Les Tripolitains ont observé hier une grève générale décidée par les autorités locales de la capitale libyenne, pour dénoncer les affrontements sanglants entre miliciens armés et manifestants anti-milices ayant fait vendredi plus de 40 morts et des centaines de blessés. Ce débrayage de trois jours à compter d'hier concerne tous les secteurs publics et privés, selon un communiqué du Conseil local de Tripoli qui précise que la grève générale se déroulera «en signe de deuil» et de solidarité avec les familles des victimes de vendredi. Sadat Al Badri, président du Conseil local de Tripoli, a également insisté sur le caractère pacifique de la manifestation et prévenu : «Nous allons annoncer une grève générale et entrer dans la désobéissance civile jusqu'au départ de ces milices.» Les habitants de Tripoli protestent régulièrement contre la présence des milices armées -notamment celles venant d'autres régions-, accusées de s'adonner à toutes sortes de trafics et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret. Ces milices avaient participé aux combats à Tripoli jusqu'à la chute du régime de Maammar Kadhafi en août 2011, mais étaient restées dans la capitale. Les violences de vendredi ont éclaté quand des membres d'une milice de Misrata (environ 200 km à l'est de Tripoli), positionnée dans le quartier de Gharghour (sud), ont tiré sur des manifestants pacifiques venus réclamer son départ de la capitale. Des affrontements ont, par la suite, eu lieu à Tajoura, banlieue est de la capitale, entre ces miliciens et d'autres milices rivales. Les hommes de Misrata ont reculé par la suite de quelques kilomètres, selon des témoins. En représailles, des hommes armés ont délogé la milice de son QG, au prix d'affrontements meurtriers, et ont en partie incendié les lieux. Des hommes, arrivés en renfort dans la nuit de Misrata, ont repris le contrôle du QG. Ces violences ont fait au moins 43 morts et plus de 450 blessés, selon un bilan communiqué par le ministre libyen de la Santé, Noureddine Doghmane. Au lendemain de ces troubles sanglants qui font craindre une guerre civile dans le pays, des centaines de personnes se sont rassemblées sur la Place des Martyrs, au cœur de Tripoli, pour les funérailles des victimes, alors que des dizaines de jeunes ont scandé des slogans contre les milices que le gouvernement peine à contrôler, deux ans après le conflit, et appelé à la reconstruction de l'armée. Le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité du pays, avait décidé l'été dernier d'évacuer toutes les milices de la capitale, mais le gouvernement a été incapable d'appliquer cette mesure. Des manifestations contre des milices avaient eu lieu l'été dernier à Benghazi dans l'est du pays, provoquant aussi des affrontements ayant fait une trentaine de morts parmi les manifestants. Face à la recrudescence de la violences en Libye, le Premier ministre Ali Zeïdan, a appelé «à la retenue et à l'arrêt des combats». «La situation se compliquera davantage si d'autres groupes armés entrent dans la capitale», a-t-il estimé. L'état d'urgence décrété Les autorités de Tripoli ont décrété hier l'état d'urgence dans la capitale suite aux affrontements meurtriers entre des groupes armés, a rapporté la chaîne satellitaire qatarie Al Jazeera. L'état d'urgence a été imposé pour un délai de 48 heures, après quoi il pourrait être prolongé si la situation ne se stabilise pas.