 2009, apparaissent comme ayant investi tous les produits, affecté toutes les catégories d'opérateurs, gangrené toutes les régions du pays et lésé toutes les catégories sociales.
Face à ces menaces qui touchent des domaines très sensibles et peuvent même affecter l'ordre public, l'Etat est apparu, suite notamment à son retrait de la sphère économique, dans l'incapacité de développer les actions nécessaires pour endiguer ces menaces et protéger les secteurs économiques, comme les personnes physiques et morale menacées. En effet les seules actions qui ont pu être relevées sont :
- celles relatives à la promulgation de textes visant l'encadrement du secteur de la distribution ;
- le recrutement de milliers d'inspecteurs et contrôleurs pour un domaine devenu opaque ;
- des augmentations de salaires du secteur public et les décisions de relever les salaires minima pour compenser des pertes de pouvoir d'achat suite à l'évolution erratique des prix de la majeure partie des biens et services disponibles sur le marché. Augmentations qui, par ailleurs, n'apportent aucune solution réelle, du fait que la spéculation peut à tout moment les éponger.
Sur ces bases, il apparaît que nous sommes en présence d'une absence totale d'organisation et de gestion du marché. Ce qui a pour conséquence des faits, des comportements et des situations qui affectent, de façon sensible, la santé économique et financière du pays, comme celle des agents économiques.
De même, les évolutions erratiques mais haussières des prix sur le marché érodent, de façon non moins sensible, le pouvoir d'achat des populations.
Ce sont là des menaces dirigées contre le tissu économique et social du pays. Menaces dont l'aggravation et/ou l'inscription dans la durée serait de nature à porter atteinte à la dynamique que connaît le pays, voire même à affecter l'ordre public.
Ces situations ne sont en rien spontanées. Elles résultent pour l'essentiel de :
- l'absence de circuits de distribution organisés, structurés et suffisamment articulés pour constituer les structures de base du marché intérieur ;
- la grande faiblesse des infrastructures organisant le domaine du commerce intérieur (stockage, marchés d'intérêt national, régional ou local, zones d'activités, chaîne du froid, etc.) ;
- l'insuffisante définition des métiers de la distribution, comme de ceux relevant des fonctions connexes. Définition qui aurait dû préciser les droits et devoirs inhérents à chaque métier, ainsi que les relations professionnelles les liant entre eux et avec leur environnement ;
- l'inexistence d'un système de prix qui aurait pu identifier comme composantes adéquates de ce système les types de prix et marges à promouvoir au sein du marché ;
- l'absence d'une politique des prix qui, en fonction des objectifs économiques et sociaux que se fixe le pays, aurait mis en œuvre les composantes du système des prix et marges, en vue de l'obtention des résultats économiques et sociaux escomptés ou souhaités ;
- la faible affirmation d'une politique commerciale qui aurait dû fixer les règles et usages devant prévaloir au sein du système de distribution à mettre en place, organiser la transparence dans les mouvements des produits, assurant ainsi leur traçabilité, déterminer la responsabilité des opérateurs comme des institutions, développer un système d'incitations, comme de sanctions positives et négatives, etc. ;
- la faiblesse de l'encadrement institutionnel, actuellement très limité et peu opérationnel ;
- le cadre juridique qui connaît un grand nombre de textes législatifs et réglementaires, adoptés ou en cours d'adoption, mais qui ne semblent pas procéder d'une vision claire de l'ordre à créer ;
- les ressources humaines connaissent actuellement des niveaux de formation relativement élevés, mais restent peu préparés aux métiers du commerce ;
- l'inexistence d'évaluations du domaine du commerce intérieur. Evaluations qui peuvent constituer des moments forts. Moments au terme desquels il sera possible de positionner ce secteur au sein de la démarche nationale pour le développement économique et social.
Cet état des lieux rapidement esquissé révèle de graves lacunes et insuffisances qu'il s'agira de résorber, comme il souligne nombre de distorsions à corriger et de restructurations à opérer.
Par ailleurs, la coexistence sur le même marché d'un secteur formel, atrophié et entravé, réputé en concurrence avec un secteur informel qui monte en puissance et se situe en interfaces et synergies avec un secteur spéculatif, très entreprenant, incite à un réexamen en profondeur du secteur du commerce intérieur.
