L'Espagne est-elle toujours l'Espagne? Déjà entrée dans la légende du football avec un triplé consécutif inédit Euro-2008/Mondial-2010/Euro-2012, la "Roja" prépare la défense de son titre avec autant de doutes que de certitudes à six mois de la Coupe du monde au Brésil. Certes, la sélection numéro un au classement Fifa reste un géant planétaire, avec une identité de jeu définie, des joueurs techniques et expérimentés et un réservoir de jeunes talents pour apporter ce qu'il faut de sang frais. Mais une campagne de qualification peu emballante et une défaite en finale de la Coupe des Confédérations l'été dernier contre le Brésil (3-0) ont alimenté l'idée d'un possible déclin. Un manque d'étincelle dans le jeu offensif, des cadres comme le capitaine Iker Casillas sur courant alternatif en 2013: certains clignotants sont au rouge. Et même si l'Espagne figure légitimement parmi les têtes de série avant le tirage au sort vendredi, les bookmakers voient le Brésil, l'Allemagne et l'Argentine au moins aussi bien armés. Le pari Diego Costa Le risque d'une possession de balle stérile plane régulièrement au-dessus de la "Roja", dont le fameux "toque" (jeu de combinaisons et de passes courtes) ne surprend plus les adversaires après six années de domination sur le football mondial. "Nous avons une qualité, c'est d'avoir de la patience, de conserver le ballon, nous n'allons pas subitement appeler ça un défaut", a dédramatisé le sélectionneur Vicente Del Bosque en octobre. Symbole de ces doutes offensifs, le débat en Espagne se focalise sur le poste d'avant-centre, dont les titulaires d'hier ont perdu de leur superbe. David Villa revient à peine à son meilleur niveau après la longue blessure qui l'a privé de l'Euro-2012. Et Fernando Torres n'est plus le dynamiteur qui avait marqué en finale de l'Euro-2008. Si Alvaro Negredo, auteur de 4 buts en sélection depuis le mois d'août, et le "faux numéro 9" Cesc Fabregas sont des candidats plausibles, l'Espagne a reporté tous ses espoirs sur un joueur né au Brésil, Diego Costa, auteur de 15 buts en 15 matches de Liga cette saison avec l'Atletico Madrid. L'Hispano-Brésilien va devoir justifier la confiance de Del Bosque, qui s'est dit "un peu obligé" de le convoquer en juin prochain après le choix de l'attaquant de renoncer à son pays de naissance. Mais Fernando Llorente, Roberto Soldado ou Michu postulent aussi et personne ne semble encore indiscutable. Casillas, grand point d'interrogation L'autre grand point d'interrogation se situe à l'autre bout du terrain, au poste de gardien de but, où Iker Casillas (32 ans) est remplaçant avec le Real Madrid et sa doublure naturelle, le Barcelonais Victor Valdes (31 ans), s'est blessé pour plusieurs semaines. Même si Casillas, cantonné aux matches de Ligue des champions, a répondu présent à chaque titularisation avec le Real, l'Espagne peut-elle aller au Mondial avec un gardien qui aura aussi peu joué? Et à l'inverse, la "Roja" peut-elle se passer de son capitaine emblématique, grand conciliateur entre joueurs du Barça et du Real? Enfin, l'entrejeu madrilène, composé de joueurs brillants mais vieillissants - Xavi (33 ans), Xabi Alonso (32 ans), Andres Iniesta (29 ans) -, pourrait manquer de jus aux moments décisifs. "Nous avons de très bons joueurs pour défendre le titre de 2010 mais nous ne devons pas manquer d'humilité", a prévenu Del Bosque. Heureusement pour l'Espagne, il y a aussi des certitudes, comme la solide défense (la meilleure des qualifications en Europe) et la qualité de la génération montante, victorieuse de l'Euro des moins de 21 ans en juin avec les prometteurs Isco, Koke ou Thiago Alcantara. L'autre bonne nouvelle est la prolongation du contrat de Del Bosque (62 ans) jusqu'à l'Euro-2016 en France, ce qui devrait permettre au technicien moustachu de préparer sereinement le grand rendez-vous brésilien. Pour écrire un nouveau chapitre de l'épopée espagnole ?