Réexamen qui devra nécessairement privilégier la définition à nouveau de ce domaine, en ce qui concerne notamment son organisation et son fonctionnement, ainsi que la préconisation de règles et usages à même de restaurer la transparence dans ce domaine, la fluidité et la traçabilité des produits, la juste rémunération des acteurs, l'incitation au développement des activités des secteurs de production et la protection des consommateurs.
Autant de contraintes à lever et d'objectifs à réaliser, ce qui conduit à considérer que l'option du réingénièring est celle qui peut, le mieux, répondre à ces attentes.
Directions de recherche possibles
En préliminaire à l'identification des directions de travail possibles, il y a lieu de préciser, d'abord, que la notion de réingénièring ne doit pas être entendue ici comme une sorte d'option esthétique, selon laquelle on efface tout et on recommence. Non ! Cette option n'est pas possible, car le domaine du commerce intérieur n'est pas un objet ou un corps inerte. C'est un corps vivant. Aussi, s'agira-t-il, après un diagnostic approfondi et la formulation d'une problématique pertinente, de procéder à une première restructuration et relance de ce domaine. Solution de base qui sera progressivement améliorée, pour la porter à des niveaux de performance lui permettant de répondre aux attentes (économiques et sociales), contribuer à relever les défis qui s'imposent au pays et, dans ce cadre, porter les objectifs que lui assignent les autorités du pays.
C'est dans ce cadre et en vue de ces objectifs que les développements suivants seront organisés. Développements qui concerneront des thèmes tels :
- la configuration géographique, économique et sociale du commerce intérieur algérien ;
- les circuits de distribution ;
- l'urbanisation commerciale ;
- les infrastructures, les équipements et la logistique;
- le système de prix ;
- la politique commerciale ;
- la politique des prix ;
- l'encadrement institutionnel ;
- l'encadrement juridique et réglementaire ;
- les ressources humaines ;
- les évaluations.
La configuration du domaine du commerce intérieur
L'action de réingénièring ne saurait être engagée et valablement conduite que si, compte tenu du diagnostic de la situation, il était opéré une configuration et une évaluation du domaine. Configuration et évaluation qui auront pour bases des analyses portant notamment sur :
- l'espace géographique et ses spécificités, ainsi que son organisation ;
- l'analyse sociologique et anthropologique ;
- le contexte économique et ses développements, y compris des estimations sommaires de certains paramètres tels : l'offre, la demande, le pouvoir d'achat des populations, etc. ;
- l'état des infrastructures et les transports ;
- les attentes et les missions possibles, etc.
Ces analyses et examens permettront d'acquérir les connaissances nécessaires pour préconiser une configuration pertinente du commerce intérieur du pays.
Les circuits de distribution
La mise en place d'un système de distribution comporte plusieurs volets au rang desquels il y a lieu de signaler, notamment :
- la définition des métiers, intervenant dans ces circuits. Définition qui concernera non seulement leurs rôles et missions, comme leurs fonctions, mais aussi les moyens dont ils doivent disposer, leurs droits et devoirs, les sanctions susceptibles d'être encourues, etc. Ici des cahiers des charges doivent être proposés ;
- l'établissement d'un zoning qui, au niveau national, sera l'agrégation des zoning de quartiers, agrégés par commune, puis par daïra, etc. Il sera établi compte tenu de la population présente, de son style de vie et de son pouvoir d'achat. Il définira, par métiers et gammes de produits compatibles, le nombre d'opérateurs pouvant intervenir utilement à chaque niveau (gros, demi-gros et détail) ainsi que les conditions de leur établissement. Cette définition fondera le Schéma directeur de l'organisation de la distribution dans le pays.
Ce réseau sera structuré comme un ensemble d'artères irriguant le corps économique et social du pays. Il sera calibré en conséquence et mis à la disposition des opérateurs (producteurs ou importateurs), chacun pour ce qui le concerne.
Ces métiers feront l'objet d'une organisation faite d'associations professionnelles rattachées à des institutions existantes. La participation à ces associations sera obligatoire et leur financement assuré par un prélèvement fiscal, intégré aux impôts que paient ces professionnels.
L'Urbanisation commerciale
Cette approche s'inscrira dans le cadre du zoning tel qu'il sera défini et visera sa mise en œuvre. Mise en œuvre qui sera assurée sur le terrain par les représentants du secteur commercial en relation avec les autorités locales (communes, daïra, wilaya,…) selon les types de métiers et leur impact économique et social.
La mise en œuvre du zoning doit s'accompagner, pour les candidats à un compagner, pour les candidats à un métier relevant du secteur commercial, d'un agrément par les autorités locales. Ces dernières, compte tenu de l'utilité du métier demandé pour leur collectivité, comme de leurs besoins à satisfaire et de la configuration de leur collectivité comme de ses spécificités, statueront sur la base d'un dossier que présentera le candidat au métier et après avis technique du représentant du département en charge du commerce intérieur. De même le candidat devra-t-il décliner les connaissances et/ou la pratique qu'il a du métier.
Ces implantations seront décidées, pour le nombre, conformément aux besoins des collectivités, pour les localisation en se basant sur la répartition spatiale de la population et de ses revenus, comme compte tenu du droit d'établissement tel qu'il est fixé par la loi, permettront d'assurer, aux citoyens et en proximité, la disponibilité des biens et services qui leurs sont nécessaires. Toutefois, cette offre concurrentielle devra aussi tenir compte des intérêts des commerçants qui ne devront pas être confrontés à une surpopulation commerçante ou à une promiscuité des commerçants distribuant les mêmes produits. Surpopulation et promiscuité qui peuvent constituer, pour ces opérateurs, un risque mortel.
Les infrastructures, les équipements et la logistique
Au niveau des infrastructures, il sera nécessaire, compte tenu des besoins et des objectifs assignés au domaine du commerce intérieur, comme prenant en compte l'existant, réputé fiable, d'élaborer et mettre en œuvre un programme de réalisations. Programme qui pourrait viser notamment :
- la réalisation d'un programme d'infrastructures destinées à loger les stocks de sécurité. Stocks dont les volumes devraient être à même de couvrir environ 9 mois de consommation pour une gamme de produits stratégiques, définie par les autorités. Ils seront placés sous le contrôle des corps de sécurité et soumis à une gestion publique contrôlée par le Parlement ;
- la réalisation et la mise en œuvre, par les entreprises publiques et privées, productrices ou commerçantes (importateurs, grossistes, demi-grossistes et détaillants), de capacités de stockage commercial, couvrant, dans leur totalité et pour tous les produits, environ 3 mois de consommation ;
- élaborer, puis réaliser et mettre en œuvre un plan directeur relatif à la réalisation d'une chaîne nationale du froid intégrée. Cette chaîne du froid travaillera en relation avec le secteur du stockage ;
- relancer la grande distribution par le biais de sociétés à capitaux publics, privés ou mixtes. Sociétés pouvant, pour celles qui le jugent utile, s'inscrire dans le cadre de collaborations ou coopérations entre les secteurs publics et privés.
Au plan de la logistique, il est vrai que la quasi totalité des métiers relevant de ce domaine existent en Algérie. Toutefois, leur nombre comme leur répartition sur le territoire national connaissent de sérieux déficits. Aussi, une restructuration et une mise à niveau de ce domaine d'intervention restent à réaliser.
Le système des prix
Le domaine des prix est lui aussi identifié comme un maillon faible du secteur commercial. Faiblesse qui fait suite aux décisions conférant aux opérateurs toute liberté dans la fixation des prix des biens et services qu'ils commercialisent.
Certes, si le pays connaissait au sein de son économie une situation de concurrence pure et parfaite, cette décision aurait peut être sa raison d'être. Malheureusement, ce n'est pas le cas et les situations de concurrence pure et parfaite sont des cas d'école, voire des vues de l'esprit. Aussi et dans le cas de l'Algérie, la liberté des prix telle qu'elle est vécue ne se justifie actuellement par aucun fondement économique ou social.
Sur un autre plan, il est évident que les prix, selon le secteur, la branche ou la filière considéré, la conjoncture vécue, la région, la population ciblée, etc., n'ont pas le même rôle. Dès lors, il sera
nécessaire d'identifier et définir un système de prix à plusieurs branches pour couvrir l'ensemble des cas pouvant se présenter.
Toutefois et pour être efficient, ce système de prix devra être défini et précisé par une réglementation aussi complète et affinée que possible. De même, il devra être adossé à un système institutionnel, lui assurant les moyens de l'action et la possibilité d'une adaptation régulière aux contextes et aux conjonctures vécus. Ce qui lui conférera des capacités d'intervention larges et efficientes.
La politique commerciale et la politique des prix
Le système de distribution et le système des prix constituent des outils que mettent en œuvre la politique commerciale du pays dans son volet domestique et la politique des prix ; soit deux composantes importantes de la politique économique du pays. Deux politiques qui connaissent de nombreuses interfaces et développent des synergies. Deux politiques qui elles mêmes sont des résultantes de nombreuses composantes qui concernent les différents volets de la vie économique et sociale du pays.
C'est ainsi que la politique commerciale, en ce qui concerne son volet commerce intérieur, comportera notamment les politiques de stockage et leurs financements, le système concurrentiel développé, les circuits de distribution longs et courts mis en œuvre, les systèmes de métrologie et de qualité mis en place, la politique de contrôle et des sanctions appliquées aux cas de fraudes, etc.
La politique des prix, pour ce qui la concerne, résultera de la mise en œuvre du système des prix, en relation avec les systèmes d'aides et incitation que comportera la politique économique du gouvernement.
L'ensemble sera orienté vers la réalisation des objectifs économiques (développement de la production agricole, amélioration de la sécurité alimentaire, orienter les dépenses publiques vers la production nationale.) ou sociaux (améliorer le pouvoir d'achat, protéger l'enfance, améliorer la santé de la population, équilibrer la consommation en produits de base…) que se fixe le gouvernement dans le cadre de la politique de développement du pays.
L'encadrement institutionnel
Au niveau des circuits de distribution, l'encadrement institutionnel a une grande importance car de nature à influencer, positivement ou négativement, les systèmes mis en place, tant en ce qui concerne leur pertinence, que leur efficience.
Dans le cas de l'Algérie et en complément de l'existant, les préconisations en ce domaine seraient les suivantes :
- création d'un observatoire autonome de la distribution qui aurait pour mission d'observer et étudier régulièrement la situation générale de la distribution, identifier les points noirs et préconiser les solutions nécessaires. Il assumerait aussi la mission de préparer et animer les rencontres d'évaluation du domaine du commerce intérieur ;
- compléter le tissu des organismes stockeurs existants pour couvrir l'ensemble des besoins en terme d'organismes spécialisés, comme en capacités d'intervention et de stockage ;
- création d'une caisse générale de péréquation, de compensation et de stabilisation des prix avec des structures spécialisées par domaine et des démembrements sur l'ensemble du territoire national ;
- création d'un institut national des prix qui serait en charge de l'étude et l'analyse des prix, contribuerait à l'établissement de l'indice des prix, assurerait l'observation et le suivi des prix, comme il proposerait toutes mesures nécessaires à cet effet ;
- aider à la création d'associations professionnelles et de consommateurs, selon des schémas à préciser.
L'encadrement juridique et réglementaire
Aux plans juridique et réglementaire, les constats suggèrent que le cadre actuel est source de dysfonctionnements et d'opacités, comme il contraint les autorités en charge du domaine à l'inaction, au nom de pseudo libertés. Aussi, l'action devrait privilégier la mise à plat du cadre actuel et reconfigurer à nouveau l'ensemble du dispositif, comme préciser les aspects qui structurent l'organisation, le fonctionnement et la gestion des domaines de la distribution et des prix.
Cette approche apparaît comme recherchée par les autorités du pays, du moins si l'on se réfère aux textes, comme aux déclarations récentes. Toutefois, les objectifs poursuivis apparaissent encore comme mal définis.
Les ressources humaines
Dans ce domaine, un grand effort de formation est à développer en ce qui concerne les formations diplômantes ou qualifiantes de l'ensemble des effectifs employés au niveau de la distribution et des prix, ainsi que leur information régulière. Ceci, qu'il s'agisse des administrations, des institutions publiques et privées ou des opérateurs publics et privés.
Les évaluations
Les évaluations, actuellement absentes, seront à faire annuellement ou au plus tard tous les deux ans, sous forme de séminaires regroupant l'ensemble des principaux cadres de la distribution et des prix, en présence des représentants des différents secteurs économiques du pays.
L'objectif lors de ces rencontres est de procéder à une identification et à une analyse contradictoire des situations vécues, ainsi que des actions conduites pendant la période écoulée, de relever les problèmes rencontrés et les insuffisances constatées, comme de proposer et soumettre à débats les voies et moyens possibles pour améliorer l'efficacité des systèmes mis en œuvre et des approches développées.
De même, serait-il utile, voire nécessaire que, lors de ces rencontres, soient identifiées et précisées les interfaces et les synergies possibles, avec d'autres domaines et secteurs de l'économie et que soient examinés les voies et moyens de leur concrétisation.
O. S.-A.
(*) Consultant internationnal


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